Libéralisation des marchés de l'énergie en France, entre théories et pratiques.

par Me Olivier Fréguet du cabinet d'avocats Allen & Overy

Bien qu'entamée depuis des années, la question de la libéralisation des marchés de l'énergie ne cesse de susciter des interrogations, notamment lorsque l'on aborde son impact sur les consommateurs et les barrières à l'entrée pour les fournisseurs. Entretien avec Me Olivier Fréget, Avocat Associé du cabinet Allen & Overy, qui nous livre son analyse de la situation.

Pouvez-vous nous présenter votre expertise dans le secteur Energie et ressources naturelles?

Allen & Overy offre, dans ce secteur, une plate-forme transversale composée d'une équipe pluridisciplinaire dédiée, de près de 35 avocats. L'équipe peut ainsi intervenir dans toutes les phases nécessaires au succès des projets de ses clients : procédures d'autorisation, construction (EPC) et maintenance (O&M), financement, fiscalité, aspects environnementaux (audits et risques environnementaux, installations classées, pollution, responsabilité environnementale), ainsi que sur les aspects contentieux, notamment devant la Commission de Régulation de l'Energie.

Ceci relève du Global Energy Group au sein d'Allen & Overy qui rassemble des spécialistes dans de nombreuses juridictions et permet ainsi de répondre avec efficacité et pragmatisme aux problématiques que posent les opérations multi-juridictionnelles.

Où en est la France aujourd'hui dans le processus de libéralisation des marchés de l'énergie?

Les lois de 2000 et 2003 ont organisé l'ouverture progressive à la concurrence du marché de la fourniture et mis en place les principes de régulation devant encadrer l'accès non discriminatoire aux réseaux publics d'électricité, aux ouvrages et installations de GNL notamment.

Le bilan de l'ouverture à la concurrence dans le secteur de l'énergie reste toutefois très mitigé : au 30 septembre 2010, 15% des foyers résidentiels ont déclaré avoir un autre fournisseur d'électricité qu'EDF (contre 10% en 2009) et 30% ont déclaré avoir un autre fournisseur de gaz naturel que Gaz de France (contre 23% en 2009). Le recul de Gaz
de France sur le marché du gaz naturel s'est cependant essentiellement effectué au profit d'EDF et inversement sur le marché de l'électricité pour les consommateurs mixtes1.

Le secteur de l'Electricité fait débat, notamment en raison de la Loi NOME. Quelles seront les conséquences directes de son application ?

La Loi NOME a notamment pour objet de mettre fin au blocage du marché français de l'énergie à la suite d'engagements pris par le gouvernement français en septembre 2009 vis-à-vis de la Commission Européenne pour que celle-ci clôture des procédures d'infraction à l'encontre des Tarifs Réglementés de vente et du TARTAM2. Cette absence d'espace économique, déjà identifiée en 2007 par le Conseil de la Concurrence, est liée à un double phénomène. En aval, la permanence des tarifs Réglementés de Vente (TRV) d'EDF à un niveau artificiellement bas contraint tout fournisseur alternatif d'électricité à offrir des tarifs inférieurs, s'il veut espérer convaincre quelques clients de quitter l'opérateur historique à son profit. D'un autre côté, les prix auxquels les fournisseurs alternatifs d'électricité peuvent s'approvisionner, en amont, en électricité de base (essentiellement nucléaire) sont tels qu'ils ne permettent pas aux alternatifs de concurrencer les TRV sans supporter de pertes.

Dans ce contexte, l'ARENH3 doit permettre aux fournisseurs alternatifs de bénéficier de tarifs d'approvisionnement auprès d'EDF leur laissant un espace économique suffisant pour égaler les TRV. Concrètement, l'application de la loi NOME est une condition de survie des fournisseurs alternatifs en France et du maintien des tarifs réglementés de vente auxquels les français seraient attachés.

1 Rapport de la Commission de Régulation de l'Energie du 17 novembre 2010
2 TARTAM : Tarif Réglementé Transitoire d'Ajustement de Marché
3 ARENH : Accès Régulé à l'Electricité Nucléaire Historique

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Mis en ligne le 10/05/2011