Forêts

Contents
  1. C'est quoi une forêt?
  2. La forêt en France
  3. La propriété forestière
  4. Qui sont les propriétaires?
  5. Et en pays de Fayence?
  6. Quels sont le modes d'exploitation, les produits et les services?

Ce mémoire est la mise à jour de ma compréhension des enjeux économique, environnemental et social de la forêt; voir mon fil rss sur la filière bois. Ce travail m'a été suggéré par la prochaine rencontre forestière animée par Fransylva83 et le centre régional de la propriété privée CRPF qui doit se dérouler à Bagnols en Forêt le 17 décembre 20191 et par la lecture du mémoire de Marjolaine Boitard2. Mes principales sources sont l'Inventaire forestier national IFN3, le Centre Régional de la Propriété Privée CRPF4, les chiffres clé de la forêt privée en France5, Fransylva 83 l'Union Régionale des Syndicats de Forestiers Privés PACA6 et l'ONF9.

C'est quoi une forêt?

Selon l'Inventaire Forestier National (IFN) la forêt est un territoire occupant une superficie d'au moins 50 ares (5000m2) avec des arbres capables d'atteindre une hauteur supérieure à cinq mètres à maturité in situ, un couvert arboré de plus de 10% de cette superficie et une largeur moyenne entre les arbres matures d'au moins 20 mètres (agrandir l'image). Cette définition restrictive sert à l'établissement de statistiques de l'inventaire forestier national.

Mais la forêt peut aussi se définir comme un écosystème où habitent des milliers d'espèces de mousses, de lichens, de plantes, de champignons et d'animaux, dominés par des arbres d'essences différentes en mélange à tous les stades de leur vie, comme le montre cette vidéo.

La forêt en France.


En France métropole, la forêt couvre 16,8 millions d’hectares en 2016 soit 31 % du territoire. C’est l’occupation du sol la plus importante après l’agriculture qui, elle, couvre plus de la moitié de la France métropolitaine. La forêt a progressé de 14.1 millions d’hectares à 16.8 millions d’hectares de 1985 à 2016 (30 ans) soit 19.1% ou 0.7% par an. C'est une des raisons pour laquelle on assiste à un regain d'intérêt pour l'exploitation durable de la forêt; et parmi ces raisons, le développement du bois énergie pour le chauffage et la production d'électricité.

Le taux de couverture forestière de 31% masque de fortes différences départementales comme le montre cette carte. Sept départements ont un taux de boisement inférieur à 10%: la Manche, la Vendée, la Mayenne, le Pas-de-Calais, les Deux-Sèvres, la Loire-Atlantique et le Calvados. Quatre départements ont un taux de boisement supérieur à 60% : la Corse-du-Sud, le Var (65%), les Landes et les Alpes-Maritimes. Notre territoire le pays de Fayence d'une superficie de 40900ha a une surface boisée de 22450ha (*), soit 55% de son territoire. Et si on y ajoute la végétation sclérophylle et la végétation arbustive en mutation, la superficie boisée est de 74.3% du territoire 29130ha.
(*) Le plan de gestion de notre espace forestier, la stratégie locale de développement forestier (SLDF) est en cours de montée en puissance sous l'égide de notre communauté de communes du pays de Fayence CCPF, comme on verra plus loin.

La carte ci-contre illustre l’évolution des superficies forestières entre 1985 et 2016 pour les différents départements (cliquer pour l'agrandir). L’extension de la superficie forestière concerne d’une part le grand arc méditerranéen et la Corse - sauf le Var - et d’autre part la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. L’essentiel des reboisements dans le Sud-Est concerne des terres délaissées par le pastoralisme et l’agriculture - ce qui est le cas dans le Var et chez nous en pays de Fayence (*). C'est la raison pour laquelle l'évolution du reboisement est inférieure à la moyenne de 0.7% par an entre 1985 et 2016. Dans les régions traditionnellement forestières, comme le nord-est et le massif landais où se pratique la forêt de plantation, la progression est aussi moindre. Ce constat est également valable en région parisienne du fait de la pression urbaine.
(*) La Communauté de communes du pays de Fayence a parmi ses plans d'action la revitalisation de la forêt - la Stratégie Locale de Développement de la Forêt SLDF - et celle de l'agro pastoralisme le Plan d’Orientations Pastorales Intercommunal POPI.

