L'affaire Elf : de larges extraits de l'émission "Capital" de 2001

Retranscription écrite de l'emission diffusée sur M6 en décembre 2001.
source: www.cobaye.in par Ferdinand Guttierez sur le Cobaye International

E.C. = Emmanuel Chain
(vo) = voix off du reportage
C = questions du reporter de Capital


"J'ai toujours entendu dire qu'Elf était une des vaches à lait de la république". Roland Dumas (juin 2001)

EC"Bonsoir, c'est une émission inédite et exceptionnelle que nous vous proposons ce soir puisque nous allons vous raconter la plus invraisemblable affaire politico-financière de ces dernières années, l'affaire Elf. Elf qui a longtemps été la plus importante entreprise française, c 'est aussi celle qui réalisait le plus de profit ; problème, une partie de ces bénéfices auraient été détournés entre 1989 et 1993, 3 milliards de francs, c'est l'estimation en général admise, auraient disparus des caisses de la plus profitable entreprise française. L'affaire Elf, c'est un véritable thriller, un véritable feuilleton où se côtoient des chefs d'état africains, des hommes politiques, des hommes de l'ombre, des intermédiaires, à la réputation parfois sulfureuse, dans certains cas richissimes, un ancien président de la compagnie, qui a été incarcéré en prison, qui a été plus de trente fois mis en examen, et qui sera avec nous tout à l'heure sur ce plateau, Loïc Le Floch-Prigent. Où sont passés les millards d'Elf? Comment fonctionnaent les commissions? Comptes secrets, argent liquide, caisse noire, pourquoi le système a-t-il dérapé, et qui en a profité, des réponses, ce soir dans Capital.

(voix off) " trois milliards de francs disparus en commissions, Elf , c'est un incroyable polar, où l'argent coule à flots"

"avec le pétrole, on peut acheter des consciences"

(v.o) un système bien rodé, bakschich contre pétrole, qui a bénéficié de ces commissions, pourquoi les pays africains n'ont-ils pas bénéficié des richesses de l'or noir?

Jean-François Probst, ancien conseiller du président du Congo : " avec le pétrole qui coule à flot à Pointe-Noire, avec la richesse de ce pays pendant trente ans, comment se fait-il qu'il n'y a même pas à Pointe-Noire ou à Brazza au moins une clinique convenable où on peut se faire opérer de l'appendicite?"

(vo) de l'argent est revenu aussi dans les caisses des partis politiques en France. Comptes secrets, valises de billets, par quels circuits passaient les millions?

Pierre Marion, ancien directeur DGSE (Direction Générale de la sûreté de l'Etat, ndr) :

"PM - des billets…

C - des billets?

PM - des billets dans des valises!"

MILLIARDS D ELF : QUELS JUGES ?

(vo) Eva Joly, Renaud Van Ruymbeke, des juges devenus célèbres en s'attaquant aux PDG et aux ministres, de quels moyens disposent-ils pour mener leurs enquêtes?

E.C. Nous allons commencer cette émission en allant en Afrique, l'Afrique véritable chasse gardée de Elf, qui a représenté jusqu'aux 3/5ème de sa production de pétrole, l'Afrique sur laquelle la compagnie a fait main basse, comment expliquer que dans un pays aussi riche en pétrole que le Congo par exemple, il n'y ait même pas un hôpital décent alors que dans le même temps, ses dignitaires roulent en limousine, comment expliquer que des cargaisons entières de pétrole aient pu disparaître sans laisser de traces entre l'Afrique et l'Europe? les milliards d'Elf, première partie de ce document, le fruit d'un an d'enquête dans les coulisses d'un dossier explosif, qui va vous emmener de Paris à Brazzaville, en pasant par Genève ou Londres. Un document réalisé par Denis Boutelier, Jean-Yves Charpin, Nathalie Martin, Yves Tournou, et Tony Casabianca.

(vo)lundi 13 septembre 1999, 11 heures. Philippe Jaffré, PDG d'Elf, descend de sa BMW blindée, pour signer le rachat de son entreprise. (ndr : on voit Jaffré qui trébuche dans les escaliers, et un homme qui l'aide à se relever). Et voilà l'homme qui vient de le faire tomber, c'est Thierry Desmarets, PDG de Total. L'événement est énorme, et toutes les caméras de télévision sont là. Derrière les sourires et les poignées de main, Elf vient tout simplement de se faire racheter par son ennemi juré, Total. Après 32 ans de service, c'est la fin d'une époque pour Elf. D'Elf, on connaît bien sûr les pompes à essence. Elle a longtemps été la plus grande entreprise de France. 100 000 employés, 600 millions de francs de chiffre d'affaires par jour. C'était même le porte-étendard de la France à l'étranger. dans les mers africaines, dans les laboratoires de recherche, ou sur les circuits de formule 1. Mais pour beaucoup, si Elf en est arrivé là, c'est qu'elle a abrité le plus grand scandale de ces 30 dernières années, l'affaire Elf. (voix de pub, sur musique de battants, avec images idylliques : "Elf, l'énergie d'une passion".) A l'origine de l'histoire, des millions ditribués en toute discrétion par les patrons de l'entreprise. pour comprendre, nous sommes allés voir l'ancien PDG d'Elf, entre 89 et 93, Loïc Le Floch-Prigent, aujourd'hui consultant. Prédécesseur de Philippe Jaffré, il est le seul PDG à accepter aujourd'hui de parler de ces millions qui font scandale, ce que l'on appelle les "commissions", des sommes colossales versées à des intermédiaires pour obtenir des contrats.

LFP - "elles sont justifiées depuis l'origine par le fait que si jamais elles n'existent pas, on ne fait rien.

C - c'est à dire?

LFP - si jamais vous ne voulez pas rentrer dans un pays, c'est facile, vous ne payez pas de commisson. Actuellement, si vous voulez rentrer dans un pays, vous payez une commission."

A qui cet argent est-il versé, par quel circuit secret transite-t-il? Nous nous sommes intéressés à une des plus grosses opérations menées sous le règne de Loïc LeFloch-Prigent au Vénézuela, un pays pétrolier d'Amérique du sud. Nous sommes alors en 1990, Elf cherche à obtenir la concession de deux champs de pétrole situés dans cette région, l'orénoc. Problème, les dirigeants d' Elf ne connaissent personne au sein des autorités locales, et il leur faut trouver un entremetteur. Et c'est là qu'entre en scène André Guelfi. Fou d'avions et milliardaire. Il a déjà fait ses preuves dans les affaires au Vénézuela pour le compte d'autres entreprises françaises, comme la Générale des Eaux. Elf fait appel à lui.

AG - alors ils me demandent d'intervenir pour obtenir les meilleures zones. Je lui dis eh bien, c'est pas difficile, envoyez vos techniciens là-bas, voyez les zones que vous préférez, et moi je me charge avec mes amis et mes relations de vous les faire attribuer.

(vo)Ce qui compte dans les affaires, ce sont les relations ; ce qui fait la force d'André Guelfi, ça tombe bien, c'est son carnet d'adresse. au Venezuela, il connaît notamment un amateur de cigares bien introduit dans le pays, un certain Aguo de Mirjan.

AG - Aguo s'occupait beaucoup du Vénézuela, parce qu'il avait des approches plus que intimes avec le président de la république, puisque, lui, sa femme était la belle-sœur du président de la république.

C - donc c'est ce qui lui permettait de …

AG-… évidemment, d'avoir toutes les portes ouvertes.

