Alexandre Mirlicourtois, Xerfi: PIB/capita: comment la France a régressé face aux autres pays avancés.
La France s’appauvrit-elle et les Français avec? Pour le savoir, il faut rapporter le PIB au nombre d’habitants. Et le constat est alors frappant: après une période faste entre 1990 et 2007, avec un PIB par habitant en hausse de 1,5% par an, la récession de 2008 2009 a grippé la machine et la richesse par habitant a flanché.
Bilan: fin 2013, le PIB par tête était inférieur de 1,4% à celui de 2007.
Mais la France est-elle un cas unique ? Pour le savoir, il faut examiner le PIB par habitant en parité de pouvoir d’achat. En clair, on affecte à tous les pays le même système de prix pour des biens de qualité équivalente pour rendre possible la comparaison.
Ce qui ne change rien au profil de la courbe avec toujours ce même décrochage en fin de période.
L’allure de la courbe américaine est semblable à deux détails près: elle est au-dessus et le creux de 2009 a été effacé dès 2012.
La comparaison avec le Royaume-Uni est encore moins flatteuse même si la récession de 2008-2009 y a fait plus de dégâts.
Par rapport à l’Europe du Sud (composée de l’Italie, de l’Espagne et du Portugal), l’entrée de ces pays dans euro puis la violence de la crise a annulé le rattrapage de la décennie précédente.
Le panorama d’ensemble renvoie au final l’image d’une France qui se paupérise également vis-à-vis des autres pays.
Alors pourquoi un tel décrochage ?
Il y a d’abord, le rôle de la démographie. Non pas parce que la population française s’accroît beaucoup plus vite qu’ailleurs, mais parce que c’est son excédent naturel qui alimente la hausse, pas l’immigration. Et par définition les jeunes qui ne sont pas en âge de travailler participent moins à la création de richesse: or les 0-14 ans représentent près de 19% de la population totale française, c’est 1 point de plus qu’au Royaume-Uni et le fossé se creuse ensuite jusqu’à atteindre 5,5 points avec l’Allemagne.
Seconde explication, le taux d’emploi des 15-64 ans est plus faible en France que dans les pays développés du nord ou de l’ouest. Cela vient d’un taux de chômage plus élevé mais aussi des réformes des retraites engagés dans ces pays qui maintiennent les seniors plus longtemps en activité qu’en France. Résultat, à 45,6%, le taux d’emploi des 55-64 ans est chez nous très inférieur à la moyenne européenne. L’écart est de presque 18 points avec l’Allemagne.
Reste le dernier élément, le déclin de la productivité, à la fois parce que le nombre d’heures travaillées a baissé et que la productivité horaire a reculé. Un déclin lié aussi à l’effet collatéral des allègements de charges sur les bas salaires qui a entraîné une multiplication des emplois peu qualifiés, à plus faible valeur ajoutée, à plus faible productivité.
La France a décroché. C’est une réalité. C’est en partie à cause d’un profil démographique très particulier qui tournera à son avantage d’ici une quinzaine d’années. Mais pour aborder l’avenir il faut néanmoins choisir entre deux modèles. Soit faire machine arrière, allonger les journées de travail et pousser l’emploi dans les âges extrêmes. Soit, monter en gamme dans nos emplois. C’est possible.
L’arrivée à maturité des technologies liées à la micro-électronique, au logiciel et à l’internet provoque une accélération fantastique des grappes d’innovations qui impacte tous les secteurs de l’économie mais aussi toutes les entreprises: pas seulement les produits, mais aussi les process de production des biens, des services tout comme les modes d’organisation, les fonctionnalités proposées aux consommateurs. Bref, c’est en misant sur ce nous avons appelé au sein de l’Institut Xerfi, l’Iconomie, que la France remontera la pente.
Sources:
Mis en ligne le 30/06/2014 pratclif.com