Jean Marie Pelt et Eric Gilles Séralini "après nous le déluge?"
notes de lecture

Chapitre: la vie ne va pas de soi

Jusqu'à nouvel ordre, nous sommes les seuls. Nous avons beau écouter l'Univers avec de grandes oreilles perfectionnées depuis des dizaines d'années... ça ne vient pas vite. Que savons-nous de la probabilité d'autres vies dans le cosmos ? Nous ne sommes sûrs de rien. Globalement, la vie est une chimie du carbone, du phosphore et de l'azote dans de l'eau, un mariage d'hydrogène et d'oxygène, avec en prime un peu de soufre. La vie ne pourrait exister si l'âge et la structure à grande échelle de l'Univers n'étaient pas tels qu'ils sont. Du moins tels que nous les décrit la science. Tout cela n'est pas le fruit d'une pensée philosophique, mais le résultat de calculs très complexes qui ont démontré qu'il a fallu du temps pour que se déploie l'Univers, pour que se condense la matière première en galaxies, pour que naissent les étoiles, régies par des cycles de vie et de mort, et qu'elles forment les principaux éléments constitutifs de notre vie. Ces éléments, fondamentaux dans la constitution de nos sucres, nos protéines, nos graisses, notre patrimoine génétique, ont été engendrés dans le coeur des étoiles, seules usines thermonucléaires capables de les synthétiser. Mais pas n'importe quelles étoiles. Toutes ne produisent pas du carbone, par exemple. Il en a fallu une énorme diversité, et plusieurs générations, pour que naissent tous les éléments chimiques connus. Un Univers constitué seulement par une jeune galaxie serait stérile.

Considérant les milliards d'étoiles dans la galaxie et les milliards de galaxies dans l'Univers, il est raisonnable de penser que les conditions favorables à l'apparition de la vie sont réunies quelque part. Or, dans l'état actuel de nos connaissances, on estime que seules quelques régions de l'espace recèlent ces éléments en bonne proportion et en quantité suffisante. D'autre part, il faudrait que cette permanence d'éléments chimiques fondamentaux soit à la bonne distance d'un soleil, conditions probablement réunies des millions de fois dans l'Univers, pour trouver de la vie. Jusque-là, tout va bien. La vie est le fruit d'une manifestation naturelle, un suintement, une excrétion de l'Univers imaginé dans un mouvement de complexité croissante. La vie ailleurs sous une forme simple et connue, au moins bactérienne, est possible, c'est le principe d'anthropie faible. Principe qui énonce avant tout que l'Univers tel qu'on le décrit doit être compatible avec la vie en son sein.

Le principe anthropique fort est plus spéculatif. Il introduit un finalisme en suggérant que l'Univers se serait constitué de telle sorte que la vie y apparaisse. L'Univers actuel dépendrait de conditions initiales précises et des coïncidences si singulières du big bang, et notre humaine existence d'un « fin réglage » de paramètres littéralement exceptionnel. Celui-ci aurait permis la stabilité des atomes, leur association progressive et de plus en plus complexe, condition sine qua non de l'évolution de la vie et de la matière.

La science moderne a levé un coin du voile l'Univers serait mû par quatre grandes forces toujours et partout respectées : les interactions nucléaires fortes, permettant la cohésion des noyaux des atomes ; les interactions nucléaires faibles, expliquant des phénomènes tels que la radioactivité ; les interactions électromagnétiques, expliquant la lumière ou la formation des molécules qui nous composent ; les interactions gravitationnelles permettant, par exemple, les mouvements des planètes autour des étoiles et la pesanteur. Cette évolution passe notamment par la formation des atomes simples et lourds, mais aussi par des molécules de plus en plus complexes, jusqu'à ces longues chaînes à squelette de carbone, d'hydrogène, d'oxygène, d'azote et de phosphore qui font près de deux mètres pour l'ADN humain et qui portent le code subtil de la vie.

Non seulement l'Univers se serait développé en permettant l'apparition des éléments de la vie (selon le principe fort), mais des conditions particulières se seraient déployées, en plus du temps, pour rendre possibles les interrelations précises entre les cinq éléments chimiques prépondérants du jeu de la vie. En effet, si l'on change ne serait-ce que la dix-huitième décimale de la masse du proton, ou la quarantième du rapport de la force de gravité à la force électromagnétique, et plus généralement si on altère de la manière la plus infime les valeurs des constantes fondamentales, on découvre que l'émergence de cette complexité biochimique qu'on appelle la vie est impossible.

