Social-libéralisme; encore des critiques!

Je reviens sur ce sujet et le terme de "social-libéralisme"; on dit aussi "libéralisme" ou "ultra-libéralisme"; maintenant on voudrait fustiger le social-libéralisme... Tout cela me paraît relever de l'exception française de refus de l'économie réelle, celle qui produit les innombrables biens et services pour le bien-être de la population. Cela tient sans doute à ce que le quart des emplois donc près de la moitié de la population française dépend directement ou indirectement de l'État. J'ai connu l'époque d'avant les "trente glorieuses", où l'on n'avait pas de machine à laver le linge, pas de frigidaire, pas de chauffage central, pas d'électricité autre que pour l'éclairage, pas de voitures, pas de routes comme aujourd'hui, pas de trains à grande vitesse, pas d'avions... Je connais aussi les pays les plus pauvres, où il n'y a toujours rien de tout cela. Les français ne se rendent pas assez compte que tout ce que avons aujourd'hui c'est parce qu'il y a de multiples entreprises qui fabriquent tout cela et qui distribuent cette production à ceux qui la fabriquent.

J'ai regretté précédemment que l'entreprise semblait souvent n'avoir pour choix que d'agir sur son personnel - en niveau de salaires et en nombre - pour s'adapter au changement d'environnement économique et social. C'est sans doute parce que les médias ne nous montrent que cela - des restructurations, des baisses d'effectifs, des réductions ou cessations d'activités etc., événements qui font l'actualité. Mais les média ne nous parlent que beaucoup plus rarement d'adaptations réussies parce que celles-ci ne sont pas portées à la connaissance du public et ne font pas l'actualité. Or de telles adaptations sont plus nombreuses que les défaillances d'entreprises, autrement nous serions déjà dans la situation de l'Argentine, c'est à dire de retard économique très important par rapport à nos partenaires Européens ou dans l'OCDE.

Une entreprise a besoin de personnel, ouvriers, agents de maîtrise, ingénieurs et cadres pour fonctionner de manière "routinière" c'est à dire au jour le jour, avec sa structure, ses procédés de fabrication, dans l'environnement social et économique du moment. Mais l'entreprise a besoin aussi d'un chef dont la fonction essentielle est de voir loin, de prévoir l'avenir, et en fonction de cette vision, de prendre les décisions nécessaires pour assurer la pérennité de l'entreprise, communauté d'hommes et de femmes au service de la collectivité plus large de l'ensemble du pays. Cette vision de l'avenir implique d'abord de saisir les tendances d'évolution. Cela passe d'abord par la connaissance des résultats financiers, donc de la comptabilité de la firme; c'est là que se manifestent les déséquilibres, le plus souvent dûs à une montée des difficultés de vendre la production, de prendre des commandes. Il s'agit ensuite de comprendre la cause de ces difficultés en connaissant le fonctionnement de l'entreprise à tous les niveaux.

Le chef d'entreprise doit alors, au jour le jour, faire des transformations au sein du système complexe de la firme. Il s'agira tour à tour, d'investissements dans des procédés de production, dans les équipements informatiques, dans la formation du personnel, dans le marketing et la commercialisation, dans l'organisation des services, dans le recrutement de compétences supplémentaires, dans la suppression de certains postes devus inutiles, etc. etc. Tout ceci doit se faire en permanence et par petites retouches. C'est ainsi que l'entreprise suit l'évolution de l'environnement social et économique dans lequel elle est immergée.

Une entreprise sans véritable chef, ou d'un chef n'ayant pas de vision d'avenir sur l'évolution de l'environnement de la firme, ou d'un chef faisant de mauvais choix dans les changements, va prendre progressivement du retard. Les ventes deviendront de plus en plus difficiles chaque année et se traduiront par des résultats financiers de plus en plus faibles. Puis les pertes commenceront et s'accumuleront progressivement jusqu'au jour où le capital social sera entamé. C'est alors que l'entreprise sera contrainte par force (la loi) de se restructurer. Et cela passe alors et d'abord par des réductions d'effectifs. A moins d'un changement complet avec adoption de la méthode décrite ci-dessus, l'entreprise est alors sur la voie de la disparition, restructuration après restructuration. La survie de l'entreprise et un nouveau départ passent le plus souvent par la désignation d'un nouveau chef. Soit qu'il est recruté par le ou les propriétaires, soit que l'entreprise est rachetée ou reprise dans le cadre des procédures des chambres de commerce. Dans tous les cas, s'il n'y a pas de changements profonds, les mêmes causes produiront les mêmes effets, jusqu'à la disparition complète de l'entreprise.

Le recrutement de chefs d'entreprise de talent est une affaire de spécialistes (cabinets spécialisés dans le recrutement de chefs d'entreprises) et elle implique nécessairement la rémunération la plus élevée de l'entreprise.

C'est ici que je veux relever la remarque de "hugovictor@wanadoo.fr" dans le forum.

"..... Pour s'en convaincre, regardons les chômeurs, les Rmistes, les travailleurs précaires.. Vivent ils dans le même monde qu'un cadre à 5000€ mensuel ? Celui-ci vit il dans le même monde que le patron à 50000€ mensuels? ce dernier vit il dans le même monde que la JetSet? Ont ils tous les mêmes droits ou plutôt sont ils égaux de la même manière devant le droit? Nous voyons bien ici la schisophrénie de notre monde, une schisophrénie créée par les puissants, par le capital, par le social libéralisme....."

Dans toutes les sociétés humaines, depuis que nous avons cessé il y a 10000 ans d'être chasseurs cueilleurs - quand le partage égal entre tous des résultats était la règle - les surplus de production permis par l'agriculture et son intensification, puis par le progrès scientifique technique et industriel au point où nous en sommes arrivés aujourd'hui dans nos pays développés, passe par une spécialisation des compétences pour atteindre l'efficacité maximum. Les grandes catégories de rémunération mensuelle citées, <=1000€, 1000-5000€, 5000-50000€ et >50000€ me paraissent pertinentes. Mais il faudrait aussi dire à quelles qualifications et à quels pourcentages de la population totale ils correspondent. Il est clair que les >50000€ sont une infime minorité qui doivent leur niveau de rémunération à un talent prisé de la majorité des "consommateurs" de produits et services offerts à la société. Les 5000-50000€ comprennent ces chefs d'entreprises visionnaires dont j'ai parlé, sans la compétence desquels nos entreprises seraient vouées à la faillite. Les 1000-5000€ comprennent tous ceux, ouvriers, agents de maîtrise ingénieurs et cadres, qui font marcher les entreprises et produisent tous les biens et services que nous consommons aujourd'hui. Les <=1000€ sont effectivement les laissés pour compte qui résultent du fait que les entreprises ont assez de tous les autres pour produire ce que la société leur demande. Pour améliorer leur sort, il n'y a pas d'autre solution que de faire en sorte qu'ils intégrent le système de production pour produire leur part et que la production augmente pour tous les autres, y compris ceux-là. Cela implique nécessairement de réduire la part prélevée par l'État.

Approfondir/En savoir plus.


Mis en ligne le 21/12/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)