Les constructions de mosquées cristallisent les peurs en Allemagne

LE MONDE | 06.08.07 | BERLIN CORRESPONDANCE

Les opposants à la future grande mosquée de Cologne tiennent bon. Jeudi 9 août, ils s'invitent à une réunion du conseil municipal consacrée au projet qui agite la capitale rhénane où vit l'une des plus grandes communautés turques d'Allemagne. "Montrons aux dirigeants de notre ville ce que nous pensons de leur prestigieux projet de multiculturalisme ! Mettons un terme à cette folie !" proclame Pro-Köln (Pour Cologne), le parti d'extrême droite qui compte cinq élus à la municipalité. Il a reçu le soutien du parti d'extrême droite autrichien FPÖ pour mener campagne.

Cologne, mais aussi Munich et Berlin : depuis des mois, trois projets de mosquée cristallisent les peurs, voire les haines, d'une bonne partie des riverains. Leurs collectifs affirment défendre les valeurs occidentales. Selon Citoyens pour Munich, "les conceptions musulmanes de soumission de la femme, de mariage forcé, de crime d'honneur ainsi que les règles en matière d'abattage et de nourriture sont contraires à la Constitution". Plus prosaïquement, de nombreux habitants craignent de voir leur quartier perdre sa valeur immobilière, redoutent le bruit, le trafic... Ou s'inquiètent, comme à Berlin-Pankow, d'une "islamisation" du Vieux Continent.

La mosquée de Cologne-Ehrenfeld, qui va devenir l'une des plus grandes d'Allemagne avec 2 000 places, divise la ville qui compte 120 000 musulmans, mais qui est plus connue pour sa cathédrale gothique. Défendu par le maire conservateur Fritz Schramma au motif que le nouveau lieu de culte permettra de sortir l'islam des arrière-cours où il voit le vrai repère de l'islamisme, le plan initial a été rejeté par une consultation populaire sans valeur légale.

L'architecte s'est engagé à présenter un nouveau plan où la taille des minarets ne dépassera pas les 50 mètres, contre 55 prévus initialement. La commanditaire, la Ditib (Union turque islamique pour la religion), plus importante organisation musulmane d'Allemagne, contrôlée par l'Etat turc, se dit prête à des concessions.

DIALOGUE DES CULTURES

Les critiques viennent aussi des musulmans laïcs, qui accusent les autorités d'avoir trop longtemps fermé les yeux sur les dérives de l'islam au nom d'une politique de multiculturalisme à tous crins qui s'est imposée comme une évidence à l'Allemagne d'après-guerre. La sociologue Necla Kelek, auteur d'un récit remarqué sur les crimes d'honneurs, La Fiancée importée, voit le nouvel édifice plutôt d'un mauvais oeil. "Les musulmans se mettent à traiter différemment leur femme quand ils commencent à fréquenter assidûment la mosquée. Ils apprennent aux petites filles de six ans à porter le voile", souligne-t-elle.

Mais dans le quartier d'Ehrenfeld, où il habite depuis des années, un homme croit que le projet peut contribuer au dialogue des cultures : Günter Wallraff, l'auteur de Tête de Turc, une enquête sur les immigrés venus travailler en Allemagne dans les années 1980. "Dans toute mon oeuvre, dans toute ma vie même, je me suis battu pour une meilleure intégration des immigrés", affirme-t-il. Aujourd'hui, il veut "prendre au mot" les musulmans d'Allemagne quand ils affirment être modernes. Ainsi il propose, "pour lancer un débat", de lire à l'automne dans des locaux de l'actuelle mosquée des extraits des Versets sataniques, de Salman Rushdie, qu'il a hébergé à plusieurs reprises après qu'une fatwa a été lancée contre lui. "Ce n'est pas un sacrilège", se défend-il. "Cela pourrait marquer le début d'un islam européen." (Intérim.)


Mon commentaire:

Dans les pays occidentaux de l'Europe, nous avons mis un siècle à nous affranchir de l'absolutisme et du dogmatisme religieux qui a causé tant de malheur dans nos sociétés. Citons seulement la Saint Barthélémy et les guerres de religion, l'inquisition, les guettos juifs à travers toute l'Europe, l'interdiction de l'avortement, l'ostracisme des homosexuels... De l'évolution vers la tolérance, il en résulté les systèmes politiques, économiques et sociaux que nous connaissons aujourd'hui partout en Europe et ses extensions à travers le monde. La religion est ainsi reléguée à la sphère privée. En France nous parlons de laïcité, ailleurs de sécularisme.

Ce que nous craignons dans le développement de l'Islam en Europe, c'est le retour de l'absolutisme et du dogmatisme car l'Islam n'accepte pas la laïcité, la séparation de la religion de l'État et sa relégation dans la sphère privée. Voir pourquoi je ne suis pas musulman d'Ibn Warraq et les autres articles sur l'Islam du cadre de gauche.


Mis en ligne le 08/08/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://pierreratcliffe.blogspot.com et http://paysdefayence.blogspot.com