Et si l'euro nous condamnait à la mort à petit feu?

Ce texte est extrait du livre d'Alain Cotta: l'épilogue. Il envisage 3 possibilités pour l'avenir de l'euro. La première une sortie pure et simple; la deuxième, un retour au franc mais accroché à l'écu comme monnaie commune servant de discipline. Et la troisième, la poursuite de l'euro, ce qu'il qualifie de "mourir à petit feu". C'est cette possibilité qui a retenu mon attention, car elle est vraisemblable, après avoir lu les chapitres précédents. En effet, si l'on ajoute tout ce qui touche à l'environnement, l'économie verte, le recyclage, le traitement des déchets, l'économie circulaire.... c'est un peu la nouvelle croissance - ou organisation de la société - qui est ainsi décrite.

Si les Américains, vieux, blancs, riches, gardaient et même renforçaient leur pouvoir sur leur continent et la planète, si l'euro perdurait sous la pression de nos politiques refusant d'avoir eu tort, acceptant même de mater quelques émeutes éventuelles provoquées par une austérité qui tournerait à la franche dépression, que se passerait-il pour notre France ? Encore blanche bien que métissée, désormais riche et toujours vieillissante? Finirait-elle par mourir à feu doux ou dans un incendie incontrôlé ?

Est-il concevable qu'elle ait un accès de juvénilité et qu'elle redevienne industrielle pour soutenir son emploi, créer une fameuse richesse supplémentaire, revivifier des régions délaissées et obéir aux objurgations des ministres successifs d'une Industrie assez semblable pour l'heure aux Anciens Combattants ? Rien ne le laisse prévoir. Au contraire. Comment des industries de main-d'oeuvre et autres pourraient-elles demeurer compétitives sur les marchés mondiaux alors que le coût d'un travail protégé (sécurité, retraites, durée) est dix fois supérieur à celui des pays émergents, Chine en tête ? Comment ne seraient-elles pas délocalisées après que nos industries automobile, aéronautique et textile auraient ouvert la voie ?

Que prouve l'exemple allemand, invoqué à l'envie par nos ministres ? Que les industries à coût de travail relatif élevé ne peuvent rester localisées sur le sol européen qu'à deux conditions : soit que ses entreprises demeurent petites et « souterraines », comme en Italie, soit qu'elles détiennent un monopole technique qui se vende à tout prix, c'est-à-dire à tout salaire.

Ces deux solutions sont exclues en France. Nous ne voulons pas de dérogation à l'emploi social, sauf s'il s'agit d'immigrés en mal de papiers, soupape de «notre» textile d'habillement. Et nous ne possédons pas non plus de monopole, ni dans la mécanique, fer de lance de l'industrie allemande dans les pays émergents, ni dans cette chimie qui a le mauvais goût de polluer nos campagnes verdoyantes. En réalité, la France a longtemps refusé de devenir industrielle, jusqu'en 1940, à dire vrai jusqu'à Pompidou, après que de Gaulle eut ouvert la voie royale au nucléaire. Elle éprouve toujours pour la mécanique une aversion aussi prononcée que ne l'est le penchant des Allemands. Autant de plans successifs – publics – pour la mécanique, autant d'échecs moins coûteux mais plus définitifs que dans tous les autres domaines industriels. Et notre chimie n'a souhaité persister à vivre qu'en demeurant de plus en plus fine, comme papier à cigarette, non sans s'être délocalisée. Et la relocalisation de la moindre part de l'automobile nécessite des subventions au risque d'ôter à Renault ses chances de demeurer dans l'oligopole mondial.

Notre agriculture, que voilà en revanche une valeur sûre, aux racines sans fond et aux qualités multiples ! La première au palmarès : c'est une activité indélocalisable. La terre ne meurt pas, ne ment pas et ne s'évade pas, au loin, hors des frontières, dans le no man's land mondial. Une fois condamnée à poste fixe, sa seconde vertu est d'avoir été créée par la femme. Nos agriculteurs ont accumulé une compétence et un savoir-faire que l'évolution récente des techniques n'a pas entamés. Leurs épouses veillent au grain comme aux oeufs, leur traditionnel pécule qui permet de maintenir le niveau de vie même lorsque Bruxelles vient à trahir.