L'infini de l'Univers dopant les probabilités, nous avons quitté le XXe siècle sur l'idée d'une probabilité de vie en plusieurs galaxies. Nous devrions avancer dans ce 20è siècle en méditant sur une découverte de Jacques Laskar qui bouleverse la perception des forces régissant notre système solaire : l'astronome a montré que l'orientation de l'axe de la Terre ne serait pas stable sans la présence de la Lune. Mieux, en empêchant la Terre de basculer sur son axe, la Lune est le garant de la relative uniformité à la fois des saisons et de leurs cycles séculaires. C'est grâce à cela que les écarts de température ne se comptent pas en centaines de degrés !

Dès la fin du premier milliard d'années après la formation de la Terre, des formes de vie simples sont apparues justement grâce à cette stabilité qu'avait acquise notre planète avec l'aide efficace de son satellite. Par sa masse et son mouvement, la Lune se révèle donc un stabilisateur dynamique du climat terrestre sur une très longue période. Sans elle, la Terre serait-elle jamais sortie de l'âge glaciaire, y aurait-il eu l'homme ? Les conditions d'apparition de la vie évoluée seraient donc encore infiniment plus rares que tout ce que l'on avait pu imaginer il y a quelques décennies. Mais n'oublions pas que nous ne sommes aujourd'hui capables d'envisager celle-ci que dans des conditions qui nous sont familières. Et qu'ainsi nous contraignons les hypothèses de conditions propices...

Les paramètres précités ne suffisent pas pour une probabilité d'apparition de la vie sur une planète, encore convient-il de les maintenir suffisamment longtemps, soit 4,5 milliards d'années dans le cas de la Terre, pour que, dans les huit derniers millions d'années, aient pu surgir et se développer différentes espèces d'hominidés et, enfin, Homo sapiens sapiens – des conditions totalement extraordinaires dans l'Univers.

Notre double extraterrestre, s'il existe, est certainement un être rare et lointain. Si des possibilités de vie se présentent ailleurs dans notre galaxie, il faut sans doute les chercher sur les exoplanètes, situées hors de notre système solaire. Il faut aussi prendre en compte les planètes et leurs atmosphères, l'évolution de la brillance de leur étoile, leur rotation autour d'elle – ni trop proche, ni trop lointaine –, pour que les bonnes conditions soient réunies, telles que l'eau sous forme liquide, le gaz carbonique en justes proportions... Il apparaît indispensable, d'une part, que l'orbite de la planète considérée soit elle-même dynamiquement stable, et, d'autre part, que son axe de rotation ne soit pas animé d'un mouvement chaotique. Or, une fois de plus, ces conditions sont très rares. Infiniment plus que ce que nous avions imaginé au siècle dernier. La liste des facteurs nécessaires et indispensables à notre vie, vie fragile au bout du compte, qui a mis des milliards d'années à s'établir, comme celle des vertébrés ou des plantes à fleurs, défie donc le hasard.

Et si nous faisons défiler l'histoire de la Terre pour en déduire des probabilités, peut-être devrions-nous aussi nous pencher sur le rôle de cette découverte : la Lune fait bien plus que tourner au-dessus de nos têtes, sur elle-même et autour de notre globe. Elle se balance, elle vibre en tournant ! Les spécialistes ont même inventé un mot pour cette danse qui semble inspirée par les derviches : la « libration ». Mais à quoi servent ces librations au mouvement alternatif ? Nous ne le savons pas encore...

En résumé, il ne suffit plus d'être à une certaine distance d'un soleil pour que la vie se développe, il importe aussi que soient réunis des paramètres de densité, de taille et de forme de la planète qui sont rarissimes. Cerise sur la galaxie, il faut en plus une stabilité d'orbite qui n'existe dans le cas de la Terre que sous l'influence d'au moins deux facteurs : son satellite, la Lune, et les mouvements des autres planètes du système solaire. Ce sont eux qui nous préservent de la répétition fréquente des grands cataclysmes qui décapiteraient régulièrement toute évolution de vie élaborée. Si, fort de ces nouveaux paramètres, on examine les probabilités d'existence d'une planète qui aurait la masse de la Terre, avec un mouvement pas trop chaotique et un satellite à orbite régulière, dans un système planétaire qui s'autostabilise.., on tombe alors dans l'ordre de l'infime. La vie devient l'exception. Sommes-nous seuls dans l'Univers ? Une complexification de la vie jusqu'à l'apparition de mammifères, puis d'êtres tels qu'Orrorin, Toumaï, ou Lucy, relève bien d'une probabilité infime.

