Électricité: comment se forment les prix?

Jusqu'à présent, la quasi totalité de l'électricité était produite par Eléctricité de France EDF - à part quelques régies autonomes en raison de circonstances particulières et historiques. EDF a développé depuis la fin de la guerre en 1945, l'ensemble des moyens de production, de transport et distribution à tous les consommateurs. Ses services distribués dans toute la France par des Divisions et subdivisions construisaient les lignes, ouvraient les compteurs correspondant aux puissances souscrites et aux modes de facturation spécifiées; EDF facturait aux usagers clients les services délivrés cad. l'énergie électrique à la puissance souscrite permettant l'utilisation simultanée d'un nombre maximum d'appareils électriques de puissance égale à la puissance souscrite. Ces moyens permettaient de couvrir la totalité des coûts du système.

Il faut souligner que la croissance de la production d'électricité après la guerre était de 7% par an ce qui signifiait un doublement de la production tous les 10 ans. Cette situation a duré jusqu'au milieu des années 1980. La croissance a été obtenue dans un premier temps par la construction de grandes centrales thermiques, au charbon puis au pétrole - dans les houillères de bassins, puis Porcheville, leHavre, Cordemais etc il y en a aujourd'hui 17... et dans un deuxième temps par la construction de centrales nucléaires dont la première, Fessenheim sur le Rhin, fut couplée au réseau en 1977. Le parc nucléaire français avec 19 centrales se compose de 53 réacteurs nucléaireset cumule une capacité de 63GigaWatts.

Il faut souligner ensuite, que la France ne dispose pas sur son territoire de ressources de combustibles fossiles, pétrole et gaz, charbon lignite tourbe etc. La production de charbon en France fut au maximum de 20 millions de tonnes dans l'ensemble des bassins des Charbonnages de France, alors qu'elle était de 350 millions de tonnes en Allemagne de l'Ouest et 250 millions de tonnes en Grande Bretagne. En Allemagne de l'Est les énormes gisements de lignite de la basse Lusace (Lauzitiz) fournissaient l'essentiel de la production. On trouve du pétrole en faible quantité dans le bassin parisien (Melun) et en Alsace (Pechelbronn) et on a exploité dans les années 1960-1970 un gisement de gaz à Lacq dans le bassin sédimentaire de l'Acquitaine. Mais ces ressources étaient insuffisantes pour couvrir les besoins de développement de la France. On a donc eu recours aux importations de charbon et de pétrole puis de gaz. Et l'utilisation de l'atome pour la production électrique - en même temps que la France se dotait de l'arme nucléaire - est apparue logique dans la politique industrielle de l'époque. Les gaz et huiles de roches mères - en bassins sédimentaires marins et terrestres - pourraient intervenir de la même manière.

Seul, ou quasi seul, producteur, EDF gérait l'ensemble du parc des centrales de production et le système de transport-distribution, de manière à éassurer en permanence l'égalité entre la production et la consommation, la couverture des coûts de l'ensemble du système étant réalisée en vendant l'électricité au coût moyen de production.

Comment l'EDF parvient-elle à assurer cet équilibre permanent? C'est par la mise en service et l'arrêt instantané - on dit couplage au réseau - de centrales capables de produire instantanément de l'électricité aux caractéristiques requises de tension et de fréquence d'onde. Ces centrales sont en quelque sorte "l'arme au pied" prêtes à se coupler au réseau dès qu'on leur demande. Par exemple, une centrale hydraulique: il suffit d'ouvrir une vanne pour que l'eau d'une retenue ou d'une haute chute passe dans les turbines et fasse tourner les alternateurs. C'est aussi le cas de centrales à charbon, à fuel ou à gaz. Ces centrales coûtent cher précisément parce qu'elles sont en réserve et ne fonctionnent qu'un nombre limité d'heures dans l'année. Elles ont du personnel toute l'année, doivent assurer la maintenance pour que les équipements soient toujours opérationnels. EDF les appelle dans l'ordre de leur efficience et de leur coût. C'est la notion de courant de base et courant de pointe. Voir ce lien qui explique ceci plus en détail.

Vendre au coût moyen de production n'est pas possible si la production est assurée par des centrales appartenant à de nombreux producteurs différents, chacun participant à la production totale pour une faible part et devant réaliser l'équilibre comptable de ses comptes. Dans ce cas, il faut vendre au coût marginal de production, cad. le coût de la dernière centrale appelée pour satisfaire la production-consommation; et la plus chère, précisément parce qu'elle est la dernière appelée. Pour répondre à l'exigence de la libéralisation du marché de l'électricité en France et en Europe, des producteurs alternatifs sont apparus, mais certains sans production. Ils proposent à des clients industriels et domestiques de leur vendre l'électricité moins cher qu'EDF.

Au coût marginal, le prix du Mwh ressort à 55-60€/Mwh correspondant aux centrales thermiques allemandes (5.5-6.0cts€/Kwh) alors que le prix moyen de vente EDF est de 40€/Mwh ce qui reflète une part de nucléaire de 78% - 10% pour l'hydraulique et 12% pour le thermique. Le coût de l'électricité thermique reflète le coût du combustible. La concurrence n'est donc pas possible sauf si EDF vend la totalité de sa production à 55-60€/Mwh, soit une hausse de 50% par rapport au prix moyen de 40€/Mwh.

La commission européenne estime que la France subventionne l'industrie en vendant à 40€/Mwh. Elle menace la France de sanctions et demanderait aux industriels qui ont bénéficié de ce tarif de rembourser la différence! C'est pourquoi notre gouvernement a dû inventer la loi Nome! L'EDF vendra jusqu'à 25% de sa production aux producteurs alternatifs qui en feront la demande en produisant la justification des clients qu'ils ont en portefeuille avec leurs puissances souscrites et consommations estimées. Le dispositif commencera en juillet 2011 pour une durée de 15 ans, pendant laquelle les producteurs alternatifs devront investir et créer des moyens de production. On espère ainsi favoriser des énergies alternatives au nucléaire tout en donnant aux consommateurs - industriels et domestiques une énergie électrique compétitive. C'est pour ces raisons que les critiques de la loi Nome prévoient une hausse de l'électricité de 25-35% dans les 5 prochaines années.

Pour mieux comprendre comment fonctionne l'ouverture du marché aux producteurs alternatifs, voir le site de enercoop.fr, et notamment dans les questions posées, ces explications (lien). Il est dans ce site que le nucléaire est en surcapacité et qu'EDF incite les consommateurs à surconsommer! Je pense que c'est faux de dire cela. La relation production-consommation est une égalité rigide: il n'y a pas de production sans consommation ni de consommation sans production rigoureusement équilibrées à tout moment. Mais la consommation varie en permanence et la production doit suivre ces variations. Selon la technologie utilisée, certaines centrales peuvemises en route et couplées au réseau plus ou moins rapidement (centrales hydrauliques et thermiques); d'autres dites fatales sont couplées en permanence comme les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques mais ne produisent que de manière intermittente; enfin les centrales nucléaires sont beaucoup plus lentes à réagir. Le réseau de transport et de distribution doit donc optimiser l'ensemble du parc de moyens de production. On observe statistiquement la consommation tout au long de l'année et on définit un niveau dit de base qui correspond à une consommation-production constante.

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Mis en ligne le 11/05/2011