Audition de M. Philippe de Ladoucette, Président de la commission de régulation de l’énergie

Lors de sa réunion du 12 mai 2010, la commission a entendu M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l’énergie.

M. le président Patrick Ollier. Nous avons aujourd’hui le plaisir d’accueillir M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie.


Monsieur le président, la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale entretient avec la CRE des contacts réguliers. Votre dernière audition, à la fin de l’année 2008, avait été l’occasion de débattre du contenu du « troisième paquet » européen sur le gaz et l’électricité et nous nous sommes revus lorsque, dix-huit mois plus tard, à l’issue des travaux de la commission Champsaur, le Gouvernement a déposé un projet de loi visant à instituer une nouvelle régulation du marché de l’électricité. Les échanges que nous avons eus alors nous conduisent à examiner aujourd’hui le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) et il était normal que notre Commission vous auditionne le premier pour recueillir votre avis sur ce texte.

Peut-être souhaiterez-vous en préalable revenir sur une actualité brûlante – je pense aux articles de presse parus hier qui mettent en cause deux vice-présidents de la CRE, notamment à propos des réseaux. Je précise à ce propos que nous venons, à la demande du groupe socialiste, de créer une mission d’information consacrée aux réseaux, et dont M. Jean Proriol est rapporteur.

Dans quelle mesure, tout d'abord, l'accès régulé à la base permettra-t-il d’accroître la concurrence et qu’y gagneront les consommateurs ? EDF ne risque-t-il pas de voir ses capacités financières diminuer, alors que les besoins d'investissement liés au renouvellement du parc nucléaire vont s'intensifier au cours des prochaines années ? J’ai moi-même négocié avec le ministre d’État, M. Jean-Louis Borloo et son équipe, en compagnie de certains membres ici présents de la majorité, comme MM. Poignant, Lenoir, Nicolas, Suguenot, Loos et Proriol, l’inscription dans le projet de loi de conditions acceptables pour la fixation du prix. Les besoins d'investissement dépassent cependant le cadre de la réhabilitation – c’est-à-dire de la prolongation – du parc nucléaire et concernent aussi les nouvelles centrales, qui ne sont pas prises en compte dans ce cadre.

Par ailleurs, le projet de loi est-il, selon vous, compatible avec le droit communautaire, notamment pour ce qui est de l'habilitation à transposer les directives électricité et gaz de 2009 et du rôle dévolu à la CRE ?

La définition de la base sur laquelle repose l'accès régulé à l’électricité de base vous paraît-elle adaptée ? Si oui, dans quelles conditions ? Enfin, quel vous semble devoir être le prix de l'accès régulé à la base ?

M. Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE). Je tiens tout d’abord à préciser que le rapport « confidentiel » ou « secret » de la CRE dont fait état l’article paru hier dans Le Parisien et auquel, monsieur le président, vous faisiez allusion, n’est ni un rapport secret, ni un rapport de la CRE. Il s'agit en réalité d'un rapport d'étape rédigé par les deux responsables du groupe de travail que nous avons mis en place à l'issue de l'élaboration du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE). L'un de ces deux responsables, vice-président de la CRE, voyant arriver l’expiration de son mandat à la fin du mois de mars, a souhaité écrire un rapport de sa plume, ce qui n’a rien de critiquable. Plus critiquable en revanche est le fait que ce rapport ait été diffusé à l'extérieur avant que la Commission de régulation de l'énergie ait pu l’examiner et l’expertiser au niveau des services.

Je le répète : ce rapport, qui n'a pas donné lieu à délibération du collège, n’est pas un rapport de la CRE, et je regrette profondément l’indélicatesse que constitue sa distribution indue. En outre, la personne responsable de sa publication ayant quitté la Commission depuis le 1er avril, au terme de son mandat, il n’est pas facile de discuter avec elle.

Voilà, en termes modérés, ce que j’ai à dire sur la forme.

Sur le fond, le fait qu’un groupe de travail ait été mis en place signifie bien que nous estimons que la qualité des réseaux est dégradée – ce qui est d’ailleurs universellement reconnu, y compris par ERDF. La CRE rendra donc d’ici à la fin de l’année un rapport sur cette question. Ce rapport, qui reprendra sans doute certains des constats dont la presse s’est fait l’écho, sera équilibré, et non pas à charge, et selon les habitudes de notre Commission, nous aurons pris soin d’entendre toutes les parties.