Encore est-il possible que ce que nous prenons pour des constantes de l'Univers soit en fait des variables à déviation lente : la gravité telle qu'on la connaît, par exemple, pourrait n'être qu'un fait temporaire dans l'histoire cosmique. Si cette hypothèse s'avérait, nous serions dans une zone de stabilité particulière des paramètres de l'Univers qui existerait depuis plus de 4 milliards d'années, soit grosso modo le tiers de l'âge de l'Univers, mais qui ne durera pas forcément éternellement. Et si les conditions générales de l'émergence d'une vie complexifiée se trouvent réunies ailleurs que sur la Terre, le seront-elles assez longtemps ? On ne peut pas non plus écarter l'idée que l'Univers puisse un jour se recompresser pour exploser à nouveau...

Probabilité infime, dont l'homme est le fleuron pensant, le processus de la vie s'amorça sur terre par des êtres unicellulaires, des bactéries, dans le plus simple des appareils biologiques. Si nous respirons aujourd'hui, c'est grâce à ces bactéries chlorophylliennes qui pendant 3 milliards d'années ont pollué la Terre en rejetant de l'oxygène dans l'atmosphère comme un vulgaire excrément! Beaucoup en sont d'abord mortes, intoxiquées par ce gaz qui nous est indispensable. Mais quelques-unes se sont adaptées, multipliées, complexifiées, et se sont faites algues, plantes... La complexification est une constante de l'évolution des espèces. Avant elles, les premières bactéries qui sont apparues sur terre étaient hétérotrophes : elles savaient se nourrir du peu qui existait. Puis vinrent les bactéries vert bleuâtre, ou bleues, autotrophes, photosynthétiques, qui surent, et savent toujours, générer la substance vivante, organique, à partir de l'énergie solaire, avec des réactions infiniment complexes qu'on n'a d'ailleurs pas fini de comprendre. Tout ce que font les plantes se résume à assembler de l'eau et du gaz carbonique grâce à l'énergie solaire pour en faire du sucre et de l'oxygène.

Ensuite « s'inventèrent » sur le terreau des premiers pas de la vie les cellules complexes, à partir d'une symbiose, c'est-à-dire d'une association l'une dans l'autre de deux cellules simples, qui allaient pouvoir survivre à l'oxydation brûlante de l'oxygène, déchet de leur métabolisme, mais aussi se mettre à l'assimiler, à l'utiliser directement, comme source de vie ! En faire leur nourriture, le transformer en énergie en le brûlant, en le consumant : c'est ainsi que se produit la respiration au coeur de la matière vivante. Puis ces cellules devenues sophistiquées se sont petit à petit associées les unes aux autres pour former des colonies, des tissus, des organes, des organismes, des sociétés, jusqu'à l'apparition d'un pilier animal, adepte de la respiration, mais incapable de réaliser la photosynthèse. Des invertébrés, des mollusques, des organismes de plus en plus élaborés au niveau de la réception des messages, puis de leur diffusion entre les cellules, puis de leur interaction possible avec le monde et l'organisation de sociétés, telles les fourmis, les abeilles. Des êtres de plus en plus spécialisés, sensibles à leur environnement, communicants et dépendants. Des vivants capables de transformer l'environnement pour l'adapter à leurs besoins, tels les castors ou les oiseaux dans leurs nids. Avec des systèmes pour recevoir et transmuter l'énergie chimique en énergie électrique, nerveuse ; émettre de la lumière phosphorescente telles les lucioles ; de l'énergie chimique comme tous les êtres vivants ; pour intégrer et utiliser toutes formes de messages. La Terre se peupla ainsi d'êtres de plus en plus élaborés et de plus en plus diversifiés, dans les rangs desquels des accidents géologiques et climatiques vinrent opérer des coupes sombres.

On estime en effet que la biodiversité actuelle représente tout au plus 1 % de toutes les espèces qui ont vécu dans le passé. Autrement dit, depuis l'apparition de la vie, 99 % des espèces environ se seraient éteintes. Cela peut-il s'expliquer parla seule durée de vie moyenne d'une espèce, évaluée à environ 5 millions d'années ? Non, cette disparition n'a pas été linéaire et progressive ; elle n'a pas seulement résulté d'un mécanisme continu de l'évolution et de la sélection naturelle, selon lequel une espèce mieux adaptée viendrait en remplacer une autre : elle a essentiellement procédé par soubresauts.