(vo) l'intervention du fameux Aguo et d'André Guelfi sera efficace. Grâce à eux, le président d'Elf réussit même à rencontrer le président vénézuelien, Carlos Andres Perez. Et deux protocoles d'accords sont signés entre Elf et le pays. Ce que personne ne sait alors, c'est que Elf a débloqué une importante somme d'argent à André Guelfi. Un contrat secret est signé, en un seul exemplaire,déposé dans un coffre en Suisse, ce qu'on appelle un contrat de commission.

LFP - une commission, c'est de l'argent versé à des intermédiaires, qui vont payer des gens influents dans les pays.

(vo) et pour payer ces gens influents au Vénézuela, Elf dépense rien moins que 20 millions de dollars, 140 millions de francs. A répartir entre différentes personnes, amies du fameux Aguo. La personne à convaincre, était bien sûr le président Carlos Andres Perez, on apprendra plus tard qu'une partie de cet argent a bénéficié à certains de ses proches.

AG - qu'on le veuille ou non, il faut qu'on (…?) où est le ministre du pétrole ou les responsables, parce que… qu'est-ce que vous croyez qu'ils font les intermédiaires dans ces cas là? Les intermédiaires ils essaient eux d'obtenir le résultat. Alors à qui voulez-vous faire croire qu'ils obtiennent les résultats à la sueur du front sans intéresser personne?

(vo) verser des commissions pour André Guelfi ça veut dire corrompre. L'entreprise Elf a versé chaque année jusqu'à 5% de ses investissements à des responsables politiques pour qu'ils lui accordent des marchés dans le monde entier. Derrière ces opérations pétrolières, en mer du Nord, en Russie, au Kazakhstan, au Moyen-Orient, en Afrique, partout, il y a des commissions. Impossible de faire autrement, face à la concurrence des autres compagnies pétrolières, qui font exactement la même chose.

AG - ils sont obligés de payer, ils paient, que ce soit en Angola ou au Gabon ou n'importe où, on est obligés de paye les chefs d'états, ou les responsables. Si vous payez pas vous avez que dalle.

(vo) depuis Pierre Guillomat, le premier PDG d'Elf dans les années 60, et sous la présidence de tous ses successeurs, des sommes considérables ont été versées. Entre 300 et 800 millions de francs de commissions, selon les années.

C- vous êtes certain que ça a été pratiqué dès la création de l'entreprise, sous monsieur Guillaumat.

LFP - Il n'y a pas d'autre solution.

C - ça a été continué sous M.Chalandon?

LFP - oui

C - et sous M. Becker?

LFP-oui, et continué jusque sous M.Jaffré. il n'y a pas d'autre solution. Et M. Desmarets continue. Et il n'y a pas d'autres solutions.

(vo) payer des bakschich, les mots comme les montants ne sont évidemment inscrits nulle part dans les documents que publie Elf chaque année. Les actionnaires ne les connaissent pas, les salariés non plus. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, elles ne sont pas secrètes pour tout le monde. Elles sont même légales, et avalisées par les plus hautes autorités de l'état, au ministère des finances. Par de très hauts fonctionnaires, à la direction des impôts, dans le quartier de Bercy. Jusqu'à une loi votée en l'an 2000, payer des responsables politiques étrangers n'étaient tout simplement pas interdit , ça reste quand même un sujet tabou, pas facile à aborder.

C- l'administration pouvait être informée que des commissions servaient à corrompre des agents étrangers.

Gérard Bouriane, sous-directeur affaires fiscales : "il…il est arrivé que l'administration fiscale soit amenée à constater des versements de commissions, et grâce à l'ensemble des éléments qui ont été recueillis par les vérificateurs, on étaient convaincus qu'une partie de ces commissions rémunerait les services d'agents publics étrangers"

(vo) ces commissions étaient tellement légales qu'il y avait même un formulaire prévu pour ça, le formulaire DAS 2. On y écrivait les sommes et les coordonnées des intermédiaires concernés. Et ça permettait aux entreprises de les déduire de leurs impôts, comme n'importe quelle dépense professionnelle.

GB - les commissions qui sont versées par les entreprises, obéissent aux mêmes règles de déductions que les autres charges de l'entreprise.

(vo) et il n'y a pas que Bercy qui était au courant. Les présidents de la République auraient été informés du versement de ces millions cachés, de De Gaulle à Jacques Chirac. C'est en tous les cas ce qu'affirme Loïc LeFloch-Prigent, ici en photo avec le président François Mitterand.

LFP - j'en informe moi le président de la république ou son secrétaire général, et mon directeur financier en informe le directeur des douanes puis le directeur du budget. Donc c'est un système qui fonctionne non pas de façon occulte, encore une fois, mais de façon claire, nette, et républicaine.

(vo) c'est clair, net, et républicain. Le système a surtout permis à l'entreprise de bâtir depuis son siège du quartier de La Défense un colossal empire d'argent, principalement sur le dos d'un continent, l'Afrique.

L'Afrique, le long des côtes du Golfe de Guinée, c'est le précarré historique d'Elf, elle représente les deux tiers de la production de la compagnie. Au large du Gabon, du Cameroun, du Nigeria, de l'Angola, et du Congo.

Une des pièces maîtresses d'Elf, c 'est le Congo, capitale Brazzaville. Malgré ses 14 millions de tonnes de pétrole produits chaque année, le pays est mal géré depuis trente ans. Mais Elf a su y gagner énormément d'argent, grâce à toutes sortes d'opérations. ça commence sur les puits de pétrole eux-mêmes,les installations industrielles sont à 600 km de Brazzaville, près de la ville de Poine-Noire, au bout d'une des rares routes bien goudronnées du pays. On a suivi les panneaux, il faut prendre à droite, c'est indiqué. (ndr : elf est indiqué sur les panneaux routiers comme une ville). Voilà le terminal pétrolier de Djéno, là où transite le pétrole, extrait par Elf, pour son compte, et celui du pays. Les puits sont en mer, au bout d'un chemin, il n'y a rien à voir, si ce n'est quelques tuyaux qui s'enfoncent dans l'océan, derrière une grille. Problème, à partir de cette grille , fini le Congo, tout est contrôlé par Elf, dans le plus grand secret. C'est ce qu'affirme l'ancien président de la république du Congo, Pascal Lissouba. Selon lui, le Congo ne savait même pas combien de pétrole était extrait de son sous-sol.

PL -Nous ne savions rien de ce qui se passe et nous n'avons même pas la quantité de pétrole qui sortait du pays. Vous voulez dire que les autorités congolaises ? Les autorités congolaises ne connaissaient pas la quantité exacte de pétrole extraite de leur sol. Par quel moyen ? Pour le savoir il aurait fallut que les congolais puissent se rendent ici sur cette bouée qu'on devine plus qu'on ne la voit. Loin des regards, c'est là que les pétroliers viennent charger le pétrole. Seulement voilà, les navires sont d'Elf, les employés sont d'Elf, les chiffres sont donnés par Elf et les autorités du Congo assurent qu'elles n'ont pas les moyens d'aller vérifier. Gilbert Songuissa a dirigé pendant plusieurs années les services de contrôle pour le ministère des pétroles, selon lui c'était mission impossible, ou presque.

GS : pour aller contrôler naturellement il faut faire appel aux moyens des compagnies pétrolières.

C-C'est à dire que vous même vous aviez vos propres bateaux, vos propres hélicoptères pour pouvoir aller sur les plateformes ? Vous aviez combien de bateaux ?