M. le président Patrick Ollier. Monsieur le président, je vous remercie de la précision de vos réponses. La mission d’information parlementaire que j’évoquais tout à l’heure, présidée par M. Jean Gaubert et dont M. Proriol sera le rapporteur, se mettra en place dès lundi prochain. Il lui reviendra d’entendre qui elle jugera bon – on peut penser qu’elle estimera que le président de la CRE est l’un des principaux intéressés. Compte tenu de l’actualité, il est souhaitable que la Commission des affaires économiques puisse, au terme du travail de la mission d’information, rédiger le plus rapidement possible un rapport sur le sujet.

M. Philippe de Ladoucette. Une dernière précision : j’ai adressé à M. Proglio, président d’EDF, une lettre en date du 22 mars – dont je vous remets volontiers copie –, lui indiquant que le rapport évoqué hier par la presse n’impliquait nullement la CRE. M. Proglio pourra ainsi vous confirmer qu’il ne s’agit nullement d’une dénégation de circonstance.

J’en viens maintenant au sujet principal qui nous intéresse aujourd’hui.

Le projet de loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité (NOME) – dont certaines dispositions concernent d’ailleurs aussi le gaz – présente pour le régulateur une importance particulière car il va à la fois modifier ses compétences, augmenter ses pouvoirs et, partant, accroître ses responsabilités.

Pour évoquer ces différentes évolutions, je ne suivrai pas l'ordre des articles du projet de loi, mais je débuterai par l'article 10 relatif à la transposition des directives 2009/72/CE et 2009/73/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 juillet 2009.

Il s'agit là de la transposition de ce que l'on a longtemps désigné sous le vocable de « troisième paquet » et qui consiste à renforcer l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport tant d’électricité que de gaz, ainsi qu’à harmoniser et à renforcer les pouvoirs des régulateurs de l'énergie dans l'ensemble des pays européens.

Parallèlement à la transposition dans le droit national, qui doit être effectuée avant mars 2011, une autre mesure d'ordre réglementaire s'applique directement : la création d'une agence de coordination des régulateurs européens (ACER), que j’ai eu l’occasion d’évoquer devant vous en 2008 et dont le nouveau directeur vient d'être nommé.

Il me paraît important de vous apporter ces informations, car le renforcement des pouvoirs des régulateurs pour contrôler l'indépendance effective des gestionnaires de réseaux de transport et superviser leurs plans d'investissement à trois ans et dix ans, s'inscrit dans le droit fil des missions de cette nouvelle agence.

Les responsabilités de celle-ci porteront sur les interconnexions entre les différents pays, sur l'élaboration de cadres directeurs pour les codes régissant les rapports des transporteurs d’électricité et de gaz, et sur l'intégration des marchés. Elle aura notamment la tâche nouvelle d'élaborer un plan européen à dix ans des investissements nécessaires dans les infrastructures de transport de gaz et d’électricité.

Quant au régulateur français, ses nouvelles compétences porteront sur la certification de l'indépendance des gestionnaires de réseaux de transport dans le cadre du modèle des opérateurs de transport indépendants (ITO), retenu par la France. Elles porteront également sur la possibilité, en cas de manquement à l'obligation nouvelle d'investissement des gestionnaires de réseaux de transport, d'inciter à la réalisation de ceux-ci. Elles porteront aussi sur la surveillance des marchés de détail de l'électricité et du gaz, qui viendra s'ajouter à celle des marchés de gros qu'il exerce depuis la loi n° 2006-1537 de décembre 2006 relative au secteur de l’énergie.

La préparation de ces directives a représenté une large part de notre activité au cours des quatre dernières années et leur mise en œuvre effective continuera de mobiliser une bonne partie des collaborateurs de la CRE. Cette remarque n'est pas anecdotique : elle vise à souligner que, dans la répartition des missions et de la charge de travail qui en résulte, l'arrivée de la loi sur la nouvelle organisation du marché de l'électricité représentera, certes, une responsabilité importante pour la CRE, mais elle ne constituera qu'une partie de son activité.

La nouvelle organisation du marché devrait permettre de développer la concurrence sur le marché de détail de l'électricité, au bénéfice du consommateur final. Les dispositions du projet de loi permettront à tous les consommateurs de bénéficier du parc nucléaire historique, particulièrement compétitif, par le biais des offres que seront en mesure de proposer les fournisseurs alternatifs.

Il est inutile de rappeler que le projet de loi a été conçu à la suite du rapport de la commission présidée par M. Paul Champsaur, à laquelle ont activement participé M. François Brottes et M. Jean-Claude Lenoir et qui faisait suite aux discussions intervenues entre le Gouvernement et la Commission européenne, laquelle avait lancé plusieurs procédures pour infraction concernant les tarifs réglementés.