Notre planète a connu cinq grandes extinctions des espèces, probablement causées par de grands cataclysmes sporadiques entraînant de violents bouleversements climatiques et physiques, et dont chacune a éliminé la plupart des espèces vivantes formant la biodiversité — cinq coups de pied dans la fourmilière de l'évolution... Les paléontologues les recensent ainsi au fil des 600 derniers millions d'années. La première extinction remonterait à l'ordovicien, il y a environ 440 millions d'années, quand la vie n'avait pas encore gagné la terre ferme. On pense que 60 % des espèces animales et végétales auraient alors disparu. La deuxième, au dévonien, voilà 367 millions d'années, aurait également touché 60 % des espèces. La troisième et la plus spectaculaire des extinctions, appelée « la grande mort », a eu lieu à la fin du permien (- 252 millions d'années) et aurait décimé plus de 90 % des espèces vivantes sur terre et dans les océans. Sur les 20 millions d'espèces alors existantes, seulement 2 millions d'entre elles auraient survécu.

Cette extinction massive se serait déroulée progressivement sur une période de 10 millions d'années, suivie d'une très forte accélération pendant 5 millions d'années. Il y a 280 millions d'années, à la fin du trias, lors de la quatrième extinction, 20 % des espèces auraient été décimées, la plupart des espèces marines et les derniers des grands amphibiens. La cinquième extinction, à la fin du crétacé (- 65 millions d'années), emporte les dinosaures et avec eux les deux tiers des espèces terrestres et presque tous les habitants des fonds marins, laissant ainsi le champ libre aux mammifères puis aux hommes – dont on a tendance à croire qu'ils sont les plus évolués, entre autres parce que parmi les derniers en date... Bien sûr, tous ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de précautions (ils résultent d'approximations statistiques d'observations géologiques qui demeurent incomplètes) et soulèvent de nombreux débats. Tout comme les causes de ces cinq grandes extinctions, qui demeurent de grandes énigmes de l'évolution. Plusieurs hypothèses ont été avancées : chutes de comètes ou pluie d'astéroïdes, éruptions volcaniques liées à ces chocs ou périodes de volcanisme intense, dérive des continents, montée ou baisse du niveau des mers, ou bien encore combinaisons de ces différents facteurs ?... Toutes ces explications suscitent toujours de vives polémiques au sein de la communauté scientifique.

Pour l'extinction de la fin du crétacé, l'idée généralement retenue est celle d'un impact cosmique soudain, et peut-être même multiple chute d'un gros astéroïde (un morceau de planète de vingt kilomètres de diamètre ?) dont les traces sont encore visibles dans la péninsule du Yucatan, au Mexique. L'énergie libérée lors de l'impact (cinq milliards de fois celle de la bombe d'Hiroshima) aurait fait augmenter localement la température de 10 000 ou 20 000 °C et entraîné des phénomènes de fusion des roches, de vaporisation, d'incendies et de secousses sismiques gigantesques, touchant un rayon de plusieurs milliers de kilomètres et provoquant une dévastation totale.

Ces phénomènes auraient été suivis d'une sorte d'hiver nucléaire : les nuages immenses de cendres, de soufre et de poussières créés par les incendies couvrent la planète, empêchent les rayons du soleil de passer et interrompent les processus de photosynthèse. Un froid glacial s'étend. Pour d'autres, cette extinction pourrait être expliquée par un réchauffement atmosphérique résultant d'éruptions volcaniques exceptionnelles couvrant une période de 500 000 ans : les remontées magmatiques émettent en effet des quantités considérables de gaz carbonique et sulfureux qui favorisent l'effet de serre, diminuent la présence d'oxygène dans l'atmosphère, entraînent des pluies acides et des changements climatiques dramatiques.

Mais un seul de ces cataclysmes peut-il être la cause unique d'une extinction de masse ? Comment en être certain ? Une certaine prudence est requise, et sans doute les causes ont-elles été diverses et conjuguées.

Les processus évolutifs se poursuivent par-delà les grands accidents que sont les périodes d'extinction. La vie a toujours repris ses droits, l'évolution continue. Il y a en permanence un mouvement simultané de simplification et de complexification.

