La théorie de la transition démographique

La théorie de la transition démographique exposée par Notestein distinguait quatre phases d'évolution de la population:

  1. la phase préindustrielle à natalité et mortalité élevées avec oscillations en plus ou en moins selon les heurs et malheurs de l'époque (guerres, famines, épidémies);
  2. une forte chute de la mortalité liée aux progrès médicaux et sanitaires ;
  3. quelques années ou décennies plus tard la fertilité des femmes baisse à son tour;
  4. enfin la phase finale nommée incipient decline (déclin commençant) mais dont l'aboutissement est marqué d'un point d'interrogation.

Voir la présentation powerpoint de la transition démographique de Notestein (anglais)

Une caractéristique majeure de cette phase finale est l'apparition des moyens de la contraception ce qui permet un changement profond des comportements envers la sexualité et la procréation. La contraception permet de détacher le plaisir sexuel universel chez homo sapiens, de sa finalité évolutionnelle qu'est la procréation. Plus encore, en cas d'échec de la contraception, la plupart des sociétés modernes permettent l'avortement et en donnent tous les moyens, y compris sa prise en charge par l'Etat Providence.

L'effet de la contraception est de réduire la fertilité des femmes car cela leur donne le choix d'avoir ou non des enfants en fonction de critères culturels au lieu de devoir subir les grossesses à répétition comme autrefois. Quels sont ces critères et comment varient-ils d'une société ou d'une région à l'autre.

Je crois qu'on peut distinguer 3 situations:

  1. les pays à niveau de développement économique élevé comme l'Europe occidentale, l'Amérique du Nord, le Japon, l'Australie/Nouvelle Zélande, auxquels on peut rattacher les pays dits émergeants sur le plan du développement économique, comme l'Asie, l'Amérique du Sud, le Moyen Orient. Je les qualifie de pays riches.

  2. les pays à niveau industriel développé mais où, pour des raisons idéologiques, on a donné priorité au collectif, comme les pays de l'ex-bloc soviétique, notamment aujourd'hui la Russie. Je les qualifie de pays post communistes.

  3. les pays les plus pauvres où le revenu moyen par habitant est de l'ordre de 1$/jour, dont les exemples les plus typiques sont en Afrique. Je les qualifie de pays pauvres.

Dans les pays riches, les couples hommes/femmes veulent bénéficier de tous les bienfaits de la société moderne en termes de biens et de services produits par l'économie. Ils veulent le logement, l'habillement, l'alimentation, la voiture, la télévision, les DVD, les vacances et tous les services de l'Etat providence.... Ils contribuent à la production de tous ces biens et services par leur travail, hommes et femmes travaillant le plus souvent tous les deux. La venu d'un enfant représente donc pour un couple un investissement et un coût important en termes de renoncement à certains aspects de la vie moderne, la nécessité de cesser le travail pour la femme, puis de trouver une possibilité de garde. Comme dans toute situation évolutionnaire au sens Darwinien, le couple pèse les "pour" et les "contre" et finalement décide du nombre d'enfants en fonction de considérations économiques et sociales multiples. Typiquement, on arrive ainsi en Italie à 1.3 enfants par femme, et en Espagne à 1.2 enfants par femme. C'est à dire que l'enfant unique est la règle. Pour préserver un niveau de fertilité qui assure le renouvellement des générations, l'Etat Providence peut atténuer les difficultés des couples et faire en sorte que les "pour" l'emportent sur les "contre" au moyen d'aides financières (allocations familiales en France) et par des moyens sociaux comme des crêches.

Dans les pays post communistes, notamment en Russie ex-URSS, les hommes et les femmes ont, en plus, été découragés de faire des enfants à cause de conditions économiques très défavorables: pénurie ou absence de produits de consommation courante et d'équipements durable, habitat collectif exigu et dégradé, dégradation sévère de l'environnement... tout ceci s'ajoutant au fait que la Russie est un pays froid à la latitude moyenne de 60°nord. Il en résulte que la fertilité est tombée à 1.1 enfants par femme.

On peut dire que dans ces deux situations, pays riches et pays post-communistes, le fait d'avoir un ou plusieurs enfants est plus ou moins pénalisant compte tenu de la situation économique et sociale. Dans certains de ces pays, il est probable que les deux causes, positive et négative eu égard au développement économique et social, provoquent la réduction de la fertilité des femmes. Le revenu moyen par habitant est un des paramètres qu'on peut retenir. On peut ajouter le degré d'urbanisation et la nobbre d'habitants par km2.

Dans les pays pauvres où degré d'urbanisation et la densité par habitant sont faibles, de même que le revenu par habitant, l'investissement et le coût d'avoir des enfants est beaucoup moins pénalisant. On a très peu à perdre d'avoir des enfants. En effet, les gens vivent dans les villages, et ont très peu accès aux biens et services des sociétés riches... L'entraide dans le village entre les femmes permet de subvenir aux besoins de plusieurs enfants sans affectr beaucoup leur mode de vie. Dans cette culture et mode de vie traditionnels, les hommes sont peu engagés dans les charges que représentent les enfants et les femmes en supportent plus qu'une part égale. Dès que l'enfant le peut, il partage son temps entre l'école du village et les champs, participant aux travaux et aux corvées. La fertilité des femmes est donc beaucoup plus élevée, plus proche de la fertilité totale possible de 10-15 enfants par femme. Avec l'introduction de la contraception, avec les efforts d'éducation des femmes conduites par les ONG, avec la lente pénétration des produits manufacturés, textiles, voitures, pompes, frigidaires,etc...., les hommes et les femmes commencent à trouver que le coût d'avoir des enfants augmente... et qu'ils ont un peu à perdre s'ils en ont beaucoup.... la fertilité a donc tendance à diminuer.