Au-delà du contexte réglementaire européen, j’ajouterai un éclairage sur le contexte actuel du marché de l'électricité, près de trois ans après son ouverture complète.

À la fin mars 2010, 750 000 sites non résidentiels pour une consommation de l'ordre de 140 térawattheures sont en offre de marché ; plus de la moitié de cette consommation – 72 térawattheures – est vendue au tarif réglementé transitoire d'ajustement du marché (TaRTAM), dont 60 % environ par EDF, et donc 40 % par des fournisseurs alternatifs.

Sur le marché résidentiel, ce sont près de 1,5 million de sites qui sont passés à la concurrence, pour une consommation de l'ordre de 7 térawattheures. Chaque mois, près de 38 000 clients optent pour un fournisseur alternatif.

Par ailleurs, je voudrais rappeler les dernières décisions en matière tarifaire et l'avis de la CRE en date du 14 août 2009.

Les tarifs bleus, destinés à la clientèle domestique et aux petits professionnels, ont augmenté en moyenne de 1,9 % ; les tarifs jaunes, destinés aux clients de taille moyenne, de 4 %, et les tarifs verts, destinés aux grands clients, de 5 %. Ces hausses font suite à des hausses tarifaires de 2 %, 6 % et 8 % qui se sont respectivement appliquées aux tarifs bleus, jaunes et verts en 2008. On a donc observé, entre 2008 et 2010, une augmentation des tarifs réglementés de vente de 4,04 % pour les bleus, de 10,24 % pour les jaunes et de 13,4 % pour les verts.

Pour la première fois depuis qu'elle donne son avis sur les mouvements tarifaires, la CRE a estimé en août 2009 que l'ensemble des tarifs réglementés de vente bleus, verts et jaunes couvraient les coûts comptables historiques supportés par EDF – ce qui est tout simplement le reflet de la loi. Dans ces tarifs, le prix qui correspondrait à la valorisation de l'accès régulé à la base est de l'ordre de 31 euros par mégawattheure.

La nouvelle organisation du marché de l'électricité proposée dans le projet de loi NOME poursuit un triple objectif.

Il s’agit d’abord de permettre à la concurrence de s'exercer sur l'ensemble des segments de clientèle – particuliers et professionnels – dès l'entrée en vigueur de la loi.

Il s’agit ensuite d’assurer le financement du parc de production existant en permettant à EDF, dans un premier temps, de sécuriser ses engagements à long terme pour le démantèlement et la gestion des déchets, dans un deuxième temps – soit en 2020-2025 – de réaliser les investissements nécessaires à l'allongement de la durée d'exploitation des réacteurs de son parc nucléaire historique et, dans un troisième temps, de préparer le renouvellement de son outil de production.

Il s’agit, enfin, de préserver, pour l'ensemble des consommateurs, le bénéfice de l'investissement réalisé dans le développement du nucléaire par des prix reflétant la réalité industrielle du parc de production.

L'atteinte simultanée de ces trois objectifs dès l'entrée en vigueur de la nouvelle organisation du marché nous paraît nécessaire afin que la concurrence puisse s'exercer sur l'ensemble des segments de clientèle au bénéfice du consommateur final.

Or, cette réussite est très largement conditionnée, d’une part, par le niveau du prix de l'accès régulé à la base en 2011 et sa trajectoire d'évolution, d’autre part par les volumes d'énergie qui pourront être vendus à ce prix aux fournisseurs alternatifs et, enfin, par la construction d'un tarif réglementé de vente établi de telle sorte qu'il place tous les fournisseurs d'électricité dans des conditions économiques équivalentes.

Je ferai quelques remarques sur chacune de ces trois conditions, répondant ainsi, monsieur le président, à certaines de vos questions.

La question du prix de l'accès régulé à la base (ARB), tout d’abord, est déterminante, car ce prix doit refléter la compétitivité du parc nucléaire historique afin de ne pas générer de recettes indues et de ne pas pénaliser les industriels et les consommateurs, tout en étant compatible avec les enjeux auxquels EDF doit faire face en termes d'engagements de long terme, d'allongement de la durée de vie des centrales et, à échéance, de renouvellement de son parc.

Beaucoup de choses ont déjà été dites ou écrites sur le sujet. Pour ma part, je m'en tiendrai à ce qui figure dans le projet de loi lui-même ou dans son exposé des motifs. Il y est en effet précisé que « dans un premier temps, et afin d'assurer une bonne transition, le prix effectif de l'accès régulé à la base sera cohérent avec le prix facturé aux clients bénéficiant du TaRTAM ».

