Pourquoi certaines nations échouent à donner le bonheur et la prospérité à leurs peuples?

Ce billet sur "l'économie sociale et solidaire" publié sur le site de BSI-economics m'a intéressé. J'en reproduis l'introduction et me réfère à la source [lien].

La crise économique et sociale a favorisé un profond réexamen du fonctionnement de l’économie dans la plupart des pays du monde. L’État semble aujourd'’hui incapable de faire face seul à la montée du chômage, la persistance de la pauvreté, la dégradation de l’environnement. Le fonctionnement de l’économie de marché engendre pour sa part de fortes disparités, des inégalités de développement sociales ou territoriales et l’exclusion de certaines populations. Cette situation a favorisé, un peu partout à travers le monde, l’émergence d’un autre secteur, celui de l’économie sociale et solidaire, qui apporte des solutions en (re)plaçant l’Homme au centre du développement économique et social.... Lire la suite "économie sociale et solidaire".


Cette lecture me suscite ces réflexions:

La recherche du bonheur et du bien-être est une constante dans l'activité humaine. Ludwig von Mises dans son oeuvre majeure "l'action humaine" 20 écrit que toute notre activité tend à obtenir le bonheur, le préserver et l'accroître. Par quels moyens? Depuis la révolution industrielle nous disposons grâce à l'énergie multipliée par centuples, de moyens formidables pour transformer les matières premières naturelles en produits utiles. Commencée avec le charbon et la machine à vapeur, puis l'électricité, puis le pétrole et le moteur à explosion, la révolution industrielle a profondément changé nos sociétés entre le début du 19è siècle et 1914. C'est le capitalisme qui a permis cette révolution. Car techniquement le capitalisme fonctionne; c'est même reconnu par la grande majorité des gens comme le seul système qui permet la production de biens, en quantité, en qualité et en prix pour satisfaire le plus grand nombre. En effet pour produire, il faut une technologie, des machines, des hommes qui les font marcher, des savoirs faire et une organisation pour cela. Et tout cela nécessite des terrains, des bâtiments, et un environnement externe favorable c'est à dire des infrastructures et des services publics, un système éducatif, de santé, de protection juridique des biens et de sécurité.

La mise en place de ces moyens de production de biens nécessite d'une part une dépense préalable appelée investissement qui est obtenue en épargnant, cad. en ne dépensant pas tout son revenu en biens de consommation immédiats; et d'autre part un "entrepreneur" qui dispose de talents, de motivation et de l'épargne nécessaire à faire l'investissement; ou qui peut en mobiliser avec d'autres - membres de sa famille, associés ou banques. Il n'y a pas lieu ici d'en dire plus.

Interrompu durant 30 ans par deux guerres mondiales et une grande crise économique qui affecta tous les pays industrialisés, le processus de croissance de la prospérité reprit à partir de 1945, de manière accélérée avec une croissance sans précédent de la production et de la consommation de biens et de services: croissance en crosse de hockey 24. D'abord en Europe et au Japon dévastés par les guerres et avec l'aide des États-Unis (*); puis dans les autres pays du monde, en Asie - Corée, Thailande, Indonésie, Malaisie, et plus récemment en Chine et en Inde.
(*) Explication: de décembre 1941, date d'entrée en guerre des États-Unis contre le Japon et l'Allemagne et mai 1945 date de la reddition de l'Allemagne et septembre 1945 celle du Japon, la production des États-Unis fut multipliée par quatre.

