Pascal Sevran dérape-t-il?; raciste?, eugéniste?.

Après que son succès reproductif ait assuré sa survie en tant qu'espèce
Homo Sapiens n'est-il pas maintenant, victime de ce succès?

à propos d'un article du figaro du 7/12/2006

Les propos de Pascal Sevran dans son livre "le privilège des jonquilles" sont les suivants: je cite (extrait de Var Matin 9/12/2006): "Dans Le Privilège des jonquilles, page 214, Pascal Sevran évoque la famine au Niger. Il écrit notamment : « Des enfants, on en ramasse à la pelle dans ce pays (est-ce un pays ou un cimetière?) où le taux de fécondité des femmes est le plus élevé du monde. Neuf enfants en moyenne par couple. Un carnage. Les coupables sont facilement identifiables, ils signent leurs crimes en copulant à tout va. La mort est au bout de leur bite. Ils peuvent continuer parce que ça les amuse. Personne n'osera leur reprocher cela qui est aussi un crime contre l'humanité : faire des enfants, le seul crime impuni. On enverra même de l'argent pour qu'ils puissent continuer à répandre, à semer la mort. » ".
NB: le chiffre de 9 enfants par femme est totalement inexact. 9 enfants/femmes est un maximum au Niger, la moyenne en 2003 était 2.45. Voir les taux de fécondité en 2002. Source ONU.

Ces propos ont provoqué un véritable tollé dans les médias. Je ne les ai pas lus dans leur contexte. Peut-être que dans leur contexte, le tollé médiatique est-il justifié. Mais hors de leur contexte, je ne vois pas matière à scandale, au contraire.

Je ne veux pas laisser passer l'occasion de cette actualité pour exprimer un point de vue que je développe depuis des années, après avoir parcouru le monde, notamment l'Afrique. Cela concerne Homo.sapiens dans son ensemble, et sa prodigieuse réussite reproductive. En fait il s'agit d'Homo.sapiens.sapiens que nous appelons "homme moderne", seule espèce d'Homo subsistant aujourd'hui sur la planète à près de 6.5 milliards d'exemplaires, en cette fin d'année 2006. Et on prévoit 10-123 milliards en 2050! Voir les prévisions de l'ONU révision 2004.

Notre appétit sexuel est le résultat de millions d'années d'évolution. Notre pensée aujourd'hui en la matière nous vient de ce génie qu'était Charles Darwin, puis de ses successeurs qui nous ont conduit à la biologie moléculaire, à l'ADN qui est le plan de construction de toute vie sur terre, y compris nous mêmes. Selon ces connaissances scientifiques, la sélection naturelle a doté progressivement chacun d'entre nous, au cours de millions de générations, d'un appétit sexuel énorme. C'est ce qui a permis notre survie et la multiplication de notre espèce. Comme chez tous les animaux, comme chez les mammifères et les primates dont nous sommes une branche évolutive, cet appétit sexuel s'exerce principalement chez le mâle qui recherche pour assouvir sa pulsion et avoir un plaisir extrême, une femelle avec qui copuler. Ce n'est pas simple, car il faut trouver une femelle qui en ait envie elle aussi et qui l'accepte.

C'est là qu'entre en jeu ce que Darwin a qualifié "la sélection sexuelle". Le mâle va sélectionner la femelle qui offre, à son goût, les meilleures caractéristiques sexuelles, - visage, forme des seins et des fesses, et aussi les caractéristiques intellectuelles comme le comportement, l'exercice de la parole, la voix, etc. toutes expressions de son cerveau, de son système nerveux et de sa culture acquise. Il en est de même de la femelle pour des caractéristiques sexuelles du mâle, caractéristiques qui peuvent être différentes. Mais ce n'est pas encore suffisant pour que la femelle autorise le mâle à copuler.

L'évolution a doté la femelle d'autres caractéristiques qui se combinent aussi, peut-être en ce qui concerne Homo.sapiens, à l'évolution culturelle, c'est à dire ce que la femelle connaît des conséquences de la copulation, par ouï-dire. La femelle d'Homo.sapiens sait que la copulation risque d'entraîner pour elle une grossesse, puis un enfant. La grossesse c'est pénible durant 9 mois, la naissance de l'enfant encore plus pénible, elle risque même d'y mourir; elle sait aussi qu'ensuite il faudra élever l'enfant, que cela durera 16-18 ans, que cela représentera du travail et des sacrifices. Alors la femelle ne se laissera pas engrosser comme cela seulement pour que le mâle assouvisse sa pulsion et s'en aille recommencer ailleurs. La femelle n'accepte de copuler que si le mâle s'engage à partager avec elle les investissements de la période de la grossesse et de la période d'élevage de l'enfant. C'est ainsi que les couples d'Homo.sapiens se forment.