Je prendrai un exemple qui illustre bien la difficulté de la tâche. On peut représenter ce que paye un consommateur d'électricité par la somme de deux composantes : la première reflète ce que paierait ce client pour la totalité de sa consommation annuelle s'il consommait la même puissance à tout moment de l'année – c'est ce qu'on appelle le « ruban implicite » – ; la seconde reflète le surcoût lié au fait qu’en réalité ce client ne consomme naturellement pas toujours la même puissance à tout instant – par exemple la nuit et le jour, l'hiver et l'été ou la semaine et le week-end. Cette composante est le « facteur de forme ». Plus la consommation du client varie au cours du temps, plus ce facteur de forme est important.

Aujourd’hui, dans le cas du TaRTAM, le ruban implicite – correspondant à une consommation constante qui peut correspondre à celle des industriels – est facturé à un prix de 42 euros le mégawattheure. Ce chiffre ne représente que ce qui est dû au titre du coût de l'énergie, sans tenir compte de l’acheminement et de la commercialisation.

Dans la nouvelle tarification, prévue à l'article 4 du projet de loi, les tarifs réglementés de vente doivent être construits par empilement des coûts. Dans cette nouvelle construction, le prix d'un tel ruban constant tout au long de l'année correspond à l'addition de la part de l’accès régulé à la base, qui représente un certain pourcentage de la fourniture du ruban, par exemple 80 %, et d’un complément d'approvisionnement sur le marché de gros en base, qui représente les 20 % restants. Afin que la part de l’ARB soit cohérente avec le prix facturé aujourd'hui aux clients bénéficiant du TaRTAM, il faut donc que la somme du prix de l'ARB pour 80 % de l'approvisionnement en base et du prix de marché pour les 20 % restants soit égale à 42 euros le mégawattheure. Pour un prix de marché en base compris entre 55 et 60 euros le mégawattheure en 2011, un prix de l'ARB cohérent avec les 42 euros le mégawattheure du TaRTAM se situerait à environ 38 euros le mégawattheure. Cet exemple montre que certaines réductions journalistiques affirmant que le prix devrait être celui du TaRTAM ne correspondent pas exactement à la réalité, car elles ne tiennent pas compte du fait que l’ARB ne représente que 80 % du ruban.

Le second élément important renvoie aux volumes d’énergie, c’est-à-dire à la quantité d'énergie à laquelle ce prix s'appliquera, au volume d'accès régulé à la base attribué à chaque fournisseur, et à la forme de ce produit tout au long de l'année.

Le projet de loi prévoit que les volumes d'énergie qui seront attribués par la CRE à chaque fournisseur au titre de l'accès régulé à la base, qu'on peut également appeler « part ARB », seront calculés sur les prévisions d'évolution du portefeuille de clients de chaque fournisseur. La « part ARB » représente un certain pourcentage de la consommation d'électricité annuelle de ce portefeuille. Elle doit être évaluée de telle sorte qu'elle ne crée pas de distorsion de concurrence entre le fournisseur alternatif et EDF.

Imaginons en effet que soit attribuée au portefeuille d'un fournisseur alternatif une part ARB représentant 60 % de la consommation de son portefeuille. Si EDF utilise en réalité 70 % d'électricité de base à prix régulé pour fournir ce même portefeuille, il bénéficiera dès lors d'un avantage en termes de coût de fourniture, dans la mesure où le fournisseur alternatif devra faire appel au marché pour 10 % de plus qu'EDF, générant ainsi un surcoût. Inversement, si le fournisseur alternatif bénéficiait, au titre de ce même portefeuille, d'une part d’accès régulé à la base de 80 %, c'est EDF qui supporterait un surcoût.

Le développement d'une concurrence effective dépend donc de la « part ARB » qui sera attribuée à chaque fournisseur, en fonction des caractéristiques de son portefeuille. Le calcul de ce volume d'énergie doit être effectué de telle sorte qu'EDF et les fournisseurs alternatifs se trouvent dans des conditions de fourniture équivalentes pour un portefeuille de clients donné.

En conséquence, la Commission de régulation de l'énergie, soucieuse de l'équilibre global du dispositif, travaille à la mise en œuvre de règles d'attribution équilibrées, objet du décret d'application prévu à l'article 1er du projet de loi.

J’en viens à la construction d'un tarif réglementé de vente.

Le projet de loi NOME dispose que, dans un délai s'achevant au plus tard le 31 décembre 2015, les tarifs réglementés de vente doivent être établis en tenant compte de l'addition du prix d'accès régulé à l'électricité de base, du coût du complément à la fourniture d'électricité, qui inclut la garantie de capacité, des coût d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation, ainsi que d'une rémunération normale – j’ignore cependant ce qu’est une « rémunération normale » et il appartiendra sans doute au Conseil d’État de la définir.