GS : non pas du tout. Je vous ai dit pas du tout. Donc zéro bateau. Même pas une pirogue.

C : au large de ces plages, des quantités de pétrole importantes auraient ainsi été acheminées sans que les officiels congolais n'en soient mis au courant. Parfois même, des navires entiers. Et un pétrolier de 100 000 tonnes cela représente près de 100 millions de francs qui échappent au caisses du pays. On appelle ça une cargaison fantome. Intéroggé sur la question, LFP ne dément pas qu'il y en ait eu.

LFP : il y a des cargaisons qui sont produites et qui ne l'on jamais étées officiellement. Ce sont des choses qui son arrivées dans le passé quand les dispositifs de comptage n'étaient pas aussi précis que maintenant. On peut estimer qu'aujourd'hui, les dispositifs de comptage sont précis, du moins dans certains pays.

C : alors si je prends l'exemple quand même concrêt des pays africains et notamment dans les années 70/80/90, est- ce que les systèmes de comptage étaient précis ?

LFP : les systèmes de comptage étaient imprécis.

C : ces manipulations, les cadres congolais du pétrole s'en doutaient. Mais impossible alors pour eux de poser trop de questions à ELF. Dans sa maison de Brazzaville, nous avons rencontré Saturnin Okabé. Il a été plusieurs fois en prison pour ces idées politiques et a été écarté de la gestion du pays depuis plusieurs années. Mais dans les années 80, il a été un grand patron des pétroles congolais. Selon lui, il n'était pas facile de contester ouvertement l'honnèteté d'ELF et des autres compagines pétrolières.

SO : c'était toujours dangereux de vouloir donner l'impression qu'on a pas confiance a tel ou tel opérateur économique. Ca je dois aussi vous le dire. C'était dangereux, dangereux pour la personne qui était là, parce que c'est quand même, l'affaire pétrolière et il faut le dire, est quand même une affaire de gros sous.

(vo) pour avoir mis son nez dans cette affaire de gros sous, il raconte tout simplement avoir été viré de son poste, un des plus important du pays, en 1991, du jour au lendemain.

SO : c'est quelqu'un qui m'est très confiant, qui m'a dis un jour, écoute, demain matin ne vient pas au bureau. Ah bon, demain matin je suis pas parti au bureau, la porte était fermée, clouée.

C : mais selon plusieurs responsables congolais, ELF aurait fait plus que cacher des quantités de pétrole. Jusqu'au milieu des années 90, la compagnie aurait menti au pays sur la vraie valeur de ses barils de brut.

GS : pendant longtemps on nous a fait croire que notre brut n'était pas d'une bonne qualité.

C : tous les pétroles produits à travers le monde ne sont pas de la même qualité, donc de la même valeur. Pour le pétrole produit au large du Congo, comme c'est ELF qui le commercialisait sur le marché mondial, ses calculs se faisait dans les locaux de la compagnie à Paris. Des calculs très défavorables aux Africains qui permettaient à ELF d'acheter le pétrole brut moins cher, après ce qu'on appelle une décôte. Près des champs Elysées, nous avons retrouvé Moungounga N'GUILA, Ministre des Finances congolais en exil. Lorsqu'il est arrivé au pouvoir en 1993, il a été l'un des premiers à dénoncer cette décotte.

MNG : quand nous sommes arrivés, la décotte était extrèmement lourde.

C : combien ?

MNG : 5 dollards à peu près.

C : 5 dollards sur quoi ?

MNG : et bien par baril !

C : alors le pétrole congolais valait il vraiment 3, 4, 5 dollards de moins par baril que le prix mondial comme ELF le payait à l'Etat congolais de l'époque. MNG est persuadé que non. Quand les congolais s'en sont sérieusement préoccupé, ELF a été obligé de remonter ce prix comme d'un coup de baguette magique.

Est-ce qu'à votre connaissance, ça correspondait au prix réel auquel il était vendu in fine sur le marché ?

MMG : je vous dis que non puisque nous avons dû ramener la décotte de 5 dollars à 1.5 dollars. Ca veut dire que quelque part, il y avait 3.5 dollards qui se baladaient.

GS : va-t-on nous faire croire que les qualités de ce brut avaient subittement changées ? Par quel miracle ?

(vo) par quel miracle ?! Nous avons rencontré à Paris Patrick Gantes. Il a été cadre chez ELF pendant 20 ans. Il a été notamment délégué au Congo. Aujourd'hui, il admet que ELF a tiré parti sans complexes de la confiance des Congolais.

PG : là, bon ben heu on a, si vous voulez à mon avis, heu, heu utilisé ou comment dire, heu un peu la naïveté je dirais des dirigeants, heu, des pays producteurs.

(vo)Et ce n'est pas tout. Selon nos intelocuteurs, la compagnie locale ELF Congo, ne payait pas ou peu d'impots. ELF Congo affirmait gagner très peu d'argent à la grande surprise de la plupart des responsables du pays.

MG : il y a eu des périodes euphoriques hein. Pendant une période de boom pétrolier, ou je me souviens dans les années 80, entre 80 et 83, vous avez eu le baril qui allait parfois jusqu'à 40 dollards. Et le dollards à cette époque coûtait 10 francs. Donc on peut p.... dire que c'était ??? de l'argent dans un contexte assez favorable.

C : mais en revanche la société présentait dans son bilan un déficit.

MG : eh oui ! eh oui !

(vo) difficile à comprendre venant d'une filiale qui représente entre 12 et 14 % de la production d'ELF dans le monde. Pourtant c'est tout simple, les bénéfices n'étaient pas déclarés au Congo, mais en Suisse ou en France. Une idée qui remonterait au premier directeur Financier de la Compagnie.

PG : on va faire faire le gain minimum à la filiale, si vous voulez, pour en faire profiter le maximum les structures centrales.

C : en limitant les gains de la filiale, quelles conséquences pour le pays producteur ? PG : ben c'est que l'impôt est moindre, la recette fiscale est moindre.

C : et ça joue sur des montants importants ?

PG : oui.

MNG : nous nous sommes confrontés à des difficultés telles qu'à certaines périodes nous nous sommes retrouvés avec des recettes de 10 000 francs ou 7000 francs par mois. C : des recettes ? MG : des recettes pétrolières !

C : 10 000 F de recettes prétrolières ?!

MNG : 10 0000 F français ou 7000 F, au pire on arrivait à 7000 F français de recettes pétrolières mensuelles.

C : résultat de 30 ans de mauvaise gestion et d'économie pétrolière, le pays est surrendetté. Aucun banquier ne veut lui préter, alors c'est ELF qui va lui prêter. Au Congo par exemple, la compagnie a prêté sur 3 ans entre 92 et 95 plus de 4 milliards de francs à des taux très élevés. Entre Congo, Gabon et Cameroun, ces pré-financements auraient rapporté beaucoup d'argent à la Compagnie.

C-Est-ce qu'on peut estimer combien rapportaient ces préfinancements à la Compagnie ou quels part de ses profits ils ont pu représenter ?

PG : moi je dirais au bas mot, 4/5 milliards.