En témoigne aussi ce que l'on observe aujourd'hui au coeur des gènes : en permanence, et avec lenteur, des gènes créent d'autres gènes – qui recopient des messages à partir desquels ils recréent des gènes. Ce mouvement n'a pas toujours le même rythme, il varie suivant le stress et peut conduire à la simplification ou à la détérioration du vivant. Le stress est une réaction à un changement plus ou moins brutal du milieu de vie. Son intensité modifie l'évolution en modifiant l'écosystème, et peut aboutir à une complexification ou, c'est souvent le cas, à une détérioration ou une extinction du vivant. Cela est visible quand on introduit un nouveau composé chimique dans une « soupe » de bactéries ayant épuisé ses ressources : la plupart meurent, et quelques-unes s'adaptent avec des gènes mutés ou amplifiés. Nous, nous vivons d'air oxygéné et ne savons pas nous nourrir de lumière, d'eau et de minéraux. Nous ne savons utiliser que la matière organique toute faite, que nous assimilons par le biais de végétaux ou d'animaux qui en sont constitués. Cette infirmité nous rend les plantes indispensables. Il n'y a pas d'autre qualificatif. Indispensables, car ce sont les seuls êtres capables de photosynthèse, réaction essentielle de la vie.

Les plantes, nous l'avons dit, puisent dans le rayonnement solaire l'énergie nécessaire à la construction de leurs tissus, à partir de l'eau absorbée par leurs racines et du gaz carbonique de l'air, dont elles fixent le carbone transporté par le vent et rejettent l'oxygène dans l'atmosphère. Sans plantes, il n'y aurait pas de vie sur la Terre. Sans elles pas d'air respirable, pas de nourriture, ni de céréales, de fruits, de légumes ou de viandes – car les animaux d'élevage se nourrissent de plantes. Même les carnassiers sauvages dépendent des herbivores, donc des végétaux c'est ainsi que toute chair provient d'abord de l'herbe ou de l'algue.

On estime que les végétaux de toute la planète produisent annuellement 80 milliards de tonnes de matière végétale consommée directement ou indirectement par la quasi-totalité des autres êtres vivants. Si les plantes venaient à disparaître, c'en serait fini de la vie. Ce péril, il est vrai, n'est sans doute pas pour demain. Nous risquons même de partir avant les plantes, qui vivraient sans nous, alors que nous ne pouvons vivre sans elles. Ainsi la place des plantes nous assigne la nôtre : nous, humains, ne sommes finalement que des parasites des plantes. Une telle évidence devrait nous inviter à la sagesse...

On comprend donc aisément que nos sociétés ne résisteraient pas à de grands bouleversements naturels. Plus elles sont organisées, plus elles sont complexifiées, plus elles sont fragiles. Et le progrès technique n'y peut rien changer. Au contraire, il a augmenté non seulement notre dépendance énergétique mais aussi notre dépendance au travail effectué par les machines, à la technologie qui sous-tend toutes les activités ordinaires. Nous avons, au fil des siècles, accru considérablement notre dépendance aux autres. Le progrès technique ligote donc autant et peut-être plus qu'il ne libère, et la société s'en trouve fragilisée alors qu'elle s'imagine plus protectrice et mieux protégée.

L'évolution et la spéciation des espèces forment un édifice extrêmement compliqué. Or nous sommes en train d'en ôter les briques les unes après les autres en ignorant les conséquences de ce démontage à l'aveuglette, qui brise un à un les liens unissant la chaîne des êtres vivants. A unmoment donné, la bâtisse ne peut que s'écrouler. Nous ignorons ce moment car nous ne sommes pas les architectes compétents. Mais nous avons créé les conditions de l'irréversibilité et nous sommes les seuls à pouvoir prendre la bonne décision. Nous sommes l'espèce qui a le plus d'impact sur la biosphère et celle aussi qui en a conscience. Néanmoins, nous sommes une des espèces les plus vulnérables. La vie sur terre offre une image d'abondance : elle prolifère, se joue des extinctions, se complexifie. Elle triomphe. Certes oui, mais tout cela sur une mince pellicule qui entoure notre planète dont le coeur est en feu. Quand on creuse à trente mètres de profondeur sous terre, il n'y a plus — ou quasiment plus — de vie. Et nos cieux n'ont que quelques kilomètres d'épaisseur. Notre biosphère est extrêmement mince comparée aux douze mille kilomètres de diamètre de la Terre. Nous vivons à la surface de celle-ci, où la vie donne l'illusion d'être partout. Alors qu'elle n'est qu'un point infime dans le vaste Univers.


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Mis en ligne 11:10 14/03/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com  paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com   mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com