La tragédie grecque s'éternise; l'orage gronde sur l'Europe et la France; mais nos zélites ne veulent toujours pas qu'on s'abrite.

Il est étonnant que nos zélites comprennent si mal le fonctionnement de l'économie réelle; celle des individus, des ménages et des entreprises. Pourtant ces zélites ne sont pas bêtes; formées dans les meilleures écoles; mais leur problème est qu'elles sont pour la plupart des fonctionnaires toute leur vie; soustraites des réalités de la vie; n'ayant jamais eu à travailler; à produire de la valeur ajoutée et à être jugées sur des résultats justifiant leurs émoluments mensuels. Quand elles perdent leur emploi - une situation sans aucune gravité - elles sont mises au placard; un placard bien confortable. Même pas besoin de faire acte de présence quelque part et se confronter à un chef. Elles continuent de toucher leur salaire mensuel comme si de rien n'était. Voir ce billet d'Eric Verhaeghe. J'ai connu dans ma carrière d'ingénieur, plusieurs corpsards qui étaient dans ce cas. Et puisque Eric Verhaeghe nous le dit ce doit être la même chose pour les hauts fonctionnaires. La France est restée sous l'ancien régime.

Voici des réflexions d'un nanti de retraité qui a acheté son logement par crédit hypothécaire par deux salves successives: la première en septembre 1977 pour me loger en région parisienne (banlieue Est; j'avais 42 ans) terminée en 1995; la deuxième pour me loger à Callian, commencée en 1997 terminée en 2013 (j'avais 78 ans). Et comme je suis un "nanti", Thomas Piketty conseille à l'État de me faire payer le loyer fictif de mon logement 18 et 19.

Quand j'ai contracté mon premier crédit en 1977 à la Caisse d'Epargne de Valenciennes, la banque a étudié ma demande sur la base de mes revenus et de mensualités pour que cela corresponde à 33% de mes revenus. A l'époque, l'inflation annuelle était de 13-15%; le prêt qui me fut accordé était à 11.13% sur 20 ans - 1977 à 1997. J'ai remboursé deux ans avant par suite du décès de ma mère et de la liquidation de sa communauté avec mon père pré décédé. Le raisonnement de la banque était qu'en raison de l'inflation et du taux fixe, la part des mensualités diminuerait, même en l'absence de promotion dans mon entreprise. Effectivement quand j'ai remboursé, cette part était devenue 12% de mes revenus. Mais il faut bien comprendre, comme tout un chacun le fait, mais pas nos zélites, qu'après avoir obtenu un prêt et acquis l'actif correspondant, les revenus mensuels futurs étaient amputés du montant des mensualités de remboursement du prêt. C'est autant qui n'allait pas dans l'économie de production-consommation. Le prêt a fait travailler un secteur de l'économie - le bâtiment et la construction - pendant un temps court (une année) et ce travail avait été financé par le crédit bancaire et remboursé pendant 20 ans.

Aujourd'hui et ce depuis la fin des années 1980, l'inflation est très faible. Donc la part du revenu consacré à l'achat d'un logement par crédit hypothécaire ne baisse plus; et l'économie est affectée plus fortement.

Aux États-Unis les banques, encouragées par l'état, ont incité les gens - les classes des déciles 3, 4 et 5 - à acheter des logements avec des conditions très attractives - taux d'intérêts variables faibles au début mais susceptibles de hausse. Le raisonnement des banques était que, quelque soit le sort de l'emprunteur, la valeur de l'actif augmenterait ou resterait la même que lors de l'achat et qu'ainsi les banques n'avaient pas de risque de perte en cas de défaut de l'emprunteur (*). Mais ce n'est pas ce qui s'est passé! La banque centrale des États-Unis a augmenté les taux d'intérêt par crainte de surchauffe de l'économie. Beaucoup d'emprunteurs ont vu la part du logement en % de leurs revenus augmenter, au point d'être en défaut de paiement pour leur logement. Au lieu qu'un petit nombre de défaillances se produisent ci et là, ce fut un très grand nombre de défauts, d'où une offre pléthorique de logements sur le marché et l'effondrement des prix. L'état a choisi de sauver les banques qui avaient mal agi, sous le prétexte habituel: les banques servent l'économie - alors qu'en réalité elles avaient torpillé l'économie. Manque d'institutions de régulation donc; Voir mon billet 11.
(*) Elles avaient pourtant bien pris leurs précautions, en titrisant les emprunts et en les packageant dans des dispositifs spéciaux, les SPV special purpose vehicles; voir titrisation 14.

Cas de l'Espagne: Les excédents commerciaux de l'Allemagne se sont déversés sur l'Espagne pour la construction de golfs, d'ensembles immobiliers et de villas. J'ai visité l'Espagne de Cerbère à Barcelone, ou Marbella, Malaga, Almeria; c'était impressionnant! Toute l'Espagne travaillait pour l'immobilier; et la bulle a éclaté. Michael Pettis économiste a bien expliqué le phénomène 12 et 15.