De surcroît, leur activité a comme troisième vertu d'être à l'ordre du jour. Que la température baisse ou monte, selon les jours, les mois ou les années, ils veillent à l'environnement. Ce sont des écolos de profession, non de discours, préservant les paysages, la nature et continuant à perpétuer une cuisine du temps où les femmes prenaient le temps de la faire entre deux traites. Et ils en trouvent encore, de ces femmes. Peut-être moins que désiré, ce en quoi ils ne manifestent aucune originalité.

Et pour ceindre ce faisceau de qualités d'une étoile matinale, leur balance extérieure est largement positive (8 millions d'euros), sans pouvoir cependant compenser les déficits de l'industrie. Comment oser refuser dans ces conditions de subventionner cette activité bien de chez nous, au moins autant que l'impéritie des Grecs, toutes catégories sociales confondues ? Notre charité collective est curieusement ordonnée.

Plus guère d'industrie, une agriculture performante, donc de moins en moins peuplée, à préserver à tout prix, y compris le refus de tout compromis avec une OMC souvent inamicale, ce sont les services qui constitueraient l'essentiel, près de 90 % du produit national et de l'emploi à délai assez bref (2020), comme il est prévu dans l'État de Californie. Une place de choix sera affectée à quatre d'entre eux qui se battront sans doute pour dominer leur hiérarchie.

Les activités touristiques garantiraient à la France de conserver la première place, qu'elle occupe aujourd'hui en Europe. Que les États-Unis continuent à peupler leur territoire, à augmenter leur production de 3 % par an, que la Chine et toute l'Asie rattrapent le temps perdu (différé) et deviennent plus riches que l'Europe, que même l'Amérique du Sud, Brésil excepté, cesse de s'endetter pour ne pas se développer ne changeraient rien au fait que l'Europe a accumulé depuis des siècles les monuments, les œuvres d'art, les châteaux et autres palais de la monarchie et des papes, qui pullulent sur notre territoire et pas seulement à Paris.

Ils ne changeront rien non plus à l'attrait mondial d'une capitale, aujourd'hui la première entreprise d'exportations française et une concentration de musées sans rivale. Rien non plus à ce que nos agriculteurs ont préservé, aménagé les sites les plus divers et leurs habitats traditionnels, capables de recevoir de plus en plus d'hôtes. Et pas davantage que la cuisine française, issue de ses terroirs, est, avec la chinoise et la marocaine, l'une des trois les plus variées et inventives du monde. Toute notre histoire, celle de toutes feu nos classes sociales, ne saurait être défaite ni refaite par d'autres. Elle nous vaudra longtemps la visite des nouveaux habitants de la nouvelle mondialisation.

Ces services touristiques ont pour vertu extrême que leur offre n'est pas délocalisable, pas plus les châteaux que leurs gardiens, alors qu'ils attirent une demande presque exclusivement étrangère, d'où leur capacité à assurer l'emploi des Français à partir des délocalisations bénéfiques, les voyages touristiques de nos « amis étrangers ».
D'autres services n'ont pas la même ambivalence mais sont plus bénéfiques encore à l'emploi : ce sont des services qui méritaient encore d'être qualifiés de Santé voici quelques années ou décennies, mais qui, aujourd'hui déjà, relèvent plus généralement d'un domaine nouveau : la biologie sociale. La mort et la maladie, le mal par excellence de la religion bouddhiste, font désormais l'objet d'une dénonciation des plus temporelle. L'amélioration constante des traitements à toutes les maladies depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, antibiotiques et chirurgie notamment, l'augmentation continue du niveau de vie moyen ont provoqué celle des dépenses de santé, 20 %, soit un cinquième du produit national américain, donc le nôtre sous peu. Désormais, jouir d'une parfaite santé a pris la place du «manger à sa faim» au siècle dernier.

Mais cette perfection demeure subjective et ne se prête pas à des mesures précises en termes de calories. Le «soin de soi », devenu un objectif des plus légitime, un programme politique à usage électoral davantage qu'au rééquilibre des finances publiques, conduit évidemment au narcissisme, à l'hypocondrie et au concours permanent des massages du corps et du coeur dont il n'est pas toujours sûr qu'ils suffisent aux êtres exigeants. N'empêche, autant de services créateurs d'emplois, ce qui est bien l'essentiel.