(vo) une chose est sûre, comme dans beaucoup de pays du tiers- monde producteur de pétrole, l'or noir n'a pas profité au Congolais. Pour ceux qui ont du travail, le salaire ne dépasse pas 200 Francs par mois. Toute sles maisons n'ont pas l'eau courante et on vend l'eau dans la rue dans des sachets. En dehors de quelques grandes avenues, il n'y a pas de trottoir, pas de goudron. Les enfants ne vont pas tous à l'école, il n'y a pas assez de place. On est loin de l'oppulence des Emirats du Golfe Persique. Pour s'en convaincre, il suffit d'aller à l'höpital militaire de Brazzaville, le seul en état de fonctionner de la ville. Aujourd'hui, c'est branle-bas de combat, une mission humanitaire, le comité international pour la renaissance de Brazzaville, arrive de France avec des médecins et du matériel. 71 colis en tout et il y en a besoin. Ici on manque de tout, à commencer par les outils.

Vous emmenez même vos outils avec vous ?

Les médecins : oui oui. On leur laisse tout sur place après.

Militaire : vous voyez il y a des étagères.

C : il y a des étagères mais il n'y a rien dessus.

Militaire : il n'y a rien du tout.

(vo) il n'y a pas même une ampoule électrique de rechange, ni d'ailleurs de matériel chirurgical.

Un médecin : il n'y a pas de moyens, ne serait-ce que les fils. En dehors des fils ou du matériel qu'on laisse sur place.

C : c'est à dire qu'il n'y a pas de fils pour opérer les gens, pour les recoudre?

Le médecin : non. Les malades sont obligés d'aller acheter leur fil.

(vo) et pourtant des malades il y en a. Plus d'une centaine font la queue depuis des heures pour venir consulter les médecins venus de Paris.

Un médecin : de quoi vous vous plaigez monsieur ?

Le patient : j'ai une douleur ici.

Un médecin : et ça fait très longtemps que vous avez mal ? Ca fait combien de temps ? Le patient : 3 ans.

Un médecin : aujourd'hui on a pas les moyens de vous opérer ici. Au niveau de la colonne vertabrale, c'est difficile. Il vaut mieux s'occuper de tout ce qui est problème de fractures, ...

(vo) le monsieur en bleu qui boîte ne sera pas opéré. Les médecins se concentrent sur les cas d'urgence. Cette dame est arrivée au bord de la mort, avant de repartir à Paris, les médecins vont faire ce qu'ils peuvent. Le médecin qui opère : le pronostic est toujours très sombre quand même dans ces cas-là.

(vo) l'argent du pétrole n'est pas à l'hopital et pourtant il n'est pas perdu pour tout le monde. Et d'abord pour les hommes au pouvoir. Ce jour là, le Président de la République tient un meeting politique dans le quartier de ces supporters, au nord de Brazzaville. Escorté d'une douzaine de motards dans sa Mercédes blindée, il vient se faire acclamer par les gens de son ethnie. C'est l'homme qui domine la vie politique depuis 25 années au Congo. C'est l'interlocuteur numéro un des pétroliers. Denis Sassou N'guesso. On a donné un tee-shirt neuf et un jour de congés aux lycéennes pour venir chanter les louanges du héros du jour.

C : pourquoi vous êtes là ?

Jeunes filles : pour voir le Président.

C : et normalement vous faites quoi aujourd'hui, vous êtes à l'école ?

Les jeunes filles : aujourd'hui ont est seulement ici pour attendre le président.

C : vous êtes lycéennes, collégiennes ?

Les jeunes filles : lycéennes.

C : vous êtes dans quelle classe ?

Les jeunes filles : terminale.

(vo)ne pas trop se fier à la foule en délire. Tout le monde n'est pas invité. Et le défilé a lieu sous haute protection militaire. Le général Sassou est arrivé au pouvoir après un coup d'Etat et les opposants sont en prison ou en exil. Il règne sur le pays comme un roi, plutôt que comme un Président. Ses opposants lui reprochent d'avoir accaparé les ressources du pays. MMG : il s'est approprié le Congo comme une rente personnelle. Donc il pense que le Congo c'est sa propriété. Mais vous savez très bien que quand Monsieur Sassou était ici en France, quand il faisait le couvert à ses amis, il disait le pétrole du Congo c'est mon pétrole. Donc il se comporte comme tel. Donc c'est son pétrole. Ce n'est pas le pétrole du Congo et des Congolais, c'est le sien. C : comme à chaque fois qu'il se déplace, le Président- Monarque est accompagné de sa cours. 2 millions de congolais vivent dans la misère, quelques milliers d'entre eux roulent carosses, sans complexe. Ces 4x4 climatisés flambants neufs, des Toyota, tous les mêmes, valent 600 000 francs pièce. Voici par exemple, le Ministre des Hôpitaux, accompagné de son épouse. Pour accueillir tout ce beau monde, la Présidence de la République a même engagé les hotesses d'une agence de communication. Pour l'occasion, on a déroulé le tapis rouge dans la poussière. Comme quelques confrères africains célèbres, Mobutu ou Omar Bongo, le Président lui-même a ammassé une importante fortune personnelle à Paris.

MMG : il a 1 hôtel particulier avenue Rapp, il a une propriété au Vézinet, il a beaucoup d'autres. Il a acheté ça comment ?

(vo)Voilà ces appartements de l'avenue Rapp, dans un des plus beaux quartiers de Paris et ici au Vézinet, une propriété qui vaut plusieurs dizaine de millions de francs.

MMG : il était payé comment pour acheter tant de propriétés en France ? Et ailleurs ?

(vo) Si le Président Sassou est devenu riche c'est grâce à un système que connaît bien un Homme. Le voici filmé lors du procès Deviers-Joncourt/Dumas. Ce visage de pierre, c'est André Tarallo, 72 ans, Enarque entré dans la Compagnie en 1967, Directeur Général. L'homme qui a servit tous les patrons d'ELF. L'homme qui a fait la réussite de l'entreprise en Afrique. Un homme aussi discret qu'indispensable.

SO - on sentait toujours la présence de Tarallo, dans toutes les décisions qui étaient prises au niveau pétrolier.

(vo) Pour gagner autant d'argent en Afrique, Elf a dû s'assurer l'appui du chef de l'état concerné et de ses proches. M.Tarallo l'expliquera au juge d'instruction plus tard. Il a fait attibuer des centaines de millions de francs de commissions à différents chefs d'état africains, comme ailleurs dans le monde. Denis Sassou N'Guesso, ici en photo avec lui, fait bien sûr partie des heureux bénéficiaires. Plus inhabituel, M. Tarallo a détaillé un incroyable système d'intéressement personnalisé, ce qu'il appelle les "abonnements". Chaque fois qu'un barril de pétrole était extrait au Congo, comme de l' Angola ou du Gabon, entre 4 et 7 francs étaient personnellement versés au chef de l'état. cela fait quelques centimes par litre, multipliés par des centaines de millions de litres, cela fait beaucoup d'argent pour le président de la république. Sur son action pendant trente ans en Afrique, M. André Tarallo a accepté de s'expliquer pour la première fois depuis deux ans devant une caméra de télévision.

c'est bien lui qui négociait personnellement ces fameux abonnements avec les présidents africains.

AT - ce sont des accords secrets, mais de vrais accords, c'est à dire des contrats.

C- entre autres quelque chose qui se discute entre vous et le président.

AT - oui, parce qu'encore une fois c'est un contrat. Alors après, après cela était mis sous forme contrractuelle et était signés, par des ministres - ministres du pétrole, ministres des finances de ces pays-là -. Encore une fois, il ne s'agit pas de choses cachées, il ne s'agit pas d'argent circulant dans des valises.

C- c'était comment alors, un virement?

AT - c'étaient des virements, des virements à des comptes qui étaient indiqués.