Cas de la Grèce: L'analyse de la crise en Grèce pointe aussi l'excès de crédits des banques pour la construction de villas 5. "Le problème était la création d’une bulle spéculative de crédits privés octroyés par quelques grandes banques françaises, allemandes, grecques. Entre 2001 et 2009, les prêts des créanciers privés aux ménages ont été multipliés par 7, les prêts aux entreprises ont-été multipliés par 4. Tandis que les prêts des banques privées aux pouvoirs publics en Grèce ont augmenté de 20 %. Le problème que rencontrait la Grèce en 2008-2009 était très semblable à ce qu’il s’est passé aux États-Unis entre 2002 et 2007 et qui a provoqué la crise des sub-primes. Le problème était aussi semblable à l’Irlande où a éclaté la crise bancaire en septembre 2008. Il était quelque part encore plus semblable à la situation de l’Espagne. Il y a, au cours des années 2000, la volonté de développer à fond le crédit privé pour soutenir l'économie. Le problème est survenu en 2008, en Grèce comme ailleurs, quand les gouvernements ont décidé d’injecter des capitaux dans les banques privées (4000 milliards pour l’Europe).

Le détournement massif de fonds dans le secteur de la construction pourrait-il expliquer en partie ce ratage industriel et économique qu’a été l’urbanisation du littoral grec et espagnol ? Si la corruption prélevait une partie du flux monétaire, il était dans l’intérêt des acteurs de la corruption de maximiser le flux monétaire en créant une bulle de prix et de surproduction. Ce mécanisme pourrait expliquer la frénésie de construction qui a pris la Grèce ou l’Espagne, où l’on est parvenu à dégrader la qualité de vie du pays en jonchant son littoral, sans discontinuités et sur des centaines de kilomètres, de millions de pavillons blancs identiques construits en dépit des règles d’urbanisme les plus élémentaires. J’ai vu de mes yeux ces millions de pavillons blancs : c’est le plus grand désastre écologique d’Europe et sa plus grande forfaiture en terme d’urbanisme. Allez voir ces pavillons, plantés entre la dune et la mer pour des siècles. Allez les voir et pleurez devant ces murs sur lesquels poussent les racines de la crise. Allez les voir et pleurez devant l’immensité de la bêtise humaine.

Et aujourd'hui avec le QE de la BCE, achat massif de bons d'état par la BCE, la loi Macron, les banques et institutions de crédit font du forcing auprès de leurs clients pour qu'ils prennent des prêts consommation à taux avantageux de 4.5-4.8%. La banque de ma carte Visa m'a fait du forcing pour que j'accepte un prêt de 4000€ sur 18 mois; 285€/mois. Je dépense 4000€ en vacances ou en futilités? ou j'acquière un actif, isolation, rénovation de logement, une cuisine etc... Toujours est-il, qu'une fois fait, j'aurai 285€/mois de moins à injecter dans l'économie de consommation-production.

Tout cela relève du nouveau paradigme: des salaires stagnants voire en baisse; et du crédit pour compenser le manque à faire tourner rond l'économie. Des banques toujours plus riches et susceptibles de faire toutes les bêtises mais toujours sauvées par l'État cad. les citoyens et les contribuables! Car l'État lui, ne se serre jamais la ceinture; il ira jusqu'à prendre nos dépôts en banque s'il le faut; ou il fera un emprunt forcé, remboursable à la saint Glin Glin.

  1. La tragédie grecque s'éternise
  2. Shelter from the Storm in Europe | Mohamed A. El-Erian
  3. Quand l'Europe perd la raison | Joseph Stiglitz
  4. Tsipras: Le courage d’Achille, la ruse d’Ulysse | Jacques Sapir
  5. Aux racines de la crise grecque | Les Crises Olivier Berruyer
  6. La République des petits marquis, deux nouveaux sauvetages | Eric Verhaeghe
  7. Project Syndicate sur la crise grecque
  8. Blog A Lupus sur la crise grecque
  9. La tragédie grecque, ou l’art de donner du temps au temps | Telos Elie Cohen
  10. Les crises sur la crise grecque
  11. You Tube Banksters
  12. Pourquoi certaines nations échouent à donner le bonheur et la prospérité à leurs peuples?
  13. La crise immobilière en Espagne | Michael Pettis
  14. Titrisation
  15. Bulle immobilière espagnole
  16. Bulles immobilières provoquées par l'euro
  17. Les salaires stagnent voire baissent dans les pays développés; pourquoi?
  18. Imposition des loyers fictifs : mais où va-t-on? | Jean-Michel Guérin la Tribune
  19. Les erreurs d'une « révolution fiscale », par Piketty, Landais et Saez; Une obfuscation pseudo-scientifique | Ifrap

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Mis en ligne le 01/08/2014 pratclif.com