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Juin 2010: la France déprime

La France déprime, l'Europe déprime... La crise financière de 2007-2010 continue de produire ses effets. En ce mois de juin 2010, il faut réduire le déficit public... Enfin! car ce n'est pas nouveau, cela fait trente ans, donc depuis 1980, que la France a un déficit public structurel de l'ordre de 3% de son PIB (50 milliards d'€ de 2010) ce qui entraîne un accroissement continuel de sa dette (voir évolution 1974 (équilibre) - 2004). On nous disait encore en 2004 (Jean Paul Fitoussi OFCE): ce n'est rien, la France peut s'endetter; sa signature est exceptionnelle, sa notation triple A; et 65% de dette c'est très faible comparé à l'Italie ou au Japon.

En 2010, la situation économique cad. le déficit public, s'est aggravée avec la crise financière de 2007-2008 venue des États-Unis, qui s'est étendue à l'Europe en 2009 et continue de faire des dégâts en 2010. Tous les pays d'Europe, dont les déficits se sont accrus avec le traitement de la crise et le sauvetage des banques adoptent des mesures de restriction des dépenses publiques afin de maintenir leur notation triple A par les agences de notation et ainsi ne pas augmenter les taux d'intérêts demandés par les marchés.

La déprime de l'opinion en France s'est manifestée par la debacle de l'équipe de France au mondial du football. Elle continue avec l'affaire Woerth-Bettancourt, la réforme des retraites, les frasques et la démission de certains ministres, la fin du bling-bling de Sarkozy et le début de ce que certains observateurs - l'Express, le Monde, voire le Figaro, commencent à qualifier d'échec du quinquennat. Les cris "halte au feu" de Michel Rocard et de Simone Weil n'y changeront rien. Notre société immergée au sein de l'Europe et du Monde est devenue si complexe que nos politiques semblent incapables de maîtriser son évolution et de répondre à ce que les citoyens attendent de la gestion de l'État. Comme l'histoire le montre, c'est une situation à laquelle nos générations d'aujourd'hui sont confrontées et qui changera avec le déroulement du temps. Dans 30-50 ans que sera le monde? Chine, Inde, Brésil et autres grands pays émergents seront les premiers, face à une Europe qui aura perdu une part de son influence, et des États-Unis... Questions bien-sûr sans réponses.

Assurément le monde en 2010 semble être devenu si complexe qu'on s'en prend à penser avec nostalgie au monde précédent. Un monde où les gens vivaient dans de petites communautés plus ou moins autarciques n'ayant les unes avec les autres que les relations nécessaires pour permettre cette autarcie. Je relis "Mémoire de mon enfance" de Gabriel Berge de Saint Véran. Ou la vie des brigasques dans la haute vallée de la Roya. Adolescent après la 2è guerre mondiale à Calais, je me rappelle que les habitants des villages autour de la ville vivaient une vie frugale et convivial et que les paysans venaient vendre leurs produits au marché de la place Crèvecoeur tous les jours. Idem à Valenciennes dans les années 1960 et 1970. C'était l'époque d'avfant la mondialisation.

Depuis le début des années 1980, tout a changé. D'abord parce que, durant les 30 glorieuses, la prospérité était venue pour tous ou presque... les voitures, les équipements électro-ménagers, puis la TV, les magnétophones, puis les magnétoscopes et autres gadgets dont nous avons tous été si friands. Mais progressivement la fabrication de tous ces équipements a cessé en France (sauf les voitures et encore!). D'abord au Japon puis maintenant en Chine. Aujourd'hui tous ces équipements, auxquels se sont ajoutés les ordinateurs, les caméscopes, les appareils de photos digitaux, les téléphones portables, et plus encore les vêtements, les chaussures et les innombrables gadgets de la vie quotidienne ... une grande partie de tout cela est désormais fabriqué en Chine! La France se déindustrialise, les services remplacent les industries et les cols blancs moins payés remplacent les cols bleus et les OS. Nous donnons aux Chinois les spécifications de ce que nous voulons, les machines et les moyens de s'organiser pour produire et eux produisent pour nous à faibles coûts de production. Les Chinois engrangent ainsi des excédents commerciaux faramineux. Les chinois investissent une partie chez eux, mais ils épargnent plus qu'ils n'investissent car ils n'ont pas assez de projets d'investissement; la protection sociale et les systèmes de retraite sont encore balbutiants. Il en est de même pour d'autres pays du Sud-Est asiatique dont l'Inde, ainsi que d'autres pays émergents et en voie de développement. Ajoutons à cela, les pays producteurs de pétrole et de matières premières indispensables à la croissance mondiale et au mode de vie occidental... et le fait que toutes les transactions se font en dollars, cela fait des milliards de milliards de dollars d'excédents commerciaux. D'après le FMI, il y avait en l'an 2000 36000 milliards de dollars d'épargne à la recherche de placements sûrs et lucratifs; en 2007 lors du déclenchement de la crise des subprimes aux États-Unis c'étaient 70000 milliards de dollars. Le PIB mondial en 2009 est estimé de 70000 milliards de dollars.