(vo) A Brazzaville, nous sommes allés interroger le président Sassou N'Guesso, sur ces arrangements secrets. Il nous a reçus dans sa propriété personnelle. Le gazon est fraîchement tondu, avant de l'interviewer, il faut passer le fdiltrre de sa dizaine de conseillers personnels. Il ne démént pas que des accords occultes existent auourd'hui encore avec les compagnies pétrolières, mais il refuse d'en parler avec précision.

DSN - je pense que si il y a eu des travers ed part et d'autre, on va les corriger.

C - ça ne veut pas dire qu'ils sont aujourd'hui arrêtés?

DSn - Je…je…je ne suis pas dans tous les rouages pour savoir s'ils ont été totalement assainis ou pas.

M. Sassou N'Guesso affiche sa sérénité. Pourtant ces accords secrets ont failli lui coûter son poste… et la vie. Tou le système a failli capoter il y a dix ans, les congolais un jour en ont eu assez de la misère et de la corruption.

C'était en 1991. (conférence nationale au Congo, archives télévision congolaise)

Orateur : "dans un pays où le tribalisme, le népotisme, le favoritisme, la corruption et la gabégie dans la gestion de la chose publique ont été presque instiotutionnalisés…(applaudissemnts)

Pendant trois mois , le Congio se livre à une explosion démocratique, digne des états généraux de 1789. La population se passionne jusque dans les rues, des centaines d'orateurs, connus ou inconnus, accusent leur président d'être un dictatuer corrompu, certains exigent même son arrestation.

Orateur - "la mise en résidence surveillée de M. Sassou, qui a de nombreux comptes à rendre au peuple congolais devant être immédiatement prononcés par la conférence nationale, je vous remercie."

Sur le banc des accusés, à côté du président Sassou, les compagnies étrangères Elf et Agip. Les congolais réclament un audit e leurs comptes. Après deux mois de révolution pacifique, on nomme un nouveau premier ministre, André Myongo. Sa mission, faire le clair sur la gestion du pétrole, et sur sur le rôle d'Elf au Congo. Et ça , ça ne fait pas les affaires de la compagnie pétrolière française. C'est là qu'André Tarallo va donner toute sa mesure. Pour sauver la place d'Elf, il va carrément se meler de politique. MNG s'en rappelle parfaitement, il était à l'époque l'un des partisans du nouveau régime, Elf a dégainé son arme habituelle, l'argent.

MNG - ils ont quand même payé le chef d'état major de l'époque pour qu'il fasse un coup d'état contre nous!

C- qui ça?

MNG - M. Mokokou!

(vo) ce général Mokokou, chef d'état major et ami du président Sassou, André Tarallo le rencontre lui-même à Paris, quelques semaines avant son coup d'état. pour achever de le motiver, des hommes d'Elf se rendent même quelques jours plus tard à Brazzaville avec un argument très consistant.

Patrick Gantès - il y avait un ceratins nombres d'espèces en liquide, à mon avis pas de quoi équiper un bataillon, mais peut être s'acheter un chalet consistant aux sports d'hiver.

PG était ce jour-là présent à Brazzaville, destinés au général congolais, il y avait deux millions de francs rangés dans un sac.

PG - je me souviens parfaitement de la texture du sac, c'était un sac écossais. Et ce sac est arrivé je ne sais plus de quelle façon, jusqu'au bureau du directeur de la filiale… par contre , ce dont je me souviens très bien, nous étions tous en cercle, et que tout le monde donnait des coups de pied dans le sac pour le faire sciemment atterrir dans les pieds du directeur de la filiale. Et, premier réflexe du directeur de la filiale c'est : "qu'est-ce que je vais pouvoir bien en faire?" , il était quand même très très ennuyé. Je suppose qu'on l'a remis à la personne qui l'attendait.

(vo) malgré cet argent, le coup de force du général Mokokou échouera finalement. En parallèle, Elf a déjà sorti une autre carte. Pour empêcher à tout prix l'audit de ses comptes, la compagnie aurait tenté d'acheter l'amitié du nouveau premier ministre André Myongo. Sur ce document interne d'Elf, sur lequel figure le nom de M. Tarallo, décrit l'opération. le 28 novembre 91, la compagnie aurait prélevé 7 millions de francs sur les recettes pétrolières du pays, pour en faire cadeau directement aux fonds secrets du premier ministre, en toute illégalité.

MNG - c'est un détournement! Il vont le financer sur la base de quoi?

C - c'est écrit sur cette note

MNG - c'est pourquoi je vous dit que c'est un détournement.

André Milongo dément connaître l'existence d'un tel contrat, selon lui rien n'indique dans ce document qu'une somme lui a été remise. Et il n'y a pas que cette histoire. Lorsque les élections présidentielles s'annoncent quelques mois plus tard, la compagnie aurait financé la campagne du candidat Pascal Lissouba, elle va lui donner environ 1 million de francs.

C - c'était en cash?

PL - mais bien entendu ! c'est évident… vous ne laissez aucune trace, même pas mes empreintes digitales, vous voyez…

Selon Pascal Lissouba, l'épisode se passe à Paris, dans des bureaux près des champs-élysées. Il affirme que l'homme qui lui aurait remis l'argent dans une serviette n'était autre que André Tarallo. L'homme d'Elf ne perdra plus son objectif, empêcher toute commission d'enquête, et tout audit contre Elf.

PL - Alors il me dit : mais si vous gagnez, que faîtes-vous? Je lui dis que je vais faire l'audit. alors il s'est mis à rire.

AT - c'était un des candidats qui me paraissait l'un des plus importants et un de ceux qui avaient le plus de chances de l'emporter.et effectivement il a gagné.

C - et lui se souvient avoir été cherché une enveloppe.

AT - eh bien écoutez, vraiment, je vous assure, ce n'est pas moi qui lui ai donné.

Quelques mois plus tard, et après une élection triomphale, et une épreuve de force avec Elf, le président Lissouba réussira à obtenir de meilleurs conditions pétrolières pour son pays. Mais l'audit des comptes de Elf n'aura jamais lieu, André Tarallo aura eu gain de cause. L'influence d'Elf et de son onsieur Afrique est impressionnante, lorsqu'une guerre civile éclate dans le pays en 1997, on lui prête d'intervenitr directement dans le cours de l'histoire. selon polusieurs responsables , c'est lui-même qui aurait joué les entremetteurs dans une énorme opération d'achat d'armes.

MNG -

Une information que dément formellement M. Tarallo. Après avoir été mélé à trois guerres civiles en 5 ans, accusée d'avoir corrompu tous les présidents récents du pays, Elf reste l'acteur économique numéro un au Congo. Face à ses concurrents américains, la compagnie représente toujours 65% de la production de pétrole du pays, et la tour Elf est toujours le seul gratte-ciel de Brazzaville. La compagnie française est aussi plus critiquée que jamais, c'est la rançon de l'incroyable trésor qu'elle a amassé en Afrique, un trésor dont une partie n'est jamais revenue dans les caisses d'Elf à Paris.

