La politique européenne de l'énergie. Entre les faits et l'air du temps

Ce texte est de Jacques Lesourne
POURQUOI, en ce début du xxre siècle, le thème de l'énergie est-il simultanément à l'origine de questions sérieuses résultant des faits et de débats influencés par l'air du temps1 ?

Cette situation est engendrée par la conjonction de deux causes :
1) les études des climatologues annoncent qu'avec une très forte probabilité, les émissions de gaz à effet de serre (GES) vont engendrer une hausse sensible de la température moyenne du globe avec des effets variables selon les régions et qu'il est, en conséquence, de l'intérêt de l'humanité de réduire ces émissions ;
2) plus ou moins importants selon les pays, des courants d'opinion se sont développés qui plaident pour une réduction immédiate et drastique des prélèvements de l'humanité sur les ressources naturelles du globe ou pour une élimination du recours à certaines ressources.

Aussi cet article, consacré à l'analyse critique des politiques européennes en matière d'énergie, doit-il, avant d'aborder ce thème, expliciter les questions relatives au changement climatique et évoquer les débats que soulève l'écologie politique.

Le changement climatique

Annoncé depuis le milieu des années 1970, le lent réchauffement de la température moyenne de la Terre par rapport à son niveau de la période préindustrielle n'a cessé d'être confirmé depuis par les travaux du Groupe international d'études sur le climat (GIEC). Les scientifiques, dans leur énorme majorité, l'attribuent à l'effet de serre engendré par les émissions de gaz (vapeur d'eau et gaz carbonique, notamment) provenant des activités humaines. Le système énergétique mondial est le premier des émetteurs par combustion des énergies fossiles comme le charbon, le pétrole et le gaz.

Par un protocole signé à Kyoto en 1997 et amendé à Doha en 2012, les pays occidentaux et la Russie se sont engagés à réduire leurs émissions de 18 % en moyenne en 2020 par rapport au niveau de 1990. Certains, pays signataires du protocole comme les Etats- Unis et le Canada ne l'ont pas ratifié et le texte n'imposait aucune contrainte quantitative aux pays dits du tiers monde comme la Chine et l'Inde. D'après les estimations actuelles, les objectifs du protocole pourraient être atteints en 2020 notamment grâce à la réduction de la croissance engendrée par la crise des subprimes.

Depuis Kyoto, des conférences mondiales sur le climat se sont tenues dans l'espoir de définir des engagements pour tous les pays et de mettre sur pied des financements permettant aux pays les plus pauvres de réaliser les investissements indispensables à la baisse de leurs émissions.

Toutefois, dès la conférence de Copenhague de 2009, les pays en développement, notamment la Chine et l'Inde, ont refusé l'extension du système de Kyoto et ont demandé que l'on se contente d'enregistrer les engagements pris unilatéralement par les différents États. Néanmoins, les Etats membres se sont mis d'accord sur l'objectif de limiter à 2 °C l'augmentation de la température moyenne de la Terre d'ici 2050. Il est également prévu de donner une suite au protocole de Kyoto lors de la Conférence mondiale qui se tiendra à Paris en 2015.

Ce problème, véritablement mondial, place les pays dans des situations difficiles puisqu'ils sont à la fois conscients de la nécessité d'un effort collectif et soucieux de ne pas compromettre la croissance économique et le bien-être de leurs populations. Des considérations éthiques sont évoquées de part et d'autre : certains Indiens plaident pour que chaque humain reçoive en naissant une attribution d'émissions et ait droit à une compensation s'il n'atteint pas son quota ; certains Chinois font remarquer que l'effort principal doit venir des Occidentaux puisqu'ils sont responsables de l'essentiel du stock de GES existant dans l'atmosphère. Certains Occidentaux rétorquent que leurs pays réduisent régulièrement leurs émissions et qu'à l'avenir, ce sont les pays émergents qui vont accroître considérablement le volume des émissions.