Ces excédents faramineux se plaçaient sur les bons du trésor américains et finançaient ainsi le déficit américain cad. la consommation des ménages et des entreprises, la guerre en Irak, et la politique extérieure des États-Unis. L'excès d'épargne a été dénoncée par Ben Bernanke en 2005. La banque centrale des États-Unis sous Alan Greenspan a joué au yoyo avec les taux d'intérêt pour tenter d'ajuster l'épargne qui se plaçait aux États-Unis et la situation économique; passant du jour au lendemain de 4.5% à 1.5% sur les bons du trésor. Du coup, les épargnes ont cherché d'autres emplois plus juteux mais en exigeant le même degré de sécurité. C'est le marché immobilier qui en a fourni la possibilité et qui a conduit à tous les excès. L'industrie financière des États-Unis s'est organisée pour cela. MBS, titrisation, CDO, CDS, et autres produits dérivés. Des milliers de courtiers ont ainsi vendu des crédits immobiliers à des "pauvres" en empochant des commissions. On a même vendu des prêts à des morts. Et des courtiers - ex barmen - réalisaient des revenus de plus de 1 million de dollars par an. La suite est connue.

Mais le fond du problème c'est que la mondialisation telle qu'elle s'est développée n'est pas soutenable. Chaque pays doit tendre à assurer l'équilibre durable de ses dépenses et de ses recettes; produire ce qu'il consomme en important matières premières et composants qui lui manquent mais en exportant une part de ce qu'il produit pour payer ses importations. La balance globale des paiements est forcément équilibrée, ce sont les déséquilibres locaux qui posent problème quand ils sont très importants. Les déséquilibres observés dans la mondialisation actuelle, dominée par les États-Unis et la Chine au point qu'on parle maintenant d'un G2, en plus du G7 - devenu G8 avec la Russie - étendu maintenant à G20, devraient être corrigés par la dévaluation du dollar et l'appréciation du yuan. Mais depuis des années États-Unis et Chine se sont entendus pour ne pas le laisser faire. Il s'agit d'une véritable collusion. Les États-Unis se satisfont de bénéficier du placement des excédents chinois, et les chinois de la possibilité d'y placer leurs excédents pour continuer de faire fonctionner leur économie basée sur les exportations. Et cette collusion s'est faite au détriment du reste du monde. La crise a mis ce modèle à mal. Plus important encore, la crise et ses conséquences aux États-Unis et en Europe commencent à impacter la Chine (Voir cet article de China Daily). Ses experts parlent de la fin de la croissance forte en Chine, de la nécessité de booster la consommation interne, et d'un ralentissement des exportations car les États-Unis et l'Europe ne peuvent plus continuer d'importer autant que par le passé.

Et les conséquences en Europe et en France, ce sont les mesures d'austérité et de rigueur. Et plus encore, nous n'en sommes qu'au début. Car ce qui nous attend après 2012 sera pire disent Partick Arthus et Olivier Pastré. C'est à une véritable remise en cause de notre système de production consommation, des services publics et de protection sociale que nous serions confrontés si on ne trouve pasles moyens d'éviter l'étouffement de l'Europe par la dette. Mais Patrick Artus propose remède de "cheval" de type mai 1968 en France: 20% de hausse de salaires pour tous en Europe, laisser l'€ se dévaluer de 20% pour compenser... et comment se partageront ces 20% entre épargne, consommation, investissement, importations, exportations... tous ces éléments sont évoqués dans les nombreux graphiques de l'étude de Patrick Artus du 1 juillet 2010.

Selon Patrick Artus, Elie Cohen et d'autres économistes, la crise est une crise économique globale et systémique que la finance a exacerbée. Elle est le résultat de l'interdépendance des économies dues à la globalisation. La tentation de certains États est de revenir au protectionisme. Mais le protectionisme après la crise de 1929 a conduit à la 2è guerre mondiale. La ou les sortie(s) de crise ne viendront que d'une coopération accrue entre les États.


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Mis en ligne le 06/07/2010 par Pierre Ratcliffe.