L'allongement de la durée de vie depuis une génération traduit la volonté collective de traiter la mort, non plus comme le légionnaire romain qui en espérait le couronnement de sa carrière, ni comme un don de Dieu attendu dans la résignation heureuse, ni comme une condamnation sans appel sinon philosophique, mais comme un cancer, une maladie que l'on soigne avec un succès certes relatif et temporaire, mais dont il est toujours très agréable de profiter à quelque prix que ce soit, notamment lorsqu'il est collectivisé (Sécurité sociale), et même si la qualité de la vie ainsi prolongée est des plus faible, jusqu'au grabat, dépendance ultime. La volonté très majoritaire des Français n'est pas de travailler plus ni de gagner plus – sauf s'il s'agit d'un don – mais de limiter la durée de leur «deuxième âge », après avoir fait durer celui du premier, avant de consacrer le troisième à voyager le plus loin et le plus longtemps, et de prolonger le quatrième autant que les services médicaux qui l'entourent le lui permettent.

C'est-à-dire autant que des nouvelles professions, brancardiers, ambulanciers, infirmières, cuisinières de collectivités, médecins de centres d'hébergement, aux effectifs bondissants, sans compter toutes celles qui, en amont – recherche médicale et pharmaceutique, fabricants de toutes prothèses y compris ambulatoires, dont la production a quasiment doublé en dix ans –, maintiennent des emplois industriels, ou, en aval – fleuristes, bedeaux, entreprises funéraires –, qui mettent finalement fin à une dépendance, revanche de l'égalitarisme. Ces services d'un «nouvel âge» se développeront-ils plus ou moins rapidement que tous ceux nécessaires à la communication entre des Français de tout âge, du premier jusqu'au quatrième? Difficile à prévoir tant le besoin de se réunir à travers des messages, écrits, parlés, regardés, paraît aussi fort que celui de vivre dès que le temps de loisir le permet.

L'extraordinaire enrichissement des communications interpersonnelles dans tous les pays du monde, des plus développés jusqu'aux non-émergents, en passant par la Chine, ne fait que manifester l'expression, dès que les moyens techniques l'y autorisent, d'un narcissisme total, du corps à la psyché. Twitter, Facebook, sites sexuels sur les grands moteurs de recherche, sites plus sociaux encore de recherche du mari ou de l'épouse enfin déniché(e), sont des moyens pour chacun de parler de soi, au lieu de devoir toujours rester coi, fût-ce les oreilles bouchées par des écouteurs. Aucune limite prévisible à ce besoin, devenu permanent pour certains, sauf son coût d'usage, condamné à baisser de façon continue, des biens matériels qui en constituent l'infrastructure aux communications elles-mêmes.

Cette explosion des activités de communication et d'information engendre déjà une floraison de services nouveaux, à commencer par toute l'ingénierie de l'informatique, des découvreurs de nouveaux langages jusqu'aux réparateurs de matériels dont le commun des mortels connaît encore moins le fonctionnement que celui de son réfrigérateur. La production des contenus offre une palette de nouveaux métiers encore plus étendue. Le do It yourself qui alimente les réseaux sociaux (Face-book et Twitter) ne saurait suffire à la production continue de films, musiques, journaux, éditions, ainsi qu'à leurs interconnections. Le journalisme, sous toutes ses formes, de moins en moins littéraire, a un futur d'une promesse telle qu'il y perdra son nom, au profit des «agents de la communication sociale ». Autant de services auxquels leur nouveauté, conjuguée à leur variété, assure des débouchés séduisants pour des jeunes sortis des arcanes d'un enseignement interminable.

Les deux ex-nations mondiales le demeurent à la mesure de leur langue. L'anglais, tenté de devenir le dialecte financier des correspondants sur tables, n'en est pas moins le moyen de communication entre des individus de toutes races, conditions et nationalités, même s'il ne s'agit que d'échanges verbaux des plus limités et utilitaires. Le français conserve, outre le nombre élevé de ses usagers quotidiens, comme la musique allemande ou l'opéra italien, une place prééminente dans le domaine littéraire. Pourquoi les Français écrivent-ils autant, pourquoi ont-ils inventé le roman, pourquoi leur création poétique a-t-elle été continue, pourquoi la culture purement littéraire attire-t-elle toujours autant de pratiquants, alors que, par ailleurs, ce peuple fut bien souvent d'obédience et de goût militaire quand il délaissait l'agriculture? Quelles qu'en soient les raisons, le constat de l'importance de notre production littéraire, de la pratique de notre langue par ceux qui expriment des idées, des valeurs, des rêves, de son choix lorsqu'ils écrivent, encore aujourd'hui Borges comme Kadaré, ou comme bien d'autres, suffit à assigner à tous les services que cette communication du français et en français a une place qui relève non de la connaissance mais des sentiments. Un as de coeur en quelque sorte.