À ce stade, bornons-nous à constater que s'élabore difficilement une collaboration mondiale nécessaire mais conflictuelle. Les institutions européennes n'ont cessé de soutenir la lutte contre le changement climatique. Le Conseil européen a fixé un objectif de 20 % de la baisse des émissions européennes de GES de 1990 à 2020 et, lors des négociations de Copenhague, la Commission a annoncé qu'elle était prête à remonter cet objectif à 30 % si les autres grands partenaires faisaient des apports comparables. Malheureusement, cette déclaration ne reposait pas sur une analyse sérieuse des conséquences négatives possibles qui pouvaient en résulter pour les économies européennes.
Par ailleurs, l'Union européenne a instauré en 2005 un système de droits de tirage de CO2 accordés aux producteurs d'électricité thermique, ces droits de tirage pouvaient être échangés sur un marché, ce qui aurait ainsi dû définir un prix du CO2 émis dans l'Union. Après une phase d'essais de 2005 à 2007, le système a été perfectionné pour la période 2007-2012 puis étendu au-delà. Malheureusement, la crise des subprimes et la croissance économique lente qui a suivi ont réduit les émissions, créant une pléiade de droits d'émission et annulant quasiment les prix du carbone et facilitant le retour au charbon importé dans la production d'électricité européenne.
D'une manière plus générale, l'Union a du mal à se positionner dans les négociations internationales sur le changement climatique. Avec sa population qui représentera 5 % de la population mondiale en 2050 (la France comptant pour moins de 1 %), l'Union européenne dont la consommation d'énergie primaire restera du même ordre peut jouer dans la communauté mondiale un rôle de bon élève, mais certainement pas celui de donneur d'exemples ou de leçons.

Toutefois, la fixation d'une attitude commune est difficile à cause des divers courants de pensée qui s'opposent en Europe.

Autour de l'écologie politique

L'écologie scientifique est une discipline engagée comme d'autres dans la recherche de la connaissance. Elle est en plein développement. L'écologie politique est au contraire un mouvement aux multiples composantes qui s'efforce d'orienter les décisions en fonction de concepts idéologiques centrés sur la conviction que, pour sauver la biodiversité, ou au moins l'humanité, il est urgent de réduire très rapidement l'impact de nos activités sur le système terrestre. Ces concepts sont estimables mais partiels et ne tiennent pas compte de la recherche des meilleures trajectoires. Les groupes les plus extrêmes plaident pour une croissance économique négative (sans d'ailleurs demander explicitement des mesures de réduction de la population mondiale). Plus mesurés, les partis politiques qui se réclament de l'écologie exigent spécifiquement trois mesures dans le domaine de l'énergie :

Bien que les partis écologiques recueillent en général un pourcentage de voix modeste lors des élections, leur influence est considérable pour deux raisons : leur appoint peut être indispensable pour constituer des majorités de gouvernement ; ils jouissent, en dehors du cercle de leurs électeurs, d'une image favorable car le thème « sauver la planète » éveille un écho profond, notamment chez les jeunes générations des pays à haut niveau de vie.

Les prescriptions de ces partis s'appuient toutefois sur des concepts qui méritent d'être discutés et ne conduisent pas à des impératifs catégoriques. Le nucléaire est une source d'énergie de coût acceptable qui n'émet pas de GES et dont les conditions de sécurité font l'objet d'une vigilance sérieuse ; de plus il peut conduire à des filières de consommations quasi nulles de ressources naturelles. Autant la poursuite de l'efficacité énergétique est souhaitable (du moins si les investissements faits sont inférieurs à la valeur des économies d'énergie et d'émissions de GES), autant vouloir à tout prix en réduire le volume de consommation énergétique est déraisonnable car cette consommation peut être essentielle par exemple pour accroître les ressources en eau ou la production alimentaire. Pour les énergies intermittentes, il faut évaluer leurs coûts en y ajoutant le coût des investissements en stockage et transport nécessaires pour faire face à leurs défaillances. Enfin, même si les ressources de la Terre sont bornées, la question des ressources rares ne se pose pas en pratique comme si l'on vidait un récipient de volume donné. Lorsque le prix d'une ressource augmente, des substitutions se produisent dans son usage, des efforts sont menés pour l'économiser, tandis que s'ouvrent des mines pour exploiter des minerais plus pauvres. C'est ce que l'on observe actuellement pour les gaz et pétrole de schistes et les pétroles profonds.
Quelques remarques complètent ce premier constat.

Tout d'abord, il faut rappeler combien, malgré l'unité de la civilisation européenne, les racines des mouvements écologiques peuvent différer d'un pays à l'autre. En Allemagne, elles remontent aux relations entre l'homme et la nature telles que les chantent ou les analysent la poésie et la philosophie allemande du premier xixe siècle. Rien de tel ne se retrouve dans les pays méditerranéens de l'Union.

