Après l'hystérectomie de mon épouse,
Docteur Bertrand Pauletto, comment vous remercier?

Plutôt que de prononcer des paroles improvisées qui risqueraient d'être maladroites, je préfère, après réflexion, vous écrire les sentiments qui nous animent.

Dans les circonstances humaines exceptionnelles que mon épouse et moi vivons en cette année 2007, 72 ans après être venus au monde, je rends hommage à vous et à votre équipe du bloc opératoire, d'avoir permis de prolonger notre bonheur de vivre à deux. La séparation viendra inéluctablement, mais vous l'avez repoussée pour quelque temps.

Avec vos pairs, vous êtes dépositaire d'une longue évolution culturelle qu'en occident nous aimons retracer jusqu'à Hippocrate de Cos. Au cours de très nombreuses années d'études et de pratique, vous avez acquis tout le savoir médical accumulé par l'homme depuis des générations et tout particulièrement les connaissances et les techniques modernes développées depuis ces 50 dernières années et vous contribuez à la progression de ces connaissances. Grâce à cela, vous et l'équipe opératoire que vous pilotez, permettez à ceux d'entre nous, lorsque nous sommes atteints par la maladie, de retarder l'échéance de la mort individuelle.

Après des millions d'années d'évolution qui ont abouti à notre espèce Homo.sapiens.sapiens, notre cerveau fait de nous une espèce unique dans le monde du vivant. Par notre cerveau nous avons entre autres caractéristiques uniques, la capacité du langage articulé dont résulte la possibilité d'accumuler et de transmettre savoirs et savoir-faire de génération en génération. Mais le cerveau nous donne aussi l'aptitude à réflechir sur nous mêmes et à partager ces réflexions avec nos semblables. La certitude de la mort fait partie de cette réflexion à laquelle toutes les philosophies et les religions tentent de répondre, de même que la science et la théorie de l'évolution, aujourd'hui confortée par l'anthropologie et les origines d'Homo.sapiens, la génétique et la biologie moléculaire - et toutes ces connaissances continuent de progresser. Mais quelles que soient la philosophie et la religion, quelle que soit l'explication scientifique aussi documentée soit-elle, notre cerveau est construit de telle sorte que nous ne pouvons pas accepter l'idée de mourir.

Nous avons vécu des circonstances exceptionnelles. Vous et votre équipe du bloc opératoire, le personnel soignant de l'étage, et tout le système complexe que constitue la clinique, nous ont permis de supporter cette épreuve, comme vous le faîtes pour tous les malades qui se confient à vos soins.

Nous tenterons toujours - vous êtes les experts en la matière - de repousser aussi loin dans le temps qu'il est techniquement et biologiquement possible, la fin individuelle que chacun de nous pressent dans son cerveau. Mais le défi pour les années à venir est d'y parvenir, sans que les mutations génétiques, dont la probabilité de survenance s'accroît avec la durée de vie et le vieillissement, constituent des maux encore plus terribles que ceux que nous avons connus naguère lorsque l'espérance de vie à la naissance était beaucoup plus faible. Le défi est, en quelque sorte, de permettre à chacun de nous de "mourir en bonne santé".

Grasse, ce 05/08/2007
Pierre et Elisabeth Ratcliffe


Mis en ligne le 02/08/2007 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://pierreratcliffe.blogspot.com et http://paysdefayence.blogspot.com