La propriété forestière


Les trois quarts de la forêt française métropolitaine (12,5 millions d’hectares) appartiennent à des propriétaires privés. La forêt publique représente donc un quart des forêts métropolitaines. Elle se répartit entre les forêts domaniales de l’État gérées par l'ONF (1,5 million d’hectares), et les autres forêts publiques (2,7 millions d’hectares), essentiellement des forêts communales, elles aussi souvent gérées par l'ONF.

Qui sont les propriétaires?

Une première source d'information statistique est le cadastre qui sert de base à la fiscalité foncière et le ficher Corine land cover "occupation des sols en France" 7. Chaque parcelle de terrain est classée selon un des 44 critères du fichier Corine land cover. Mais l'autre source est l'urbanisme des communes avec les plans de zonages; on y trouve les numéros des parcelles et les noms et adresses des propriétaires; ces informations doivent être couplées avec des visites et connaissances de terrain: accès, topographie, peuplements... La forêt privée occupe le quart du territoire national et trois quarts des surfaces forestières françaises, soit 12.5 millions d'hectares sur 16.8.

Le foncier forestier en France est très morcelé à cause des divisions d'héritages et de petites propriétés de moins de 1ha. En excluant les petites surfaces de moins de 1ha, ce que fait l'Agreste, la superficie de forêts privées de plus de 1ha est de 9.8 millions d'ha. La majorité des propriétaires (62%) a des propriétés de moins de 4 hectares - total 1.418Mha. 15.5% des propriétaires ont plus de 10ha et moins de 25ha - 1.643Mha; 5% a plus de 25ha et moins de 100ha - 1.774Mha; et seulement 1% a plus de 100ha. On constate donc le morcellement, comme le montre le graphique suivant. (source Agreste).

Les propriétaires de plus de 25ha d'un seul tenant sont tenus d'avoir un "plan simple de gestion" (PSG) de leur forêt; Voici la plaquette CRPF. Pour les autres, 4 à 25 ha et moins de 4ha, des regroupements de propriétaires permettent d'exploiter collectivement, ce qui dépend des conditions de proximité, de la topographie et de l'accès pour y amener les engins et sortir le bois jusqu'aux routes de transport.

Et en pays de Fayence?

La superficie du pays de Fayence - 9 communes - est de 40800ha En 2018, 52.4% de cette surface est occupée par de la forêt: 21360ha; elle est composée grosso modo à 50/50% de résineux et de feuillus. Résineux: pins sylvestres, pins d'alep et pins maritimes. Feuillus: chênes pubescents, chênes vert et chênes liège... et si on y ajoute la végétation sclérophylle et la végétation arbustive en mutation .. la superficie boisée est de 74.3% du territoire soit 29130ha. Voir ce tableau excel compilé à partir du fichier Corine Land Cover: "occupation des sols en France"7. Il faut noter que la surface forestière a diminué entre 1990 et 2018 à cause de l'urbanisation: la surface urbanisée a augmenté de 97%, les surfaces ont été prises sur les espaces agricoles et forestiers, principalement pour de l'habitat résidentiel en périphérie des villages. Voir ce billet.

La CCPF a élaboré la SLDF au cours du mandat 2014-2020 qui s'achève. Sa conception fut confiée au bureau d'études ALCINA. L'étude fut menée en concertation avec les principaux acteurs de la filière: CRPF, ONF, EGA8 et Fransylva 83. Commencée en 2016 et finalisée fin 2017, elle a commencé à être mise en oeuvre en 2017-2019 par des actions concrètes - des animations et des rencontres forestières confiées au CRPF dans le cadre de conventions 2017-2019. La présentation que voici en donne les grandes lignes. Le bilan des actions concrètes menées par le CRPF dans le cadre de sa convention 2017-2019 avec le CCPF est ici. Cliquer.

Quels sont les modes d'exploitation, les produits et les services?

Géologiquement, le pays de Fayence se divise en 2 zones séparées par la plaine de Fayence: au Nord le calcaire du jurassique, des sols à pH basique et un peuplement de résineux, pins sylvestres et pins d'alep, et différentes variétés de chênes, pubescents, chênes verts... Au sud et à Tanneron, du cristallin, gneiss et mica schistes, des sols à pH acide et un peuplement de pins maritimes et de chènes liège (mimosa à Tanneron). L'exploitation de la forêt avait cessé après la première guerre mondiale; il s'en suivit un repeuplement forestier sur les terres agricoles, phénomène qui s'accentua après la 2è guerre et la prospérité des 30 glorieuses. Le pin est une espèce pionnière qui reconquiert le territoire en l'espace de 40 à 100 ans. Mais dans nos territoires méditerranéens très secs en été, les résineux sont sensibles aux feux; les incendies sont fréquents et dramatiques. C'est un des éléments de la SLDF que d'y parer par une bonne gestion de la forêt.

