Sources de connaissances

Rigueur austérité signifient
vraiment décroissance

"Il faudrait une montée soudaine et terrible des périls, la venue d'une catastrophe pour constituer l'électrochoc nécessaire aux prises de conscience et aux prises de décisions" Edgar Morin.

En ce mois de juin 2010, tous les grands pays "développés" sont dans un processus de baisse des déficits publiques pour maîtriser la croissance de leur dette souveraine afin que les marchés continuent de leur prêter à des taux les plus avantageux possibles et garder leur notation triple A des agences de notation. Pour y parvenir, les gouvernements annoncent la baisse nécessaire des dépenses publiques, le gel des salaires des fonctionnaires, des coupes drastiques dans les budgets de l'État à travers les différents ministères, des coupes dans les budgets sociaux, des réformes dans les systèmes de retraites...

Des plans de rigueur sont en train d'être mis en place dans tous les grands pays. Ils annoncent ainsi à leurs populations, des baisses de dépenses et des augmentations de la pression fiscale; et ils promettent une juste répartition des efforts entre toutes les couches de la population. La France, pressée par la commission européenne a annoncé son plan de rigueur. Mais elle base celui-ci sur des prévisions très optimistes de croissance du PIB soit 2.5% que même Christine Lagarde juge "ambitieux" autant dire irréalistes. La commission européenne demande donc à la France de revoir sa copie; du coup le gouvernement va annoncer un tour de vis supplémentaire. On essaie de retarder au plus tard possible (après 2012?) l'annonce d'impôts supplémentaires.

Austérité et rigueur, par la baisse des dépenses publiques, le gel des salaires des fonctionnaires, la stagnation voire la baisse du pouvoir d'achat des ménages par des impôts supplémentaires notamment au niveau local (+10% à Callian en 2010), ne peut que nuire à la croissance économique et à l'emploi. Réduire les déficits et en même temps relancer la croissance pour réduire le chômage, alors que toutes les économies sont dans un creux et relève de la quadrature du cercle. Cela paraît même faire tout à contre sens! Mais ce sont les marchés et les agences de notation qu'il faut rassurer!

Les grands pays de l'Europe sont en déflation voire en récession. Le risque est que les plans d'austérité aggraveront la crise et augmentent le chômage.

Pour qu'un plan d'austérité destiné à réduire le déficit publique et endiguer la croissance de la dette souveraine réussisse, il faut que des conditions favorables par ailleurs compensent cela. C'est du bon sens! Quelles sont ces conditions essentielles?

  • Que le pays puisse exporter davantage grâce à sa productivité réelle ou obtenue par la baisse de valeur de sa monnaie;
  • Que la politique monétaire rende la consommation intérieure plus vigoureuse, en investissements des entreprises et des ménages;
  • Que la consommation des ménages reste vigoureuse pour maintenir la croissance.

Ces conditions ne sont pas réunies pour la France et l'Europe. Si tous les pays font en même temps des plans d'austérité et de rigueur, exporter davantage va être difficile; sauf à accroître considérablement les exportations de l'Europe vers les pays émergents. La dévaluation des monnaies des différents pays de la zone Euro n'est pas possible. La BCE pratique déjà des taux directeurs très bas de sorte qu'il n'y a rien à attendre d'un désserrement du crédit pour une incitation aux investissements et la consommation.

La situation actuelle résulte de la crise de 2007-2008 provoquée par la crise de l'immobilier aux États-Unis, une crise liée au surendettement des ménages américains en particulier et du surendettement des États-Unis en général. On se croyait en dehors de cela en Europe. En réalité nous y sommes comme les États-Unis. Depuis 6 décennies, notre société n'a cessé d'augmenter sa consommation matérielle en pompant les ressources naturelles de la planète. Longtemps nos pays ont développé leurs économies par l'investissement et l'épargne internes. Les 30 glorieuses après la 2è guerre mondiale ont permis de reconstruire l'Europe dévastée par 5 ans de guerre, puis de rattraper les "retards" en s'alignant sur le modèle de consommation des américains.

Depuis 1980, la fin de l'URSS et l'affrontement Est-Ouest, l'économie de marché c'est à dire un modèle production/consommation massif, largement dépendant du pétrole qui est l'énergie la plus efficiente et bon marché, s'est répandu dans le monde entier. Les pays les plus adeptes du modèle marxiste léniniste qu'étaient la Russie et ses satellites, l'Inde et la Chine, sont passés à l'économie de marché. En même temps on a libéralisé tous les échanges aussi bien les matières premières, les produits agricoles et manufacturés, et surtout les capitaux et produits financiers. Par ce processus d'extension planétaire du modèle capitaliste néolibéral, d'énormes surplus monétaires sont apparus pour les uns, tandis que d'énormes besoins financiers sont apparus pour les autres. Les surplus monétaires sont dans les pays producteurs du pétrole pays à faible population avec des économies sans commune mesure avec les surplus monétaires générés par la production de pétrole, et principalement la Chine avec une économie très performante produisant tous les produits et gadgets dont les pays riches se gavent, avec une population de 1.4 milliards d'habitants dont une grande partie vit encore comme avant la révolution culturelle et donc avec des salaires très faibles; la compétitivité de la Chine est donc énorme et sa politique monétaire - une monnaie sous-évaluée - ne permet pas de la corriger.

De tout ceci, il est évident que nous consommons trop et qu'il faut réduire cette consommation matérielle. Que les plans d'austérité risquent d'aggraver la crise en Europe et en France, de réduire la croissance du PIB et donc aggravent le chômage est bien compris de la plupart des économistes et du gouvernement. Nous n'avons pas le choix nous dit-on! Mais le fond du problème, c'est que cela remet enfin en cause le modèle de croissance de tout, partout pour tous et indéfiniment. Personne n'ose parler "décroissance" c'est un vilain mot. Mais c'est bien de cela qu'il s'agit.

Mis à jour le 17/02/2011