Projections démographiques : on se calme !

Guillaume Duval | Article Web - 27 octobre 2010

Les nouvelles projections démographiques de l'Insee à l'horizon 2060 mettent en évidence une chute rapide de la part des 20-64 ans dans la population totale. De quoi, semble-t-il, donner du grain à moudre aux promoteurs de la réforme des retraites. Pourtant, la situation est loin d'être aussi catastrophique qu'on le laisse entendre.

L'Insee a rendu publique le 26 octobre dernier de nouvelles projections démographiques à l'horizon 2060. Le fait que ce travail, base essentielle de la prospective en matières de retraites, ne soit prêt que maintenant, après que le projet de réforme ait été voté par le Sénat et l'Assemblée, en dit long sur la précipitation avec laquelle ce texte a été conçu… La publication tardive de ces projections n'en est pas moins utilisée par les défenseurs de la réforme pour souligner l'ampleur des problèmes démographiques auxquels nous sommes confrontés dans l'espoir de calmer la vindicte populaire à l'égard d'un projet qui comporte de nombreuses mesures injustes. Pourtant, les projections de l'Insee n'impliquent en réalité nullement les conséquences catastrophiques qui leur sont attribuées.

Niveau de l'immigration, évolution de la natalité, problème sanitaire majeur… les prévisions démographiques à 50 ans présentent toujours un degré d'incertitude élevé. Les chiffres de l'Insee confirment néanmoins des tendances lourdes connues et incontournables : jusqu'en 2035 la combinaison de l'arrivée à 65 ans des générations nombreuses du baby boom et de la poursuite probable de l'augmentation de l'espérance de vie devrait entraîner une chute rapide de la part des 20-64 ans dans la population totale. Chute qui devrait se poursuivre ensuite, mais à un rythme plus lent. Selon le scénario central de l'Insee, la part des 20-64 ans dans la population totale passerait ainsi de 58,7 % en 2007 à 52,6 % en 2035 et 51,2 % en 2060. Tandis que la part des plus de 65 ans monterait de 16,5 % en 2007 à 26,7 % en 2060.

Il ne fait de doute pour personne que ces évolutions démographiques probables vont soumettre les systèmes sociaux à de fortes tensions au cours des prochaines décennies. Pour autant, les prévisions de l'Insee ne signifient aucunement que nous sommes condamnés à choisir entre la peste d'une baisse importante du niveau des pensions de retraite et le choléra du travail jusqu'à 70 ans ou plus. Ce qui compte en effet pour le financement des systèmes sociaux, ce n'est pas tant la population d'âge actif que la part de cette population qui est employée et produit donc des richesses. Richesses dont on peut dès lors prélever une partie pour subvenir aux besoins de ceux, retraités mais aussi enfants et jeunes en études, qui n'en produisent pas encore ou plus.

Or le taux d'emploi des 20-64 ans n'était que de 69,1 % en 2007 en France. Du coup les 20-64 ans qui occupent un emploi ne représentaient que 40,6 % de la population totale. Mais ce taux d'emploi de 69,1 % seulement laisse encore une marge considérable avant d'approcher les 100 %… Si on est en mesure de l'augmenter de 3 % par décennie (ce qui porterait le taux d'emploi des 20-64 ans à 84 % en 2060, encore très loin des 100 %), la part des 20-64 ans qui occupent un emploi non seulement ne baisserait quasiment pas dans la population totale d'ici 2035 - elle passerait seulement de 40,6 % à 40,3 % - mais elle augmenterait au-delà. Et ce n'est pas la mer à boire : cela signifie en effet créer 100 000 emplois supplémentaires par an au cours des prochaines décennies. Or, durant la décennie 2000 (et malgré la crise de 2008-2009) l'économie française en a créé en moyenne 186 000 en plus par an, et même dans la décennie 1990, particulièrement catastrophique sur ce plan, on avait dénombré 101 000 emplois de plus chaque année.

Bref, les évolutions démographiques prévisibles vont en effet accroître fortement le poids des plus de 65 ans dans la population française et diminuer celui des personnes d'âge actif. Mais nous avons encore une proportion si importante de personnes de 20 à 64 ans sous employées que nous pouvons parfaitement contrebalancer cet effet et maintenir la part de ceux qui occupent un emploi dans la population totale.

Guillaume Duval | Article Web - 27 octobre 2010

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