Au Nord: L'exploitation de la forêt dépend de l'existence d'une demande de ses produits. Si la demande est là, la forêt est une ressource économique. Pour les résineux, c'est la mise en service de la centrale électrique bois de Brignoles Nicopolis (usine Inova baptisée Sylvania) qui a été le phénomène déclencheur de la demande, alors qu'elle n'existait pas avant (*). Les besoins annuels de cette centrale de 21.5MWe (62.4MWth) sont de 140000t de bois de coupes et 40000t de déchets naturels de bois 180000t/an au total (**). Les bois de coupe sous forme grumes (40t) sont transportées par gros semi remorques à Brignoles où elles sont transformées en plaquettes pour la centrale; une partie des coupes (houpiers) sont déchiquetés sur place et transportées ensuite sous la forme de plaquettes.
(*) On aurait pu développer alternativement, ou en complément, des petites chaufferies bois avec production de plaquettes localement; cela aurait été l'occasion de développer des chaufferies bois et des entreprises forestières locales de proximité immédiate. Il est vrai que c'est un développement souhaité du SLDF; comme aussi du bois de sciage pour la construction. Le pin d'alep est désormais agréé en construction.
(**) Je compare cette consommation de bois de 180000t/an et 168GWh (490GWh thermiques)à celle de la production par une de nos centrales nucléaires qui serait de 12.25 tonnes tonne d'uranium produite au Niger et transportées une seule fois (voir ici). Mais cela est un tout autre sujet que celui de la gestion de la forêt: le débat sur le nucléaire dans le mix énergétique. J'en suis partisan pour assurer la transition vers la neutralité carbone en 2050; voir mon fil rss sur le nucléaire.

L'usine Sylviana déclencheur du processus est le résultat d'un projet présenté à l'appel d'offres CRE4 de la Commission de régulation de l'énergie (CRE), lancé en 2010. Sylviana a pour actionnaires Inova Energie et la Caisse des dépôts à 65/35%. C'est un investissement de 90M€ financés à 80% par Caisse d'épargne PACA et la BPI. L'usine emploie 20 personnes sur son site de production; les emplois de l'ensemble de la filière sont estimés de l'ordre de 120. Tout le processus de production de cette centrale 168GWh/an d'électricité - coupes de bois, transports, y compris les paiements aux propriétaires forestiers - est dispersé dans un rayon de 100km autour de Brignoles, 31400km2; et toute la filière - la rémunération de tous les acteurs - dépend du prix de l'électricité acheté par EDF: c'est 126€/MWh(*). Ce prix d'achat résulte du chiffre d'affaires réalisé en 2018 21.1M€ pour une production de 168GWh (lien). On comprend que cette contrainte se traduit sur la gestion des sites et des coupes qui, concerne cette usine. Le projet comprenait une vente de chaleur à la zone industrielle de Nicopolis, mais à ma connaissance il n'a pas encore rencontré de clientèle.
(*) J'avais écrit ce billet en 2016, en prenant un prix de vente de 115€/MWh... Je jugeais que la rentabilité était faible et qu'elle requiérait la vente de chaleur Voir cette feuille excel mise à jour.

Pour approvisionner la centrale en bois, deux agents de Sylvania parcourent le territoire dans un rayon de 100km autour de la centrale, à la recherche de parcelles boisées de pins à couper... Ils contactent les propriétaires via les services de l'urbanisme des communes et leur propose d'acheter leur bois sur pied, à 7-8€/tonne, bois humide non séché(*); ce prix dépend des conditons d'accès et des facilités d'exploitation. C'est un prix compatible avec l'obligation de rentabilité de fonctionnement de l'usine. En cas d'accord, avec un ou des propriétaires de parcelles mitoyennes regroupés, ils contractent un exploitant forestier et l'opération de coupe commence. On a vu cela à Callian route de Mons. Il s'agissait d'une surface plane facile d'accès.... les résultats ont donné satisfaction au propriétaire(s) qui n'auraient pu se débarrasser des pins sans cette opération, risquant chaque année des incendies. Les pins ont été enlevés, il ne reste plus que les chènes. En plus, les propriétaires ont été rémunérés. Voir ce plan de site pilote de 395ha (partie centrale). C'est effectivement une opération très réussie, du point de vue forestier.
(*) Si on laissait le bois sécher naturellement en 2-3 mois avant le transport en usine, le prix pourrait être plus élevé et toute la filière y gagnerait. A Gardanne, le bois est acheté au pouvoir calorifique ce qui impose des mesures d'humidité par échantillonnage à l'entrée de l'usine en plus du poids.