EC - alors ce document continue dans un instant, c'était la première partie, LFP bonsoir, merci d'être avec nous pour la seconde partie de cette émission, vous avez été président de Elf pendant quatre ans, pendant ces années la valeur de Elf a doublé, ses réserves de pétrole et sa production également mais vous avez aussi été le premier grand patron à avoir été incarcéré, vous avez été dans l'affaire qui a été nommée l'affaire Dumas/Deviers-Joncourt, condamné à trois ans et demie de prison, un demi million de francs d'amende, pour abus de bien sociaux, jugement dont vous avez fait appel, et vous toujours sur le coup de plus de trente mises en examen, 33 je crois. Alors là, on vient de voir en Afrique un système qui est très clair, de corruption généralisée, on voit aussi que c'est un continent pauvre, alors c 'est vrai que le Congo a subi aussi une guerre civile, qui explique sans doute une partie de cette pauvreté. Quand vous étiez président de Elf, c'était aussi au moment où il y a eu ce renversement démocratique au Congo, où la compagnie avait à l'époque des intérêts évidents, dont on voit dans ce reportage qu'elle a cherché à les préserver, quel rôle avez-vous joué, est-ce que vous avez cherché, comme on peut le voir dans ce reportage à préserver ces intérêts?

LFP - il est clair que le rôle d'un président de groupe pétrolier est de préserver les intérêts de sa compagnie comme tout autre , mais je considère…

EC - en cautionnant des tentatives de coup d'état, ou quelque chose de ce type?

LFP - non, non, non, absolument, alors…

EC - qui ont été avérées et démontrées… (ndr : enchevêtrement de mots dans le dialogue)

LFP - j'ai expliqué dans le livre que j'ai écrit, qu'effectivement il y avait eu volonté de coup d'état, et que j'avais arrêté cette volonté. ( ?) J’ai expliqué très bien ce qui s’est passé.

EC – Quand vous alliez voir les dignitaires africains, quand vous alliez les voir, vous faisiez comme si de rien n’était, on cautionne quand même ce système ?

LFP – non, non…EC- qu’est-ce qu’on peut faire concrètement LFP – on ne le cautionne pas, on essaie…ma responsabilité, c’est d’essayer de voir quels sont les programmes de développement que je peux faire avec les dirigeants des pays ,avec les pays, et de voir comment l’argent qui va dans ces programmes est effectivement utilisé à ça. C’est ce que j’ai fait EC – et pas dans la poche ? LFP- et pas dans la poche des uns et des autres. Et c’est très difficile parce que c’est une habitude qui a été prise, une mauvaise habitude/(coupure ndr)

EC – une dernière question avant de voir la suite de ce document, euh, un permis de corrompre, on l’a vu dans ce reportage, les commissions ont été légales, la possibilité de corrompre, même, euh, via des intermédiares des responsables étrangers LFP –absolument EC – jusqu’en l’an 2000, depuis c’est pénalement répréhensible, et on peut être même emprisonné. Si on se livre à cette pratique. Est-ve que malgrè tout cela continue ?

LFP – oui, tout à fait, cela continue, c'est-à-dire par d’autres méthodes, c’ est plus compliqué, EC – lesquelles ? LFP – c'est-à-dire qu’on crée des sociétés à l’intérieur des pays, et que ces sociétés sont partenaires des pétroliers, par conséquent elles reçoivent de l’argent corrrespondant à un travail qu’elles ne font pas, enfin c’est … les méthodes sont nombreuses, ne croyez pas que les américains nous attendent pour avoir des méthodes très tordues pour faire exactement la même chose que nous.

EC – Alors des méthodes tordues on va en voir dans un instant avec la suite ce document

Parce que l’argent d’Elf n’a pas été perdu pour tout le monde, valises d’argent liquide, retour d’une partie des commissions en France, par quels circuits occultes et qui en a profité, vous allez le voir dans un instant après une page de pub, à tout de suite.

Vo – l’argent d’Elf est revenu dans les caisses des partis politiques en France, par quels circuits passaient les millions ?

2ème Partie

EC – un PDG en prison, la cavale rocambolesque d’un homme de l’ombre, des dirigeants qui auraient puisé dans les caisses de la compagnie, où sont passés les milliards d’Elf, 2ème partie maintenant de ce document, une deuxième partie au cours de laquelle apparaissent les principaux acteurs de ce que l’on a appelé l’affaire Elf, estimation, environ trois millards de francs auraient été détournés des caisses d’Elf, entre 1989 et 1993, mais cet argent n’a pas été perdu pour tout le monde, qui en a profité, par quels circuits confidentiels voire secrets ont transité les virements et les valises de billets, je vous propose de voir tout de suite la seconde partie de ce document.

(ndr : images de l’arrestation d’Alfred Sirven)

Alfred Sirven – « nothing to declare »

Vo – l’homme n’a rien à déclarer, et pourtant c’est bien lui qui est au coeur du secret de Elf.

Alfred Sirven - « vive les Philippines ! »

Vo – Alfred Sirven, cadre superieur chez Elf, est arrêté après 20 mois de cavale. A en croire les juges, il aurait contribué à détourner plus d’1 milliards de francs dans les caisses de la compagnie pétrolière.

AS – je n’ai rien à déclarer, la vie c’est la vie, …

Vo – c’est l’homme qui ne craque pas. En même temps que M. Sirven, ils sont plus de 40 à être poursuivis par la justice, soupçonnés de s’être enrichis sans justification. Des hommes d’affaires, des avocats, ou des cadres de la compagnie, rien que du beau linge.

Parmi eux, filmé ici en septembre 1999, le milliardaire André Guelfi, le jour où il peste contre un juge suisse qui veut le mettre en prison.

AG – je suis emmerdé parce que, vous savez, le juge Péraudin m’a fait un mandat d’arrêt international, qui m’a stupéfait et surpris, alors évidemment ça m’emmerde parce que j’ai pas envie de me faire pigeonner comme un con à la frontière.

(vo) – c’est la grande gueule de l’histoire. Et puis il y a André Tarallo, le monsieur Afrique de Elf. La justice le soupçonne d’avoir touché indûment 600 millions de francs. Il a payé 10 millions de caution pour ne pas aller en prison. C’est l’homme le plus cher de l’histoire . tout en haut de l’affiche judiciaire enfin, LFP, le PDG de l’entreprise. Grand manitou de l’arnaque pour les uns, simple bouc émissaire pour les autres, il ne sait même plus combien de fois ili a été mis en examen.

LFP – de temps en temps, je suis à 13, de temps en temps je suis à 26. quand on aime on ne compte pas (sourire)

(vo) – aujourd’hui, il en est à 33 mises en examen, 172 jours derrière les barreaux de la prison de la Santé, entre juillet et décembre 1996.

Tout cela, parce que la gestion des milliards d’Elf a totalement dérapé. Chaque fois que l’entreprise a versé des commissions pour avoir des contrats pétroliers à l’étranger, une partie de l’argent a disparu, c’est ce qu’on appelle alors une rétro-commission.

Le meilleur exemple, c’est l’opération menée avec André Guelfi. Pour obtenir ces champs pétroliers au Vénézuela, Elf avait débloqué des sommes de 20 millions de dollars, destinés à motiver le président vénézuelien Carlos Andres Perez. Seulement voilà, tout l’argent versé n’a pas attéri en Amérique du sud, selon ce document fourni aux juges par André Guelfi, sur 20 millions, seulement la moitié ont été aux vénézueliens.

LFP – Elf a payé 10 millions de dollars de trop, puisque les 10 millions de dollars qui vont aux venezueliens étaient prévus, les 10 millions de dollars qui vont ailleurs n’étaient pas prévus. Et donc Elf a payé 10 millions de dollars de trop.

