Liste imaginaire des " cautions " scientifiques enrôlées par l'ancien ministre

le Monde Stéphane Foucart 28/02/2010

À LA PAGE 132 de L'Imposture climatique, Claude Allègre écrit : " Il y a, dans divers pays, de nombreux spécialistes climatologues qui, souvent au péril de leur survie scientifique, ont combattu les théories du GIEC. " " Je donne donc quelques noms parmi les plus prestigieux, et sans être exhaustif, poursuit-il. Les Scandinaves Svensmark et Christensen, Dudok de Wit, Richard Courtney, Martin Hertzberg, Denis Haucourt, Funkel et Solansky, Usoskiev, Hartmann, Wendler, Nir Shaviv, Syun-ichi-Akasofu. "

L'Américano-Israélien Nir Shaviv et les Danois Henrik Svensmark et Eigil Friis-Christensen, spécialistes du Soleil, sont connus pour leurs travaux - très controversés - liant l'activité solaire et les variations climatiques au XXe siècle. Tous les physiciens solaires ne sont cependant pas sur cette ligne, tant s'en faut. Ainsi, Thierry Dudok de Wit (Laboratoire de physique et chimie de l'environnement et de l'espace), également " enrôlé ", dit ainsi : " L'influence du Soleil sur le climat terrestre est incontestable et est toujours l'objet de nombreux travaux, mais, depuis le XXe siècle, il est clair que les gaz à effet de serre émis par les activités humaines ont une influence dominante. L'influence de la variabilité solaire est largement secondaire, au moins pour ce que nous en savons aujourd'hui. "

Quant à Richard Courtney, également mentionné par M. Allègre, il n'est pas climatologue, mais " consultant indépendant en énergie et environnement ", à en croire la page qui lui est consacrée sur le site Web du Heartland Institute - un think tank conservateur américain. Celle-ci précise notamment que " ses réussites ont été saluées par l'association pour la gestion des industries minières de Pologne ".

Martin Hertzberg n'est pas non plus un " spécialiste climatologue ", mais " consultant en science et technologie " - c'est en tout cas ce qu'il indique en préambule d'un article (sans apport de résultats scientifiques) publié récemment dans Energy & Environment.

Etudes introuvables

Autre caution supposée prestigieuse de M. Allègre, " Denis Haucourt " : ce nom est absent des bases de données de la littérature scientifique. Ce spécialiste présumé du climat semble ne pas exister, à moins que l'orthographe de son nom ne soit erronée. De même, interroger l'index de Google Scholar avec le nom d'auteur " Funkel " renvoie à 17 études. Elles portent sur des travaux en dermatologie, en sciences de l'informatique, sur le traitement des appendicites chez des patients atteints de tuberculose... mais aucune ne traite du climat ou même des sciences de la Terre. On cherche aussi en vain les études publiées par un certain " Usoskiev ". Elles sont introuvables.

" Solansky " n'existe pas non plus. Mais on reconnaît là Sami Solanki, l'un des plus grands spécialistes mondiaux de physique solaire (Institut Max-Planck de recherche sur le système solaire, Allemagne). Interrogé par Le Monde, M. Solanki réfute avec vigueur les idées qui lui sont attribuées par M. Allègre. " Je ne suis pas opposé aux principales conclusions du GIEC, c'est-à-dire que la Terre s'est globalement réchauffée de 0,8 ° C dans le dernier siècle environ, et qu'une large fraction de cela est due aux gaz à effet de serre émis par l'homme, explique-t-il. En particulier, la forte augmentation de température sur les derniers 40 ans n'est définitivement pas due à la variabilité solaire, mais le plus vraisemblablement, à l'effet dominant des gaz à effet de serre. "

Dans la longue liste égrenée par M. Allègre, on trouve aussi Dennis Hartmann, professeur à l'université de Washington. Mais lui aussi réfute son " enrôlement ". " Je pense que l'ensemble de preuves présenté par les scientifiques travaillant sur les rapports du GIEC est très convaincant sur le fait que la Terre se réchauffe en conséquence directe des activités humaines, explique-t-il. Et que si nous continuons à augmenter la quantité de CO2 dans l'atmosphère, la Terre continuera à se réchauffer pendant ce siècle. "

Egalement sollicité par Le Monde, Gerd Wendler, directeur du Centre de recherche climatique de l'université d'Alaska, autre enlisté de M. Allègre, explique : " Je pense que les changements anthropiques (les gaz à effet de serre et les modifications de paysages) mais aussi les changements naturels détermineront le climat du futur. " Et, s'il dément être un opposant farouche au GIEC, M. Wendler ajoute : " Ignorer les changements naturels comme l'a fait le rapport du GIEC est incomplet. "