Si le capitalisme doit bien fonctionner techniquement, c'est parce que production égale consommation; c'est à dire que tout ce qui est produit doit être consommé et que le prix payé par les consommateurs doit nécessairement être distribué à tous les producteurs qui y ont contribué, à juste proportion de la part de chacun. C'est là que le bât blesse. Car certains vont chercher à prélever plus que leur juste part, en utilisant leur position de puissance au sein de l'organisation de production. C'est alors que doivent entrer en jeu les institutions et l'État, institution suprême ou de dernier ressort. Les institutions sont le résultat de l'action commune des citoyens et des décideurs politiques qu'ils élisent, au sein du système démocratique, sur le temps long et d'élections successives. Les institutions doivent fournir, contrôler, imposer et préserver, des règles de fonctionnement de la société qui assurent un terrain favorable à la production de biens et de services pour le bien-être de tous, individus, ménages, entreprises, État et reste du monde. Nous avons besoin d’un fonctionnement transversal et de bas en haut pour que notre démocratie soit une vraie démocratie – sans avoir peur du « too many cooks »; un terrain de jeu où se déroule l’égalité des opportunités ainsi que l’utilisation et la mise en valeur des talents de chacun. Chacun de nous doit agir pour que cela soit ainsi: des Institutions intégrées au service de tous sans exception.

Cet extrait du livre de Daron Acemoglu et James A. Robinson sur l'importance des institutions pour la prospérité des nations explique de quoi il s'agit: "moteurs de la prospérité" 2.

J'en reviens à l'économie sociale et solidaire 8,9. Le concept relève de la correction des défauts du capitalisme. Mais si les institutions existantes ou des institutions plus adéquates mais manquantes fonctionnaient correctement, y compris la justice, ces défauts n'existeraient pas ou seraient amoindris. Cela dit, les organisations de production et de consommation alternatives sont les bienvenues. Ces organisations existent depuis les débuts du capitalisme.

La crise commencée fin 2007 - 8 ans déjà - n'est pas une de ces nombreuses crises cycliques qui jalonnent l'histoire du capitalisme. Des crises qui se déroulaient sur 4-5 ans que les analystes expliquent par l'adaptation de la production et de la consommation, l'accumulation des stocks ou la diffusion des nouvelles technologies; des crises qui se traduisent par un ralentissement de l'activité, de la production et de la consommation, puis une reprise et un retour au rythme de croissance précédent, comme si rien ne s'était passé. Cette crise est de plus en plus perçue comme une mutation profonde de la société, voire de la civilisation. Des économistes parlent de risque de stagnation séculaire 25.

Parce qu'elle est plus grave, on la compare à celle commencée en 1929 qui ne s'est terminée qu'à la fin de la 2è guerre mondiale et l'émergence de l'hégémonie des États-Unis dans le monde occidental - États-Unis, Japon et les rameaux de l'Europe dans le monde (Canada, Australie, Nouvelle-Zélande). L'hégémonie des États-Unis a permis de reconstruire l'Europe et le Japon dévastés, durant trente années de 1945 à 1975, années dites "les trente glorieuses". Pendant ce temps, l'URSS qui avait aussi largement contribué à la défaite de l'Allemagne nazie en 1945, poursuivait sa propre politique d'hégémonie dans les régions du monde où elle était influente et auprès des ex colonies de l'Europe (Grande Bretagne et France) et des pays sous influence des États-Unis. Ce fut la guerre froide d'affrontement des États-Unis (et leurs alliés durant la 2è guerre mondiale) et de l'URSS; elle se termina en 1990 avec l'effondrement de l'URSS pour des raisons intérieures à leur système politique, social et économique créé lors de la révolution russe en 1917.

Depuis 1990, les États-Unis ont voulu exercer leur hégémonie sur le monde entier, prétendant apporter le rêve américain des émigrés européens de la fin du 19è siècle, la démocratie, le mode de vie productiviste et consumériste, et la "pax americana" à tous; mais défendant aussi leurs intérêts et les intérêts des grands groupes de leur complexe militaro-industriel. Mais cette politique a enflammé le monde en de multiples régions: Corée, Soudan, Afghanistan, Irak*, Libye, Syrie, Ukraine... loin d'apporter la "pax americana" et la démocratie.
* l'exemple le plus flagrant est celui de l'Irak dont l'État a été détruit sous le prétexte de la présence d'armes de destruction massives qui menaçaient la sécurité des États-Unis et du monde après l'attentat du 11 septembre 2001 contre le World Trade Center.