(vo) De trop, pas pour tout le monde. Selon ces bordereaux bancaires conservés par M. Guelfi, 2 millions et demie de dollars ont filé dans un compte bancaire en Suisse, gérés par André Tarallo, le compte TA RUB Colette,due prénom de sa femme. Et 5 millions de dollars rejoignent un compte gérés par Alfred Sirven. Sur les 2.5 millions de dollars restants, André Guelfi affirme avoir payé ses frais. Et remis le solde à un tiers dont il a perdu le souvenir, en liquide, au guichet d’une banque, à Genève.

    c’est vous qui les avez remis en espèces ?

    oui, oui, évidemment, j’ai retiré en espèces, j’ai remis la différence.

    Vous vous souvenez comment ça s’est passé ?

    J’men rappelle plus, je vous dis la vérité, on n’a mis sous enveloppe avec un nom, j’ai dit à la banque, monsieur untel va venir les chercher

    Il y avait une somme importante dedans ?

    Il y avait entre 600 et 800 000 dollars.

    Dans une enveloppe ?

    Oui, ah bah c’est rien du tout ça.

Vo – c’est rien, mais ça fait tout de même 5 millions de francs. Soupçonnés d’avoir touché de l’argent sans justification, M. Tarallo et M. Sirven ont été mis en examen, ainsi que leur PDG, pour avoir laissé faire. Pourtant , à en croire Loïc Le Floch, ces manipulaztions étaient monnaie courante. Derrière le système des commissions se cachaient des millions de francs de fuite,dans toutes les directions.

LFP – ya de l’argent qui va aux destinataires finaux. Qui apparaissent.

-dans les pays pétroliers ?

- et puis, de tout temps, pour le président de la république comme pour les autres, que.. il y avait des sommes qui allaient aux destinataires finaux qui n’étaient pas ceux-là. Et je m’en fiche parce que ce sont des sommes qui sont ridicules par rapport à la marge de l’entreprise.

(vo) selon les juges, ces fuites dépassaient plusieurs dizaines de millions de francs par an. Ridicule, question d’appréciation. Des millions en tous les cas avec lesquels certains cadres de l’entreprise sont soupçonnés de s’être bâtis un joli patrimoine. Le plus célèbre, c’est d’André Tarallo. Certes , il gagnait bien sa vie, environ 140 000 f par mois, mais son train de vie était sans rapport. Il s’est bâti cette villa pharaonique en Corse, considérée comme une des plus belles de l’ ïle, estimée à 80 millions de francs. André Tarallo affirme l’avoir payée avec ses honoraires de conseillers auprès des présidents africains. Plus traditionnel, Alfred Sirven a préféré investir dans l’ancien. Nous sommes en Touraine. Cette porte est classée monument historique. Le château est 16eme siècle. Achats plus travaux, Alfred Sirven en a eu pour 15 millions de francs. Une amie des nouveaux propriétaires, couple d’américains, a accepté de nous faire visiter. (visite…)Alfred Sirven a renouvelé son pied-à-terre jusque dans les moindres détails. Avec 9 chambres, trois salons, l’intérieur est classique. Il n’y a plus de meubles, ils ont été saisis. Mais l’état des lieux est impeccable, on y trouve même un luxe inhabituel pour ce genre de château. Les travaux de rénovation, on les voit, cette charpente a été entièrement remise à neuf. (détails de la maison- orangeraies, roseraies, etc. , peu intéressant on aura compris…une voisine explique que les dizaines d’arbres de 8-10 mètres du parc ont été plantés directement avec moultes pelles et grues). Il faut dire que pendant 30 ans, chez Elf, on a eu l’argent facile. Autour de la table du conseil de direction, les PDG successifs ainsi qu’une partie de leurs collaborateurs pouvaient avoir accès à une caisse d’argent liquide pour faciliter leurs relations d’affaires. Au noir , en toute simplicité, comme les ministres on des fonds spéciaux.

FDP – moi, ça représentait de l’ordre de plusieurs centaines de milliers de francs par an, de l’ordre de 1 million de francs par an.

C - Combien de collaborateurs avaient à votre connaissance des fonds spéciaux ?

LFP – normalement, il y en avait une dizaine.

Vo) difficile de savoir de combien exactement disposaient chacun des hauts cadres de l’entreprise. En tous les cas les mécanismes étaient très simples. Nous avons pu retrouver trace d’argent liquide retiré par André Tarallo, au guichet d’une banque, gérée par Elf. C’est un chèque de 839 000 francs, le 11/07/1990, prélevé sur le compte d’une filiale étrangère, à moi-même !

LFP – ça sert à faire en sorte que, de temps en temps, il y ait de l’huile dans les rouages, dans telle ou telle affaire. Et que ce se fasse de manière élégante.

- faire un cadeau par exemple ?

    absolument

    offrir un diner, partir en voyage, offrir un costume, ça peut en faire partie ?

    en effet oui

Le problème, c’est que verser ainsi de l’argent au noir, c’est illégal. Alors tout était organisé à l’étranger depuis la Suisse, loin des regards du fisc, des contrôleurs public de toutes sortes , et loin des juges. Jusqu’à sa fusion avec total, Elf avait sur les bords du lac Léman à Genève une demi douzaine de filiales, et un labyrinthe de circuits financiers secrets. Tout commence dans cet immeuble, à deux pas de l’aéropport de Genève Cointrain. Une fois le pétrole extrait en Afrique ou ailleurs, c’est depuis ces bureaux qu’il est vendu dans le monde entier. Les commerciaux, ceux qu’on appelle les traders, on les trouve au 4ème étage, chez Elf Trading. Nous n’avons pas été autorisés à filmer, il faut se contenter d’images d’archives. Ces jeunes gens derrière leurs ordinateurs négocient les cargaisons de pétrole au téléphone, une activité très profitable.

LFP – ça gagne de 800 millions à un milliard par an pour une société composée de quelque centaines de personnes.

Une partie de ses profits a alimenté une trésorerie, commune à toutes les filiales d’Elf. Ça se passe à deux étages en dessous, au bout du couloir, la trésorerie, elle ne s’appelle pas Elf, mais Rivunion. Lorsque nous y sommes allés, les bureaux étaient en plein déménagement.

-bonjour madame, je suis Denis Boutelier, je vous ai appelé au téléphone il y a deux jours, vous savez je suis un journaliste de M6

-oh la la non !

vo_ ici, on aime pas beaucoup les journalistes, et pour cause , le lieu est extrêmement sensible. On est là au cœur d’une des principales caisses noires de Elf .en 1991, par exemple, selon un cadre financier, près de 800 millions de commissions auraient été payés depuis ces bureaux, sur ordre des dirigeants de paris. Une sorte de trésor, dans lequel certains dirigeants oint puisé depuis trente azns, presque somme dans un coffre à jouets.

LFP – ce trésor repart soit vers les filiales lorsque nous en avons besoin, soit vers des commissions versées à un certain nombre de gens sur ordre oral de Paris.

-ça veut dire qu’il n’y a pas de traces de ces…

LFP – il n’y a pas de trace

-qu’est-ce que ça peut être, un ordre oral de commission ?

- « versez 15 millions de dollars au compte 0000454002 à la multinationale, banque,… » voilà…

    en échange de services

    non, non !

    en échange d’une facture ?

    non, non.

    Sur justification ?

    Oui

Ces versements secrets ont été utilisés selon l’enquête des juges par des cadres d’Elf, mais pas seulement. Selon LFP, dès sa création par le général de Gaulle, Elf a été aussi conçue pour apporter un complément de financement au(x ?) parti politique à Paris. Car la politique, ça coûte cher , et les cotisations des militants ne suffisent pas toujours. Il aura fallu 7 ans d’enquête judiciaire dans ces bureaux du palais de justice pour qu’un des patrons d’Elf l’affirme noir sur blanc, André Tarallo, que l’on voit ici quitter le cabinet du juge. C’ »était il y a 6 semaines, le 17 octobre 2001, l’homme assure que lui-même ne s’occupait pas de ce sujet, mais il confirme.