Ailleurs dans son livre, M. Allègre étaye son opinion, très négative, sur les modèles numériques de prévision du climat en convoquant la prestigieuse caution de Carl Wunsch, l'un des plus grands océanographes vivants, professeur au Massachusetts Institute of Technology (MIT). M. Allègre cite ainsi un extrait d'une allocution récemment donnée par M. Wunsch : " Notre insuffisante connaissance de l'océan met toute prédiction du climat à long ou moyen terme hors du champ de la science. " Contacté par Le Monde, M. Wunsch se reconnaît dans cette opinion. Mais il tient à ajouter : " Je pense que les modèles ne sont pas pertinents pour prédire le climat, mais qu'ils montrent de manière plausible les conséquences du réchauffement climatique, c'est-à-dire les risques que nous encourons. Et je trouve que ces risques sont extrêmement inquiétants. "

Les Nations unies créent une commission sur le GIEC

Une commission scientifique indépendante va être nommée pour examiner les travaux et le fonctionnement du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat), dont la fiabilité des travaux a récemment été l'objet de plusieurs polémiques, a annoncé l'Organisation des Nations unies, vendredi 26 février. Cette commission, composée de scientifiques, devrait rendre son rapport en août, selon Nick Nuttall, porte-parole du Programme des Nations unies pour

l'environnement, qui a précisé : " Il s'agira d'une étude crédible, raisonnée sur le fonctionnement du GIEC, afin de renforcer la publication de son cinquième rapport. " Le quatrième rapport du GIEC a été publié en 2007. Le prochain est attendu pour 2014. - (Reuters.)

L'imposture " croissanciste "

Après avoir ingurgité divers pamphlets dénonçant " l'imposture " et le " mythe " climatiques, le chroniqueur s'est intéressé au colloque du conseil scientifique du Front national sur le réchauffement climatique, qui s'est tenu à Nanterre, le 30 janvier. On doit à la journaliste Jade Lindgaard, qui l'a signalé sur Médiapart, de ne pas avoir ignoré cette nouvelle aventure de la pensée.

Jean-Marie Le Pen a conclu le colloque. Citant Claude Allègre, il a exposé combien était fausse la théorie selon laquelle l'activité humaine causait le changement climatique en cours. " Il s'agit d'un dogme. Un dogme, par définition, se passe de toute preuve rationnelle. "

Mais plus intéressant que ce renfort de poids aux climato-sceptiques est que M. Le Pen a révélé l'enjeu idéologique de l'affaire : " Sachant que la dépense d'énergie est à la base de la croissance économique, la recherche de la croissance entraîne donc le réchauffement climatique ", a-t-il expliqué. En effet, " il ne peut y avoir croissance s'il n'y a pas développement de l'économie, et donc de l'énergie qui la sous-tend ".

Conclusion implicite : comme il ne faut pas remettre en cause la croissance économique, il est nécessaire de ne pas reconnaître la responsabilité de la consommation d'énergie dans le réchauffement climatique.

Par coïncidence, c'est la semaine où les climato-sceptiques occupaient micros et caméras que Nicolas Sarkozy a relancé la Commission pour la libération de la croissance française , présidée par Jacques Attali. Il faut, indique l'Elysée, le 23 février, que la France " s'inscrive sur un chemin de croissance forte et durable ".

La croyance dans les bienfaits de la croissance est-elle un dogme ? Je laisse ce point à la sagacité des lecteurs.

En tant qu'objecteur de croissance, notons que deux illusions animent les " croissancistes ".

La première est de croire que l'on peut revenir à une croissance forte du PIB (produit intérieur brut). Comme le montre bien Pierre Larrouturou (Crise, la solution interdite, éd. Desclée de Brouwer, 2009), le rythme de la croissance, en France, diminue régulièrement depuis 1960, c'est une tendance historique de fond dont rien ne permet de penser qu'elle peut s'inverser.

La seconde illusion est de croire que la croissance entraîne nécessairement une baisse du chômage. Au contraire, l'économiste Jean Gadrey démontre dans Alternatives économiques de février qu'il faut découpler ces deux grandeurs. " Produire des biens (ou des services) de façon écologiquement durable ou socialement préférable exige plus de travail que produire les "mêmes" biens en détruisant les ressources naturelles et le climat, ou en industrialisant les services. "

Eh oui : on créera plus d'emplois en accordant plus d'importance à l'écologie. Encore faut-il reconnaître la gravité du changement climatique et la crise écologique.