Mais les services sans doute les plus riches d'avenir, sinon déjà dans le présent, sont intimement liés – et c'est à la fois naturel et rationnel – notre très grand atout, notre as de pique, la couleur que les diseuses de bonne aventure affirment être celle de l'argent, à notre passion pour l'épargne, cette poire pour la soif, cette assurance pour un avenir toujours reculé.

Depuis 1958, nos présidents ont vécu leur mandat, portés par une idée et un objectif : une France eschatologique pour le Général dont nous nous souviendrons encore quelques années, une Europe enfin fédérale, dirigée par un président qui ne soit pas belge et qui ait fait une grande école scientifique, un apôtre de la philosophie de l'adversité naturelle du changement et, entre eux, un président qui affirma toujours son amour de la paix mais on ne sait si son adoration avait des raisons politiques ou économiques. Ce président-là était fasciné par le constat que la France, ayant connu près d'un demi-siècle de paix – et de croissance –, était devenue, par son épargne à taux quasiment constant quelles que soient les circonstances, un pays très riche. Un de ses collaborateurs a bien voulu m'avouer qu'il insistait beaucoup sur le TRÈS. Aussi, ces Français pouvaient-ils s'offrir de travailler moins, de se mettre en retraite plus tôt, dès 60 ans, et de voter... socialiste. Au riche tout est possible : la fameuse «liberté frappée» de Léon Bloy, dans un confort qui serait plus proche du bonheur que de l'habitude qui passe vite.

Tout économiste ayant ce fâcheux travers, le rendant bien désagréable et inutilisable, de traduire chaque idée ou sentiment en grandeur mesurable, il était inévitable que le constat d'une France riche et pas seulement de son passé préindustriel soit soumis à l'épreuve du chiffre. À taux d'épargne quasiment constant en soixante ans – autour de 15 % à 16 % – à produit intérieur brut croissant en moyenne de 3 % environ et à une épargne égale à quelque 320 milliards d'euros (le PIB de 2009 était égal à 2000 milliards), l'accumulation de cette épargne pendant ces soixante ans donne un patrimoine de 9 trillions (9000 milliards) d'euros ou, allons, soyons taquins, 60 trillions de feu nos francs nouveaux. Certes, ce chiffre de 9 trillions ne saurait être pris pour «argent comptant». Des actifs/actions, obligations et toutes autres créances ont été dépréciés, la valeur d'autres s'est évanouie en consommation, au terme des successions. Mais, d'un autre côté, certains se sont appréciés, notamment les actifs immobiliers, ainsi que le cours boursier de nombreuses actions ; enfin, ces anciens paysans que nous sommes aimons bien capitaliser les intérêts, les ajouter chaque fois que possible à la valeur des «biens de rapport». Impossible d'affirmer que les apports et les retraits annuels des patrimoines essentiels se compensent.

Cette évaluation de 9 trillions accumulés par les Français depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale ne manque cependant pas d'intérêt. Une coïncidence mérite d'être aussitôt soulignée : les Français auraient accumulé en soixante ans le montant de la dette européenne d'aujourd'hui, 9 trillions elle aussi. Bien que cette égalité tienne pour partie d'un bienheureux hasard, elle corrobore parfaitement la très vieille complémentarité de la France agricole et de l'Allemagne industrielle. Le taux d'épargne français est aussi exceptionnel que le taux d'exportation allemand. Ajoutons-y les matières premières russes, peuple non industrieux (sauf dans le militaire) et non épargnant, et nous avons la parfaite illustration des dangers, pour ne pas dire de l'erreur grossière, à ne pas soumettre l'analyse économique à l'histoire des nations.

Et que serait une évaluation ne se limitant pas au patrimoine accumulé ces derniers temps, mais tenant aussi compte d'une accumulation historique exceptionnelle, liée évidemment à ce que France et Angleterre furent des puissances mondiales durant un petit siècle ? Avec une preuve supplémentaire de la grande supériorité de la diplomatie anglaise : les frises du Parthénon sont à Londres et la Treasury ne versera pas un shilling pour renflouer la Grèce, alors que nous aurions sûrement rendu ces frises même après avoir renfloué les banques grecques, mais peut-être, en même temps, aurions-nous vendu nombre de faux tableaux aux collectionneurs du monde entier avec une préférence pour l'outre-Atlantique.

