À partir d'aujourd'hui 9 novembre 2015, la France vit à crédit! vrai ou faux?

À partir d'aujourd'hui, la France vit à crédit: source rtl.fr par Eléanor Douet.
Depuis quelques heures, ce lundi 9 novembre, la France n'a plus d'argent dans ses caisses. Pendant 53 jours, le pays va devoir vivre à crédit, en attendant 2016, car il a consommé le montant total de ses recettes. La France va donc être dans l'obligation d'emprunter pour continuer à payer ses dépenses.

D’après les calculs de l’Institut Molinari, ces 53 jours non financés d’ici la fin de l’année placent la France en queue de classement des pays de l’Union qui équilibrent le moins bien leurs comptes. Le pays se retrouve aux côtés de Chypre, du Portugal, de la Bulgarie ou encore de l’Espagne qui sont dans le rouge depuis le mois dernier. Bien loin donc des quatre pays de l’Union qui vont finir l’année dans le vert, comme l’Allemagne, le Danemark, mais aussi la Lithuanie et l’Estonie.


Nombre de jours pendant lesquels les administrations centrales vivent à crédit

La Sécurité sociale est la branche publique la plus ciblée par l'étude. "La dette des retraites pèse pour 388% du PIB français, explique Cécile Philippe de l'institut Molinari. C'est une vraie bombe à retardement." La privatisation du système de santé reste la principale proposition des théories libérales, soutenues par l'institut Molinari, afin d'alléger le coût du travail et de relancer l'emploi. Tout en reconnaissant que la qualité des soins, qui fait cruellement défaut par exemple au Royaume-Uni, n'est alors pas garantie.

Mais cette information et cette infographie sont à mon sens stupides. C'est de l'intox néolibérale, comme l'institut Molinari du même nom! Voici pourquoi.

Un État - la France et les autres pays de l'Europe dont ceux qui ont l'euro comme monnaie commune, ne fonctionne pas comme un ménage ou une entreprise. C'était vrai du temps de l'étalon or ou du dollars convertible en or à 35$/once jusqu'en 1971. Il fallait alors que l'État ait les réserves de change nécessaires à assurer les paiements de ses importations et l'équilibre des comptes de la nation résultat des sorties et entrées d'or ou de réseves d'où la nécessité de procéder de temps en temps à des dévaluations pour équilibrer ces comptes. Mais depuis 1971 (**) on est passé à un système de changes flottants et à une monnaie entièrement fiduciaire. L'État dispose souverainement de la capacité de création monétaire, théoriquement sans limite (*) et les banques à travers lui disposent de la capacité de création monétaire par le crédit. Nous avons appris à l'école que les banques distribuaient les crédits en fonction des dépôts de leurs clients. Mais en fait les banques créent les dépôts en accordant des crédits.
(*) la limite est la quantité de biens et de services réels disponibles produits et offerts à la vente.
(**) c'est justement à partir de là que le gouvernement s'est mis à emprunter sur les marchés financiers; mais un État qui emprunte dans sa propre monnaie n'a pas de problème pour monétiser sa dette. La dette française est à 65% extérieure et près des 2/3 sont en euros [lien].

La monnaie créée par la banque centrale de manière monopolistique, sert à ce que les ménages et les entreprises paient les taxes que l'État leur impose pour ses dépenses. Sans cette monnaie on ne pourrait pas payer les taxes. Les ménages et les entreprises dépensent les revenus résultant de l'échange des biens et services produits par eux et dont la quantité est limitée; mais il faut d'abord qu'ils acquièrent la monnaie pour pouvoir acheter ces biens et services. L'État en revanche, par ses dépenses des taxes prélevées, crée les biens et les services que les ménages et les entreprises achètent.

Pour mieux comprendre, il convient de faire un peu d'arithmétique simple de la production et de la consummation nationale:
vu du côté de la production: le PIB c'est la consommation plus les investissements plus les dépenses de l'État plus les exportations moins les importations:
PIB=C+I+G+[X-M] (X-M désignant le solde des comptes avec le monde extérieur cad. Exportations moins importations)

Vu du côté de la consommation: Le PIB c'est la consommation plus l'épargne plus les taxes, ce qui correspond à la redistribution de tous les biens et services produits: PIB=C+S+T

On a donc une identité, puisque c'est deux façons d'exprimer la même chose, le PIB:
C+I+G+[X-N]=C+S+T
et en ré arrangeant, on obtient l'identité (I-S) + (G-T) + (X-M) = 0
Cette identité ne souffre pas de discussion, c'est une identité pas une définition ni un modèle, entre 3 entités: le secteur privé (ménages et entreprises, le secteur public, et le reste du monde comme illustré sur ce graphique:

Le secteur privé et le reste du monde constitue le secteur "non gouvernemental". On a donc deux secteurs; gouvernement ou État et non gouvernemental.


I Investissement, S Épargne; G Dépenses de l'État, T Taxes; X Exportations; M Importations.

Cette identité incontournable signifie que les déficits des uns sont les surplus des autres et inversement. Il en résulte si l'on considère l'État, que s'il est en déficit (G-T<0), le secteur non gouvernemental est en surplus ((I-S) + (X-M) > 0); et si l'État est en surplus le secteur privé est en déficit. Dans ce cas, le secteur privé ne dépense pas assez, en consommation et en investissement. Alors l'État doit dépenser davantage pour compenser en commandes et en investissements au secteur non gouvernemental. Quand l'État est en déficit, le secteur privé est en surplus l'État doit alors taxer davantage. Dans tous les cas, la recherche de l'équilibre budgétaire, ou pire du surplus n'a pas de sens. Ce qui compte c'est l'équilibre afin d'atteindre le plein emploi et la pleine utilisation des ressources, cad. que tout ce qui est à vendre sur le marché soit acheté, y compris la main d'oeuvre à la recherche d'emplois ou sous utilisée.

L'infographie de Molinari qui montre pour l'euro des pays en surplus (en vert) et des pays en déficit n'a pas de sens. C'est au niveau de l'ensemble de l'€ qu'il faut regarder les choses. Mais là la construction de l'€ est mauvaise depuis le départ avec les critères de Maastricht 3% et 60% de déficit et dette en % du PIB. La politique actuelle d'assouplissement quantitatif de la BCE est contradictoire avec ces critères. Ces critères sont la cause de l'austérité imposée et des 17.5 millions de chômeurs en Europe.

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Mis en ligne le 01/08/2014