Certaines des questions soulevées par les écologistes vont à contre-courant des efforts de stimulation de la croissance et d'ouverture du commerce international que poursuivent tant les pays industriellement avancés que les pays émergents.
Les revendications des écologistes, plus générales que la seule lutte contre le changement climatique, incluent parfois des propositions qui ont des effets défavorables sur les émissions : le refus du nucléaire ou l'exigence de rapidité qui peut engendrer des gaspillages économiques notables.
Il existe donc un trouble au sein des États membres et des opinions publiques européennes qui explique les vicissitudes de la politique européenne de l'énergie et de celles des États membres.

Les fondements d'une politique

L'architecture de la politique européenne de l'énergie se développe sur un certain nombre de niveaux.

On conçoit combien il est difficile d'assurer la cohérence entre ces niveaux, d'autant plus que les non-dits occultent certains sujets (par exemple on évite de parler de nucléaire et même d'énergie « décarbonée »).
Cette esquisse montre combien il est déraisonnable de faire porter à la Commission les conséquences mitigées des insuffisances et des incohérences de la politique européenne de l'énergie qu'il convient d'aborder maintenant.

Un bilan pour la nouvelle commission

Le bilan, comme nous allons le voir, est mitigé, mais, avant de le présenter, deux remarques préalables s'imposent. La période 2009-2014 a été marquée par de fortes fluctuations économiques : une croissance modérée de 2005 à 2008, une forte, mais courte, récession engendrée par la crise des subprimes de 2008 à 2010, des crises successives de pays de la zone euro conduisant à une croissance quasi nulle de 2011 à 2014, suivies par une reprise à la limite du mesurable en 2014. De telles variations sont dramatiques pour les processus de décision européens longs et complexes que nous avons décrits.
Accuser la Commission ne serait pas honnête car les États ont largement eu recours aux libertés que leur laissait le traité de Lisbonne, la Commission étant acculée pour avancer à suivre une voie rigide tout en acceptant des complications.

Nous discuterons le bilan à partir des objectifs tout en complétant l'analyse par une approche s'appuyant sur les piliers.

1) Sur le thème du changement climatique, la Commission a été active au niveau mondial et au niveau européen.
Elle s'est présentée de manière offensive sur la scène internationale, soulignant son objectif de baisse de 20 % des émissions de 1990 à 2020, annonçant même à Copenhague qu'elle était prête à réduire de 30 % ses objectifs si elle était suivie par les autres continents ; une position peu étudiée sur le plan interne et qui s'est heurtée à la position de la Chine et des pays émergents qui n'étaient prêts qu'à déclarer leurs propres objectifs et à ne s'engager que sur eux. Les conférences successives à Cancun et Durban (2010 et 2011) n'ont fait que conforter cette orientation ; le seul accord portant sur le souhait d'adopter une suite au protocole de Kyoto lors de la conférence de Paris en 2015.
À l'intérieur de l'Union européenne, la Commission a établi un marché d'émissions de gaz carbonique dont les règles ont été progressivement affinées de la période expérimentale de 2005 à 2007, puis à la période 2007-2012 et au-delà de 2012. Sans exposer les détails – ce qui nécessiterait de longs développements –, le principe du système est le suivant : sont concernées par le système les unités industrielles grosses émettrices de GES (centrales, thermiques au charbon et au gaz en particulier). Depuis 2012, la Commission met sur le marché aux enchères des droits de tirage de tonnes de carbone pour l'ensemble de l'Union. La confrontation des offres et des demandes définit un prix du carbone. Naturellement, les unités industrielles peuvent aussi vendre et acheter à l'amiable entre elles des droits de tirage en fonction de l'évolution de leurs besoins. Au début, le volume des droits de tirage accordés a été plutôt laxiste, tandis que la récession de 2008 se répercutait sur la demande d'électricité. Le prix du carbone se situait initialement aux alentours de 30 euros la tonne, ce qui était réaliste, mais s'est progressivement effondré pour atteindre 5 euros la tonne au printemps 2014 avec plusieurs centaines de millions de tonnes de droits de tirage inutilisés. Dans ce contexte, l'Allemagne a progressivement remplacé la baisse de sa production d'électricité d'origine nucléaire par le développement des renouvelables et le recours au charbon américain dont le prix était faible à la suite de l'explosion de la production de gaz de schiste aux Etats-Unis. En conséquence, elle a augmenté récemment ses émissions de GES.