Notre patrimoine historique augmenté de notre accumulation de l'après-guerre excède donc sûrement une vingtaine de trillions. Or, tout patrimoine s'entretient, l'immobilier comme le financier, ce qui nécessite d'y consacrer au moins 1 % de sa valeur, soit quelque 10 % de notre produit national et de nos emplois, qu'il s'agisse de la variété des métiers qui entretiennent l'immobilier, des artisans en tout genre jusqu'aux juristes, en passant par les gérants des résidences collectives et, pour les actifs mobiliers, des employés de banque, gérants de patrimoine et autres professions juridiques en permanence sollicitées à sécuriser les placements, sans compter les séducteurs, photographes et autres, de vrais riches. Ces services patrimoniaux deviennent chaque jour plus nombreux, plus discrets, allant jusqu'à pratiquer le secret tant désiré des titulaires de patrimoines dont la délocalisation est une menace (11 ' 1 faut exorciser au nom de la préservation des emplois domestiques.

Tous ces services sont appelés sous bref délai à justifier la quasi-totalité des emplois. Leur productivité ne saura être comparée à celle des travaux industriels, déterminée par le développement et le progrès technique qui n'aura plus le même contenu. Les machines, devenues robots, auront fait leur temps pour céder la place à l'envahissement de l'informatique et des ordinateurs. Ces emplois seront très inégalement qualifiés, faits davantage de présence que d'une compétence au demeurant très spécifique. Ils ne prédisposeront guère à des contestations du régime politique et social. Les jeunes de demain, déjà ceux d'aujourd'hui, se contenteront volontiers d'éviter le chômage. Toute contestation révolu(ion paire, ou simplement exubérante (type 1968), faute d'idées sur ce que pourrait être un «autre Inonde», n'aura tout simplement plus cours. Rave parties et beuveries collectives sur les grandes places du passé seront les seules traductions de l'inégalité sociale intergénérationnelle. Et les syndicats ouvriers se dissoudront lentement, comme il convient de toute organisation surannée, dans un corporatisme de services où chacune de ces grandes catégories éclatera elle-même en activités très spécifiques essayant d'améliorer leur condition relative.

Et pourquoi l'euro ne continuerait-il pas très longtemps à transformer l'Europe en un continent toujours aussi morcelé, à la population vieillissante, à la jeunesse résignée ou émigrée, à la rente royale et au passé salvateur? Pourquoi pas une mort à feu doux, très doux, presque éternel ? Voilà qui conviendrait aux gérontocraties qui sont nées de la démocratie et du vieillissement continu de la population. Et qui ne sont peut-être pas les seules à souhaiter ce destin. Voici moins de quelques mois, George Soros réunissait à Londres plusieurs dirigeants de ces fameux hedge funds pour déclencher la baisse de l'euro. Avait-il, et ses alliés avec lui, la seule volonté de gagner quelques milliards de dollars de plus ou une autre ambition qui ait reçu des appuis politiques et pas seulement financiers ?

Supposons que l'euro ne vaille plus qu'un seul dollar. Quelques petits «investissements» de ces hedge funds suffiraient pour réaliser cette égalité. Et si celle-ci perdurait, pourquoi donc conserver l'euro? Pourquoi ne pas le supprimer en lui substituant une monnaie Atlantique, une sorte de monnaie Otan ou FMI, les droits de tirage spéciaux en l'espèce? Après tout, la monnaie suit toujours l'armée après l'avoir précédée pour la constituer.

Serait-ce là une belle mort pour l'euro? Ce trépas profiterait sûrement à la finance internationale, ... londonienne et new-yorkaise, et encore plus à notre alliée de toujours, les États-Unis. Cette alliance serait nourrie et scellée par l'apport de notre épargne au financement du déficit américain et de sa puissance mondiale. Nos rentiers seraient moins sûrs de leur situation privilégiée. Mais ils se sentiraient peut-être plus rassurés de financer leurs libérateurs d'hier devenus leurs débiteurs de demain.

Une mort qui interromprait l'acharnement thérapeutique ne surprendrait pas. Et l'Europe désagrégée serait un continent enfin conquis. On revient toujours sur les lieux de son enfance. À moins que... la France ne "refuse le destin vulgaire de vieillir 1".

1. Charles Guérin, L'Éros funèbre, 1900.

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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com