La topographie de notre pays de Fayence n'est pas idéalement adaptée pour de l'exploitation moderne avec des énormes engins de coupe et de débardage. Les pentes, les difficultés d'accès, les restanques et planches étroites... ne se prêtent pas au déploiement de ces engins forestiers de haute productivité. Le nombre de sites favorables est donc limité(*). Et même là où c'est possible, nos routes de faible gabarit ne sont pas adaptées pour la circulation de ces énormes semi-remorques, chargés de 40t grumes, qui doivent en plus traverser les centres villages pour descendre dans la plaine. Je comprends que le passage par Fayence soit le plus utilisé, d'où la demande d'un moratoire des coupes par le maire de Fayence. Une solution est à l'étude: l'aménagement de la piste du Talent (revoir).
(*) Une solution serait l'emploi de cable mât pour amener produits au bord de la route. C'est une solution forcément plus chère car moins productive; donc moins de revenu pour le(s) propriétaire(s) voire pas de revenu du tout. Donc une opération blanche, ou seulement bénéfique pour le nettoyage, la diminution du risque incendie, l'accroissement de la fonction sociale loisir.... mais ne pourrait-on pas subventionner par fonds publics? Un chantier pilote est envisagé à Roqueroussse Fayence; lien.

Au sud: La demande dépend d'une remise en usage du liège pour les bouchons, l'éco-construction et l'isolation.... La SLDF, en soutenant l’émergence de filières d’avenir ou de niche, a pour objectif de relancer la subériculture sur son territoire. Un partenariat avec l'ASL Suberaie Varoise a donc été initié.

Références:

  1. Rencontre à Bagnols 17 décembre 2019
  2. Mémoire d'étude de Marjolaine Boitard
  3. L'inventaire forestier national
  4. CNPF Centre national de la propriété forestière
  5. Les chiffres clé de la forêt privée en France
  6. Fransylva: Union Régionale des Syndicats de Forestiers Privés
  7. Corine land cover: "occupation des sols en France"
  8. EGA états généraux de l'alimentation: section forêts, bois, énergie
  9. ONF: Office ntional des forêts
  10. Ministère de l'agriculture statistiques Agreste: Forêts, bois et dérivés
  11. Agreste: structure de la forêt privée 2012
  12. Glossaire de l'inventaire forestier national
  13. COFOR83 communes forestières du Var.
  14. Forêts privées - forêts publiques
  15. Forêt chiffres clé PACA chambre d'agriculture.
  16. De l’intérêt d’une gestion durable de la forêt
  17. Le temps des forêts : un film ” négatif ” et controversé
  18. La vie secrète des arbres: les réserves de la communauté scientifique
  19. loi d’Orientation Forestière de 2001
  20. Présentation Transylva: Gestion responsable et durable des forêts privées.
  21. Sylvania, Inova, la centrale électrique à bois de Brignoles
  22. Haute Marne 13e parc national: 251.000 hectares de forêt, dont 3100 hectares de "réserve intégrale"
  23. La Stratégie locale de développement forestier de la CCPF
    1. Pays de Fayence: Stratégie Locale de Développement forestier
    2. Actions: Appui technique a des regroupements de chantier
    3. Actions: Les rencontres forestières
    4. Actions: Les sites pilotes
    5. Site pilote La Colette – Saint-Pierre - SEILLANS
    6. Site pilote du Défens Callian et Tourrettes
    7. Site pilote la Tuilerie Tourrettes
    8. Actions: Relance de la subériculture
    9. Actions: ASL Suberaie Varoise
  24. Association "ASL Suberaies" de Bagnols en Forêt
  25. Débardage en zones montagneuses escarpées.

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Mis à jour le 22/11/2019 pratclif.com