Pour que la concurrence se développe de manière effective, sur l'ensemble des segments de clientèle, les tarifs réglementés de vente doivent intégrer le prix de l'ARB et la proportion du volume d'électricité de base vendue à ce prix, dès l'entrée en vigueur de la loi. Dans le cas contraire, les concurrents d'EDF ne seront pas dans des conditions économiques équivalant à celles d'EDF.

La cohérence entre le tarif réglementé de vente et le prix de l'ARB, indispensable au bon fonctionnement de la nouvelle organisation de marché et au développement de la concurrence, a une conséquence immédiate : plus le prix de l'ARB est élevé en début de dispositif, plus il s'éloigne de la valeur implicite de l'électricité de base des tarifs réglementés actuels – de l'ordre, je le rappelle, de 31 euros le mégawattheure. Le niveau auquel sera fixé l’ARB sera donc déterminant pour l'évolution des tarifs réglementés.

Dans sa lettre au Commissaire européen à la concurrence et au Commissaire européen à l'énergie, le Premier ministre a souhaité que ce soit le régulateur qui fixe le prix de l'accès régulé à la base.

Le VI de l’article 1er du projet de loi prévoit une période transitoire de trois ans pendant lesquels la CRE donnera un avis sur une proposition du ministre. Cette période, qui peut sembler utile compte tenu des enjeux délicats, conduira donc à une double expertise : celle de la CRE et celle qui permettra au ministre d'arrêter sa décision. Il est souhaitable que ces deux expertises convergent, ce qui ne devrait pas être impossible puisque les bases du calcul doivent être déterminées par un décret en Conseil d'État. Si c'est le cas, on peut s'interroger sur la nécessité de cette phase transitoire.

Si vous jugiez cependant qu’une telle phase est indispensable, il paraîtrait logique que l'autre phase transitoire, concernant les tarifs réglementés, fixée actuellement à une durée de cinq ans, soit ramenée à trois ans. Comme l’exprime en effet l'exposé des motifs du projet de loi, « la cohérence du dispositif suppose un même régulateur pour l'accès régulé à l'électricité de base, l'élaboration des tarifs réglementés de vente aux consommateurs finals ».

Permettez-moi maintenant de conclure par quelques mots sur la CRE elle-même. Celle-ci, qui a aujourd'hui dix ans d'existence, a connu plusieurs lois sur l'énergie et vu sa gouvernance modifiée déjà trois fois.

Le projet de loi NOME prévoit donc une quatrième modification – en dix ans – de la composition du collège. Je ne crois pas que l’on rencontre une telle instabilité dans aucun pays européen comparable au nôtre.

La dernière modification remonte à la loi n° 2006-1537 votée en décembre 2006 : le Parlement a souhaité ajouter deux commissaires aux sept existants, afin que les consommateurs soient représentés au sein du collège. Vous avez également décidé la création de postes de vice-président pour deux des membres nommés par les présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale, et ramené à trois le nombre de commissaires à plein temps. Le projet de loi prévoit, quant à lui, la nomination de cinq commissaires à plein temps.

Le collège de la CRE est donc composé de neuf commissaires, dont trois à temps complet. On y dénombre deux conseillers d'État, un ancien sénateur, deux ingénieurs généraux des mines, un ancien responsable syndical, un ancien président d'entreprise publique du secteur de l'énergie, un industriel représentant les grands consommateurs et un responsable d'association de consommateurs domestiques.

Vous avez également souhaité une CRE indépendante. La Commission a en permanence été attentive à cet impératif d'indépendance dans le strict respect de ses compétences, ce qui n'a jamais exclu ni l'écoute, ni le dialogue en amont de ses délibérations. Elle a également cherché à être aussi transparente que possible et à apporter le maximum d’explications, notamment à vous fournir des éléments permettant de comprendre certaines évolutions du marché de l’énergie ou certaines décisions prises dans ce domaine. Ce fut le cas, du moins je l'espère, lors du dernier mouvement sur les tarifs du gaz, avec le dossier que nous vous avons fait porter à l’issue même de notre délibération.

À cet égard, et puisque la question a déjà été évoquée, je tiens à vous informer que, comme nous l'avions annoncé, nous avons lancé l'audit de la formule permettant de fixer le tarif du gaz, afin de vérifier que cette formule reflète bien encore les coûts d'approvisionnement de GDF Suez. Si ce n'était pas le cas, nous en tirerions les conséquences avec cette entreprise.