Par ailleurs, pour des raisons que nous ignorons, et pour lesquelles nous ne pouvons que spéculer plus encore, la sexualité d'Homo.sapiens s'exerce en privé, pas en public comme chez les chimpanzés bonobo, et surtout la période de fécondité, c'est à dire le court intervalle du cycle mensuel de la femme pendant lequel elle est fécondable, nous est caché.

Cela dit, l'évolution culturelle s'est ajoutée à notre évolution génétique, en raison de notre cerveau et de la capacité du langage articulé dont l'évolution génétique nous a dotés. Depuis notre sortie d'Afrique il y a environ 100 000 ans, et les premiers signes archéologiques de notre "acculturation", soit il y a environ 35-45 000 ans, avec les restes d'outils fonctionnels, et surtout les premières peintures rupestres, l'humanité a évolué de manière un peu différente dans les diverses parties de la planète. Au début, nous avons divergé depuis l'Afrique sans doute à cause d'un réchauffement de la planète, puis des communautés séparées se sont développées, la plupart sans lien entre elles, sans doute à cause d'un nouveau cycle de refroidissement. C'est ainsi que les langues différentes se sont formées, mais aussi des cultures et des religions différentes et plus encore des couleurs de peau et des morphologies différentes. Le noir a la peau noir, un gros pénis en quasi érection permanente, le chinois a la peau jaune, les yeux bridés, et un petit pénis aussi bien au repos qu'en érection. Il en est de même de nous autres blancs dits caucasiens. Mais nous sommes tous inter féconds et l'histoire est là pour nous le prouver.

La religion s'est beaucoup emparée de la sexualité pour la canaliser, pas toujours à bon escient. Ainsi notre religion chrétienne a donné à la sexualité une connotation de "pêché". Le chrétien ne peut pas avoir du plaisir sexuel, fréquemment comme le veulent nos gènes, alors que le Christ est mort sur la croix pour nous et à cause de nous.

Pour assurer leur survie dans l'évolution, les espèces qui réussissent sont celles qui ont beaucoup de descendants. Ainsi le mâle d'Homo.sapiens distribue à chaque copulation, - et il peut en avoir une au moins par jour quand il est jeune -, des millions de spermatozoïdes qui sont des cellules reproductives, contenant un ensemble de 23 chromosomes constitué d'une combinaison de ses gènes. En revanche, la femelle ne produit qu'une seule cellule reproductive par mois, constituée elle aussi d'une combinaison de 23 chromosomes. Lors de la réunion de l'oeuf et du spermatozoïde, une cellule nouvelle constituée de 2 fois 23 chromosomes est formée, et la vie d'un nouvel individu Homo.sapiens, homme ou femme commence. Le processus de création de la vie ainsi commencé s'achèvera 9 mois plus tard lorsque la femme accouchera.

Notre prodigieux succès reproductif, lié à l'appétit sexuel du mâle, est la cause première de la croissance de la population de la planète. Cela se mesure par le taux d'accroissement naturel en %/an ou en millions d'individus supplémentaires par an, par le vieillissement de la population lié à la différence entre le nombre de décès et le nombre de naissances, et par le taux de fécondité des femmes c'est à dire le nombre d'enfants par femme. Théoriquement 2 enfants par femme assurent une stabilité de la population, puisqu'en moyenne il y a autant de femmes que d'hommes. En réalité, l'observation statistique montre qu'il faut un taux de fécondité supérieur à 2, (2.1), qu'on explique par une plus grande fragilité des hommes, évolutionnairement parlant et par leur propension aux comportements à risques - guerres, alcool, tabac, drogue.

Le taux de fécondité varie très largement dans le temps et dans l'espace géographique en fonction de conditions environnementales et culturelles. Aujourd'hui ce taux varie d'un minimum de 1.1 enfants/femme à 7.8 enfants par femme en Somalie. Théoriquement une femme peut avoir jusqu'à 30 enfants, ce qui résulte de sa période de fécondité (15-45 ans), de la durée des grossesses (9 mois), et du nombre de grossesses possibles par an. Sur ce dernier point, l'allaitement est un facteur limitatif, car durant toute la période d'allaitement la femme est plus difficilement fécondable. Ses cycles mensuels ne recommencent que plusieurs mois après une naissance. Encore une caractéristique due à l'évolution. En pratique, une femme peut avoir jusqu'à 15 enfants. C'est ce qui explique la forte fécondité dans certaines communautés, notamment en Afrique aujourd'hui (2006).