2) Sur le développement des renouvelables, la Commission a réparti entre les pays, avec leur accord, l'objectif de croissance à 20 % de leur part en 2020. Mais, comme l'éolien et le solaire n'étaient pas rentables à l'époque (étant en phase d'apprentissage technologique), les Etats membres leur ont accordé des subventions sur une ou deux décennies, sous des formes diverses, comme des obligations d'achats, à un prix fixé. Résultat ? On a vu fleurir autant de règles que de pays membres.
Au bout de quelques années, le volume de ces subventions est apparu intenable dans certains pays comme l'Espagne, soit pour les finances publiques, soit pour les consommateurs, soit enfin parce que le progrès technique était tel dans certaines filières qu'il n'y avait pas lieu de les traiter avec des conditions spéciales. Ce paysage indescriptible a engendré des hausses du coût de l'électricité pour les ménages qui ont incité certains gouvernements à bloquer les tarifs au-dessous des coûts avec promesse ou non d'indemnisation des opérateurs.
Enfin, pour mémoire, la Commission a rarement parlé de la nécessité d'accroître la part de l'énergie « décarbonée » dans la production d'énergie primaire, ce mutisme étant évidemment dû aux divergences d'attitudes à l'égard de l'énergie nucléaire.
L'éolien et le solaire étant des sources d'énergie intermittentes, l'évaluation de leur rentabilité économique devrait prendre en compte leurs coûts d'investissement et d'exploitation et le coût supplémentaire des sources d'énergie qu'il faut mettre en oeuvre lorsqu'elles sont défaillantes. Or, jamais ce principe évident de calcul économique n'a été évoqué par les États membres ou la Commission.

3) Bien que cela dépende des formes d'énergie, il est utile d'introduire ici les dispositions relatives à la constitution du marché intérieur de l'énergie. En simplifiant, elles relèvent de trois aspects.
a) L'organisation, au sein de chaque État membre, des secteurs de l'électricité et du gaz en quatre parties : les opérateurs, le grand réseau de transport, les réseaux de distribution, les fournisseurs aux clients finaux.
b) Créer un marché intérieur de l'énergie suppose, pour l'électricité et le gaz, des investissements d'infrastructures et des conditions de passage aux frontières. Le passage des lignes électriques à haute tension se heurte maintenant dans plusieurs pays européens à des oppositions qui portent souvent à près de dix ans la durée de réalisation, la construction proprement dite ne couvrant que les deux années finales ; le développement d'énergies renouvelables intermittentes peut se traduire par l'arrivée aux bornes d'un pays d'électricité gratuite à utiliser en temps réel, ce qui désorganise le système électrique des pays importateurs. On a ainsi vu apparaître des prix de l'électricité négatifs pour les exportations danoises vers l'Allemagne à certaines heures. En Allemagne, la rentabilité des centrales à charbon et le développement accéléré des renouvelables ont ainsi conduit à des afflux d'électricité aux frontières est et ouest de la République fédérale. Simultanément, de nombreuses centrales au gaz naturel, même modernes, ont cessé d'être rentables par suite d'un nombre trop faible d'heures de fonctionnement et ont dû être mises sous cocon (arrêt prolongé sans démantèlement). Par ailleurs, dans le choix des infrastructures à réaliser, les intérêts des pays peuvent être discordants, certains privilégiant les infrastructures favorables à leurs investissements de production, investissements décidés pour d'autres raisonsque la simple rentabilité. Lexpansion des infrastructures de transport d'électricité suppose donc une coordination suffisante des investissements de production entre les États.
c) Un marché intérieur du gaz et de l'électricité pose aussi des problèmes aux frontières de l'Union. Les pays membres sont concernés de manière différente par leur dépendance au gaz russe. Faible pour la France, moyenne pour l'Allemagne qui dispose du gazoduc Nordstream la reliant directement à la Russie, importante et proche de 100 % pour les pays de l'est de l'Union. La Commission a aidé la Pologne, la Lituanie et la Bulgarie dans une négociation sur l'accès au réseau du groupe russe Gazprom. Elle cherche, par ailleurs, à rendre réversible le réseau gazier européen pour qu'il puisse fonctionner d'ouest en est en cas de rupture d'approvisionnement russe. Plus récemment, elle a bloqué le développement du gazoduc Southstream mis sur pied par Gazprom, ENI et EDF pour alimenter l'Europe sans traverser l'Ukraine.
L'une des difficultés de la Commission dans ce domaine est qu'elle élabore des plans d'investissement qu'elle est incapable d'imposer car ils ne reflètent pas les besoins des acteurs du marché, notamment les opérateurs financiers et pétrogaziers.
Les évolutions qui viennent d'être décrites ont mis fin à la formation dans l'électricité d'un oligopole européen de grands groupes ayant une position dominante dans leur pays et une place notable dans le reste de l'Europe. Seules exceptions : la position de l'ENEL en Espagne et en Écosse, la décision du Royaume-Uni de demander à EDF de construire deux EPR en Angleterre, la présence d'EDF dans Montedison et quelques investissements des groupes allemands dans les énergies renouvelables.