Aujourd'hui tout l'édifice construit par les hommes depuis des millénaires, et surtout depuis la révolution industrielle et le formidable accroissement de la prospérité dans le monde, même s'il est très inégalitaire, semble menacé. Trois menaces majeures se profilent : les progrès techniques et la croissance exponentielle de tout et indéfiniment (croissance en forme de crosse de hockey 24), l'arme nucléaire et le changement climatique.

Armes nucléaires: la menace est réelle si on se réfère à l'histoire: l'usage inconsidéré des engins de mort lors des deux guerres mondiales (*), les génocides des juifs, des Arméniens, des Tutsis au Rwanda... Si des dirigeants fous d'un pays doté de l'arme nucléaire déclenchaient une guerre nucléaire, ce serait l'Armageddon, la catastrophe planétaire 23.
Bombe atomique à Hiroshima et Nagasaki; et imaginez que qu'aurait été le bombardement de Dresde si les américains avaient disposé de la bombe A plus tôt.

Progrès techniques: Les progrès techniques utilisés de manière inconsidérée peuvent conduire à des désastres humains et environnementaux. Voir "L'humanité en ce 21è siècle est en danger de mort à cause des effets pervers de l'ingéniosité des hommes, la technique et l'économie se retournent contre nous" par sir Martin Rees 12 et "Nous sommes en train de vivre une mosaïque d’effondrements: la fin annoncée de la civilisation industrielle" 13.

Changement climatique: La dernière alerte sur la question est l'encyclique du pape François "Laudate si' mi' signore" 22... Le pape vient ajouter sa voix à tous ceux qui nous alertent sur le changement climatique dû à la croissance exponentielle des émissions de gaz à effet de serre 17. Un voix qui s'ajoute à celles des multiples scientifiques au sein du GIEC26, philosophes et observateurs éclairés: un catastrophisme éclairé11, 18 pour que nous prenions les mesures nécessaires s'il en est encore temps 14, 15, 16.

  1. Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations
  2. Why nations fail? Daron Acemoglu et James Robinson
  3. Why Nations Fail? Commentary Thomas Friedman author of "the world is flat"
  4. Why nations fail: an extract on the engines of prosperity
  5. The world is flat | Thomas Friedman
  6. Comment le régime démocratique peut améliorer l’efficacité économique ?
  7. Les principales mesures du projet de loi Macron
  8. L’économie Sociale et Solidaire, entre rôle palliatif et modèle alternatif
  9. Économie sociale et solidaire : les enjeux actuels d’un secteur en plein essor
  10. Noam Chomsky: sa vision du monde depuis 1928 année de sa naissance de parents juifs à Philadelphie
  11. Corinne Lepage; critique sans concession de la politique Hollande pour l'écologie
  12. L'humanité en ce 21è siècle est en danger de mort à cause des effets pervers de l'ingéniosité des hommes, la technique et l'économie se retournent contre nous. Martin Rees
  13. Nous sommes en train de vivre une mosaïque d’effondrements: la fin annoncée de la civilisation industrielle
  14. C'est Maintenant ! 3 ans pour sauver le monde | Jean-Marc Jancovici et Alain Grandjean
  15. Dahr Jamail | Imminent Collapse of the Antarctic Ice Shelf and a New Era in the Arctic
  16. Dahr Jamail (traduction en français par les Crises d'Olivier Berruyer).
  17. Énergie, effet de serre, réchauffement climatique: écouter Henri Prévost Canal académie
  18. Jean-Pierre Dupuis: pour un catastrophisme éclairé: quand l'impossible est certain
  19. Waterloo; la fin de la tentative d'hégémonie française sur l'Europe | Eric Verhaeghe
  20. Ludwig von Mises "l'action humaine"
  21. Croissance exponentielle de tout et indéfiniment
  22. Encyclique du pape François "laudate si' mi' signore" sur le changement climatique
  23. L'Armageddon, signifie aujourd'hui catastrophe planétaire.
  24. Croissance en crosse de hockey
  25. Stagnation séculaire, quesaco?
  26. GIEC
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    Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com