Nous avons connu autrefois en Europe et dans ses extensions du continent américain, une fécondité très élevée. Les couples avaient 6-8 enfants voire plus. Mais à cette époque, la population de la planète était inférieure à 1.5 milliards d'individus, et les progrès de la médecine n'étaient pas encore intervenus. Avec les progrès techniques et ceux de la médecine, la mortalité infantile a considérablement diminué, de même que la mortalité des femmes en couches et la mortalité des enfants dans les 10 premières années de la vie. Ceci par éradication des maladies infantiles et infectieuses. De plus, depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les pays dits développés qui avaient subi durant les 30 années précédentes les dévastations matérielles et humaines de deux guerres mondiales, ont connu une amélioration sans précédent dans toute l'histoire de l'humanité, de leurs conditions matérielles de vie. Cette évolution s'est accompagnée par un désir des femmes et des couples d'échapper à la loi naturelle de la sexualité procréatrice afin de profiter le plus possible des bienfaits de la prospérité. Tout cela a commencé avec le planning familial, pronant le contrôle des naissances par les moyens contraceptifs, l'usage des préservatifs masculins et féminins, voire l'avortement. Il en est résulté une libération de la femme, qui de plus en plus participe à la vie économique.

Ayant bien conscience des dangers de la surpopulation, en Inde, les autorités ont voulu encourager une politique de 2 enfants par couple, et celles de la Chine une politique de 1 enfant unique par couple. Ces politiques sont plus ou moins appliquées car elles touchent à la liberté individuelle et aux traditions culturelles. Mais elles commencent à produire des effets, comme l'indique une diminution de la fécondité moyenne par femme. Source ONU.

Tel n'est pas le cas dans tous les pays en développement, notamment en Afrique. Ici les traditions culturelles se conjuguent pour maintenir des taux de fécondité élevés. Il s'agit notamment dans les zones les plus à l'écart des villes de la tradition d'élever les enfants par les femmes; celles-ci se regroupent pour partager en commun les tâches de nourriture et d'éducation, tandis que les hommes quittent les villages, vont vers les villes et sont volages. Cette caractéristique sociale est une des causes de diffusion du sida, véritable fléau qui touche l'Afrique plus que tous les autres continents. Et le fait d'avoir de nombreux enfants en Afrique n'est pas économiquement pénalisant au contraire, puisque ceux-ci ont une réelle utilité économique et les femmes en groupe s'en occupent.

Pour conclure, le prodigieux succès reproductif d'Homo.sapiens, conjugué aux progrès techniques et médicaux permis par son cerveau et son évolution culturelle liés au langage, est la cause de sa survie et de la croissance de ses effectifs atteignant près de 6.5 milliards d'individus en fin 2006. Avec les taux de croissance actuels liés à la fécondité moyenne de la planète, la population mondiale atteindrait 13 milliards en 2050. Mais est ce possible? Personne ne peut le dire. Car d'une part, la croissance de population se fait principalement dans les pays les plus pauvres et qui s'appauvrissent toujours davantage en raison de la croissance de leur population - dans ce cas Malthus aurait donc eu raison. D'autre part, des signes inquiétants apparaissent partout sur le caractère non durable de notre expansion économique et sur l'imminence d'un réchauffement climatique, que celui-ci soit d'origine naturelle ou anthropique ou d'une conjugaison des deux. On peut donc craindre que si les populations les plus fécondes ne contrôlent pas leurs effectifs, la nature se chargera de le faire pour elles. Le sida, la famine dans divers pays d'Afrique comme le Niger, la Somalie, les guerres dévastatrices comme au Rwanda, au Sierra Léone, au Libéria, ou au Darfour, en sont peut-être les prémisses.

Si la surpopulation de la planète due à la fécondité élevée des peuples les plus pauvres est une menace, la dépopulation des pays industrialisés due à une fécondité trop faible - en dessous du taux de renouvellement - est une autre menace non moins grande. En effet, pour maintenir le niveau des connaissances scientifiques et techniques, et donc le niveau de vie des populations, il ne faut pas que la population chute de manière drastque. Que se passera-t-il en Chine si au lieu des 1.2 milliards d'aujourd'hui la population passe à 0.6 milliards en moins de 100 ans, et comment stabiliser c'est à dire revenir à 2 enfants par couple?. Nul le sait car il s'agit d'un terrain totalement inconnu. Avec un taux de fécondité de 1.38 en 2003, le Japon perd 100 000 personnes par an et le phénomène va s'accentuer. La fécondité était de 1.41 en 2000. Voir les taux de fécondité des pays du monde selon l'ONU n(2002).

La compassion d'Homo.sapiens pour ses congénères ne peut faire oublier notre propension à nous entre tuer, comme toute l'histoire le prouve, et sans doute que cela a-t-il commencé bien avant.

Approfondir/En savoir plus sur la démographie de la planète.

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Mis en ligne le 10 décembre 2006 par Pierre Ratcliffe Contact: (pratclif@gmail.com)    site web: http://pratclif.com