4) Reste le troisième objectif, celui d'accroître l'efficacité énergétique. Dans l'esprit des textes, il s'agit de réduire la quantité d'énergie primaire nécessaire au service souhaité par les usagers. La mesure des progrès de cette efficacité est d'autant plus difficile qu'ils diffèrent d'un secteur à l'autre et qu'il ne faut pas confondre la baisse due à la réduction conjoncturelle des activités économiques et celle due à l'amélioration des processus.
Le domaine inclut les consommations de l'industrie, des transports et des bâtiments. Faute de prix du carbone, la Commission n'a pas énoncé le principe que des investissements d'efficacité ne sont rentables que si leur montant est inférieur à la somme de la valeur de l'énergie économisée et des émissions de GES évitées. Si ces renseignements étaient disponibles, les industriels prendraient eux-mêmes des décisions cohérentes d'amélioration de l'efficacité énergétique.
Pour les transports, la Commission a fixé des limites en grammes de CO, par kilomètre (g/km) aux émissions de CO, des véhicules et les constructeurs automobiles font des efforts considérables pour satisfaire ces contraintes. La seule bizarrerie est la mesure qui consiste à doubler le nombre de véhicules réels dans la composition de la flotte produite par un constructeur lorsque l'on calcule l'émission moyenne de cette flotte. Quel est à court terme l'intérêt d'un véhicule électrique si l'électricité provient de centrales à charbon ? Quant aux bâtiments neufs, ils ont fait l'objet de réglementations au niveau communautaire complétées par des dispositions nationales. Seuls les experts du domaine peuvent avoir des avis sur les effets qui peuvent en résulter dans l'ensemble de l'Union.
Au moment où une nouvelle Commission européenne vient de remplacer la précédente au cours de l'année 2014, le bilan de la politique européenne est donc mitigé.
L'effondrement du marché du gaz carbonique, le développement anarchique des renouvelables, le recours au charbon, la mise à l'arrêt d'un parc important de centrales thermiques au gaz, des conditions d'échange aux frontières intracommunautaires souvent peu compatibles avec les politiques nationales de mix énergétique sont les signes les plus évidents d'un échec. En revanche, même si l'on peut avoir des réserves quant à la politique de l'Union à l'égard de l'Ukraine, la Commission n'a cessé de soutenir auprès des États membres et vis-à-vis de l'extérieur une politique globale dont les intentions sont louables même si les conditions de mise en oeuvre présentent des faiblesses et des incohérences.
Cela nous conduit à proposer quelques orientations pour l'avenir.

Orientations pour l'avenir

Dans cet article destiné à présenter le cadre d'ensemble, il ne peut être question d'aller au-delà de suggestions. Il faut, par ailleurs, rappeler avant de les énoncer que depuis le début de 2014 la Commission a commencé, probablement sous l'influence des critiques, à réorienter son action en reconnaissant qu'elle devait attacher plus d'importance au coût de l'énergie et à la compétitivité de l'Europe. Rappelons aussi qu'une analyse centrée sur la politique européenne laisse dans l'ombre les critiques que l'on peut porter à la politique française, le gouvernement ne pouvant s'affranchir de la pression des députés écologistes dont il peut avoir besoin du soutien pour ses réformes financières.

JACQUES LESOURNE Achevé de rédiger le 30 septembre 2014

(1) L'auteur remercie Marie-Claire Aoun, directrice du Centre énergie de l'IFRI, pour sa relecture attentive et ses utiles remarques.

  1. Libéralisation du marché de l'énergie
  2. L'énergie électrique en France


Mis en ligne le 21/03/2015 pratclif.com