Hervé Kempf

Nature en péril

Le combat pour protéger la biodiversité et les écosystèmes naturels, dans le monde et en France, ressemble à la lutte contre le réchauffement climatique. Dans un cas comme dans l'autre, le scénario est le même : alerte lancée depuis longtemps par les associations écologiques ; lente prise de conscience ; solennelles déclarations de bonnes intentions ; enfin, mise en oeuvre tâtonnante, réticente et lacunaire.

Sur ce terrain comme sur d'autres, la France aime à se montrer exemplaire. Dès 1976, la loi sur la protection de la nature fixait un principe simple : éviter tout projet nuisible à la biodiversité ou, à défaut, en limiter l'impact et en compenser les dégâts. Ce texte précurseur est resté en grande partie lettre morte, comme la stratégie nationale pour la biodiversité, adoptée en 2004, et tout aussi inappliquée.

Depuis cinq ans, Paris se veut à l'avant-garde des pays qui tentent de convaincre la communauté internationale de mettre en oeuvre un dispositif global de protection. Concrètement, il s'agit de constituer une plate-forme scientifique indépendante qui aide les gouvernements à faire face à la crise d'extinction des espèces qui menace les équilibres écologiques sur lesquels reposent nos sociétés.

En 2007, enfin, le Grenelle de l'environnement a voulu marquer un nouveau départ. Des objectifs ambitieux ont été adoptés, comme la création d'une " trame verte " à l'horizon 2012, afin d'assurer la continuité écologique sur un territoire aujourd'hui très - trop - fragmenté. Ce peut être un outil efficace de protection de la biodiversité, s'il est suffisamment contraignant pour encadrer les choix des aménageurs. Dans le cas contraire, cette " trame " ne sera, une fois de plus, qu'une passoire, incapable de freiner le recul de la nature.

A l'heure des bilans, il n'y a donc pas de quoi pavoiser. Pas plus que les autres pays européens, la France n'est parvenue à tenir l'engagement d'enrayer, en 2010, le déclin de sa biodiversité. Pis, elle apparaît comme un des pays qui massacrent le plus ses paysages et sa faune sauvage en laissant villes, complexes commerciaux et routes s'étendre plus que ne le justifie sa croissance démographique.

Une véritable politique de la biodiversité ne peut se contenter de quelques actions symboliques sur des espèces emblématiques (l'ours, le loup, l'albatros...) et la création d'aires protégées. Elle doit s'attaquer aux problèmes de fond, se doter d'une stratégie globale et cohérente sur tout le territoire, faire preuve d'une solide volonté politique. Toutes choses qui manquent, jusqu'à présent.

Une collision entre géants de glace dans l'Antarctique

UN GIGANTESQUE iceberg (à gauche de la photo), d'une taille comparable à celle du Luxembourg, s'est détaché du glacier Mertz, dans l'est de l'Antarctique, après avoir été percuté par un autre iceberg (au centre), selon des travaux rendus publics vendredi 26 février. Ce bloc de glace de 2 250 km2, d'une épaisseur moyenne d'environ 400 m, s'est détaché le 12 ou 13 février, selon les images satellites utilisées par une équipe de chercheurs français et australiens. Ce phénomène pourrait, à terme, avoir un impact sur la circulation océanique profonde et l'équilibre des écosystèmes, particulièrement riches en biodiversité, d'après les chercheurs.

Cette rupture s'explique par le cycle naturel de ce glacier qui a développé une langue de glace " qui pousse d'une peu plus d'un kilomètre par an sur l'océan ", explique Benoît Legresy, chercheur au Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiales (Legos), à Toulouse, qui a participé à cette étude. " Ce vêlage - désagrégation donnant naissance à un iceberg - est issu de la collision avec un iceberg encore plus grand, appelé B9B (de 95 km de long par 20 km de large), avec la langue de glace flottante fragilisée par des crevasses transverses majeures ", ont précisé les chercheurs dans un communiqué. " Je pense qu'il n'y pas d'impact direct du réchauffement sur ce cas-là, mais cela offre un laboratoire unique pour identifier les mécanismes à l'oeuvre ", ajoute Benoît Legresy. - (AFP.) PHOTO : AFP


Partager: facebook   Twitter


Mis en ligne 28/02/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com  paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com   mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com