Question du juge : la société Elf a-t-elle été utilisée pour des financements politiques ? réponse de M. Tarallo : « je savais bien qu’il existait des financements politiques français effectués par Elf . c’était l’affaire des présidents d’Elf. Avec l’arrivée de M. Sirven, c’est lui qui était chargé du financement politique » et à la question : « M. Sirven a-t-il évoqué devant vous le nom des formations politiques ou des hommes politiques bénéficiaires ? – il a évoqué une distribution à tous les partis »

Sans parler de financement politique, M. LFP affirme que les dirigeants d’Elf ont toujours eu des liens étroits avec le pouvoir. C’est la première chose qui l’a frappé à son arrivée dans l’entreprise, il le raconte à sa manière.

LFP – tout le monde est très politique dans la boîte. Le directeur financier il arrive le premier jour , il me dit : « moi je suis membre du club perspectives et réalités avec M. Lamassoure. » le secrétaire général de l’Uro ( ?) P Lebel, vient me voir en disant qu’il est un très proche collaborateur de M.Barre., « je m’entends très bien avec M. Barre , je le vois souvent. » je lui dit, je suis content de le savoir…M. Tarallo, me dit , « vous savez, j’étais à l’ENA avec Chirac, je connais très bien Chirac, je connais très bien l’entourage de M. Chirac » je lui dit « parfait !… » pour moi, c’est à chaque fois, je soulève une pierre, je découvre un scorpion, à la fin, j’en ai marre de me faire piquer , je laisse les ierres sans les retourner.

(vo)Des cadres supérieurs d’une grande entreprise ayant des relations dans le monde politique, c’est très courant, à droite comme à gauche. Ce qu’oublie de dire M. LFP, c’est qu’il est devenu président d’Elf grâce à un homme, et pas n’importe lequel. 1988, François Mitterand est réélu président de la république, et nomme quelques mois plus tard LFP à la tête d’Elf.. à travers des documents fournis plus tard à la justice, on découvre que Elf a rendu service à la famille politique du président. Et d’abord en embauchant plusieurs personnes réputées proches de l’homme au pouvoir. Eric ghebaly par exemple, ancien secrétaire de SOS Racisme, un mouvement proche de François Mitterand. Il a aussi été salarié d’Elf en Suisse , 15000f par mois. On trouve aussi la petite amie du ministre Roland Dumas, Christine Deviers-Joncourt, 47 000 f mensuels. Ou encore la secrétaire de Dominique Strauss-Kahn, Evelyne Duval. En 1993, la secrétaire cherche à se recaser, elle se fait embaucher chez Elf toujours en Suisse, 15000f par mois elle aussi. Plus étonnant, la compagnie pétrolière finance un festival de théâtre en Corse. Malgré des acteurs de renom, la manifestation est modeste, la subvention l’est beaucoup moins, Elf amène plus des trois quart du budget.

-il faut un petit peu de temps pour installer un festival

le festival est organisé par une association, La colombe, présidée par cette dame, Jacqueline Frangoux. L’argent vient lui d’un compte secret à Zurich, cette note datée de 1996, l’ indique, elle est signée d’un des directeurs financiers et adressée à un avocat Suisse d’Elf. «  j’aimerais , que par débit d ton compte, tu fasses transférer 900 000 f en faveur de l’association La colombe, coïncidence ou pas, il se trouve que Jacqueline Frongoux est très liée elle aussi à la galaxie Mitterand, chargée de mission auprès de Dominique strauss-Kahn, entre 1991 et 1993.

Mais pour financer des activités qui n’ont rien à voir avec le pétrole, Elf est capable d’engager des sommes bien plus importantes encore. Le meilleur exemple, c’est l’histoire du journal Globe. Un magazine clairement pro tonton, comme en témoigne cette une en 1988. il est dirigé par le journaliste branché Georges-marc Benamou, et financé par Pierre Bergé, patron d’Yves St-Laurent, familier de Mitterand et de LeFloch Prigent. Problème en 1992, le journal est en faillite, de nouvelles  élections approchent, et Globe a besoin d’argent. Après quelques mois d’arrêt, le journal reparaît pourtant, comme par miracle. (extrait d’un reportage radio : le mensuel disparaissait des kiosques au printemps dernier faute de lecteurs, alors question, avec quel argent globe Hebdo praît-il aujourd’hui ?)

GM Benamou : -l’argent d’un financier important, qui est notre associé depuis 7 ans, Pierre Berger, l’argent de deux quais( ?) de société de capital-risque, et d’une banque privée…

Vo : ce qu’oublie de dire M. Benamou, c’est que le tiers de l’investissement, 20 millions, officiellement amené par une société de capital-risque, «Union Normande Investissement, vient en fait d’Elf. Les salariés n’en savaient rien, mais ce document interne de la filiale suisse Elf Aquitaine International , estampillé « personnel et confidentiel » titré « opération Globe » le confirme. Elf Aquitaine International s’est portée caution solidaire à hauteur de 20MF. Interrogé par nos soins, Georges Benamou ne se souvient de rien, et nous a adressé à Pierre Berger, qui nous a lui-même renvoyé… à Benamou. Comment une société comme Elf peut-elle justifier d’avoir dépensé autant d’argent sans justification économique apparente ? Pour l’ancien patron de la compagnie la question apparemment ne se pose même pas.

LFP – depuis trente ans , tout le monde est content. Demandez-leur !

C – quel est le prix payé par Elf pour que tout le monde soit content ?

LFP – c’est marginal par rapport au chiffre d’affaires

C – ça représente combien ? (coupure)

LFP – on est entrain de raisonner sur quelques dizaines de millions de francs.

(vo) le PDG ne nous en dira pas plus, impossible de chiffrer avec précision l’argent injecté par Elf dans la sphère politique. D’autant que l’argent des commissions pétrolières est revenu à Paris aussi par un autre chemin. Il arrive directement des chefs d’états d’Afrique dans la vie publique française, sans passer par Elf. C’est ce qu’affirme un des principaux acteurs de l’ombre, de la politique franco-africaine depuis 40 ans, l’ambassadeur Maurice Robert, 82 ans , 47 ans d’Afrique, un homme qui connaît bien son monde.

MR – alors ça, (il montre une photo) c’est la visite officielle de Bongo, et nous allons accueillir Bongo vous voyez, alors il y a le président Giscard, mon ami Giscard ça c’est le chef du protocole et puis là je suis derrière bien sûr… l’ambassadeur de France se devait d’être présent.

(vo) ambassadeur de France au Gabon pendant deux ans, mais aussi grand officier de la légion d’honneur, conseiller de Jacques Chirac à l’hôtel de ville, colonel en retraite, ancien chef des services secrets en Afrique, 9 ans chez Elf, il est encore conseiller de Total-Fina-Elf, et des présidents du Congo et du Gabon. Pour lui, l’argent des Africains a bien arrosé les partis politiques français, des communistes africains, des communistes à l’extrême droite.

MR – les chefs d’états africains ont eu l’intelligence justement de financer tout le monde. Ils ont financé la gauche comme ils ont financé la droite.

C – c'est-à-dire tout le monde ?

MR – tous les partis !

(vo) pour les africains c’est même un secret de polichinelle.