Ces trois situations se reflètent dans les statistiques de l'ONU, lesquelle montrent une baisse de la fertilité des femmes partout dans le monde.

Les réservoirs d'immigration pour les pays riches qui vont manquer de population pour faire fonctionner leurs économies sont en premier lieu les pays pauvres, en second lieu les pays post-communistes. Les mouvements de population ont exxisté depuis qu'homo sapiens est appru il y a plus de 100000 ans. C'est même ainsi que la planète s'est peuplée et que les communautés (regroupant les variétés à peau noire, jaune, et blanche) se sont développées. Il y a de nos jours des régions où, par suite de conditions d'environnement favorables à la propagation d'homo sapiens, et des conditions culturelles qui s'y sont développées à partir notamment du langage, une situation de bien-être et de très grande richesse se sont établies. Dans d'autres régions ces conditions favorables n'ont pas existé. Il en résulte les grandes disparités qu'on observe aujourd'hui.

Autant l'on pouvait être inquiets de la progression géomètrique de la population mondiale, autant on peut être inquiets de la possibilité d'une régression voire d'un effondrement de population dans certaines parties du monde, notamment les pays riches car c'est là que se situe la quasi totalité du savoir scientifique et technologique. Etant donné qu'un nombre croissant de pays connaissent une fertilité des femmes inférieure à 2.1 (en fait c'est près de la moitié de la population de la planète), on peut craindre un tel effondrement. En tous cas on ne voit pas de raison pour qu'un état stationnaire s'instaure où la population mondiale atteindrait un état stable. Rien ne garantit donc la convergence vers un état d'équilibre, dont ne sait d'ailleurs quel serait le niveau.

En revanche, il pourrait y avoir oscillation entre des périodes de croissance et de décroissance selon l'évolution culturelle et aussi du climat, de l'environnement, de pandémies existantes (sida) ou à venir. Losque Notestein a exprimé la théorie de la transition démographique, continuant les idées de Malthus, les données sur la fertilité des femmes étaient moins bien connus et de toutes façons supérieures au taux de renouvellement des générations (2.1 enfants par femme), ce qui précisément provoquait l'inquiétude. Or on observe aujourd'hui une tendance générale à la baisse de la fertilité dans le monde, non seulement dans les pays développés et riches, mais dans les pays en voie de développement et dans les pays les plus pauvres. Dans les pays développés et riches, ainsi que dans les pays de l'ex-bloc communiste, les taux de fertilité sont bien inférieurs à 2.1, voire proches de 1. Typiquement, on atteint des valeurs de 1.1 en Russie, 1.2 en Italie et en Espagne, 1.3 en Allemagne... Si ces taux correspondent à une évolution culturelle et s'ils se poursuivent pendant plusieurs générations, cela laisse craindre une baisse sensible de population voire un effondrement sauf à compenser par une immigration nette.

Que l'on doive être préoccupés de la baisse de croissance de la population mondiale n'est pas certain; voici des années que nous sommes préoccupés du contraire. Une hausse géomètrique de la population mondiale ne peut conduire à long terme qu'à des problèmes graves de disponibilté des ressources et de dégradation de l'environnement de la planète, donc des conditions de vie de l'homme et même du vivant. La sélection naturelle, selon Darwin, reprendrait alors le dessus, alors que l'homme par son intelligence et son cerveau a réussi en développant sa culture à s'affranchir des lois naturelles de l'évolution.

Par notre langage et notre culture tout au long de notre évolution, nous avons crée une société globale et de nombreuses sociétés régionales, dont certaines ont atteint un niveau de bien être particulièrement élevé, mesuré par le développement économique, les systèmes de protection sociale. Les systèmes institutionnels, économiques et sociaux de telles sociétés ont été développés et fonctionnent pour un niveau de population et il est difficile d'imaginer une baisse importante de la population, sans conséquences graves pour le fonctionnement de ces systèmes. Si la fertilité restait durablement et sensiblement inférieure au taux de renouvellement pour des raisons culturelles, dans certaines régions, il faudra nécessairement développer des systèmes d'aide aux couples, et faire plus grand appel à l'immigration. Par ailleurs les progrès de la médecine permettent la procréation assistée pour les femmes infécondes pour raisons biologiques ou maladies, et l'on assiste aussi au développement de naissances de plus en plus tardives chez les femmes.

Les services démographiques de l'ONU sont obligés de revoir périodiquement à la baisse leurs prévisions : ils prévoyaient ainsi en 1991 une population mondiale de 8.6 milliards pour l'an 2025, prévision abaissée à 7.8 milliards en 2001. Voilà qui en dit long sur le coup de frein démographique en cours.

Created on ... décembre 03, 2003