Les matins de France Culture 26/05/2008
Raphaël Hadas-Lebel et Jean-Christophe Le Duigou
sur les retraites

Le débat sur les retraites de ce matin de France culture 26/05/2008 nous a bien expliqué les enjeux et les difficultés de mettre à jour les décisions et orientations prises en 2003 avec les conseils du COR. Mais à force de débats techniques, comptables et économiques, on finit par passer à côté du fond du problème: c'est que l'économie en 2008 n'est plus capable de supporter un système de retraites aussi généreux.

Au plan "comptable", les 3 paramètres sur lesquels on peut jouer sont indiscutables:

  1. niveau des cotisations
  2. niveau des pensions servies
  3. durée des cotisations cad. âge de départ et durée de service des retraites

Comme l'a dit Raphaël Hadas-Lebel, en 2003 on a fait le choix de n'agir que sur la durée des cotisations; c'est un choix de société.

Mais les systèmes de retraite, et ces 3 variables d'ajustement comptable, s'inscrivent dans l'économie et doivent être cohérents avec elle. Or, les jeunes commencent à travailler de plus en plus tard car ils sont au chômage dès le départ; et les séniors finissent de travailler de plus en plus tôt car ils sont mis au chômage à la fin. Et entre temps, les salariés subissent des périodes de chômage qui réduisent les cotisations qu'ils versent au système.

Ces conditions affectent une partie des français qui subissent ainsi les effets de l'évolution de l'économie et de la société. Mais le résultat c'est que le niveau des pensions servies baisse sans qu'on l'ait choisi expressément, car le niveau des cotisations est en baisse. En pratique donc, les 3 variables d'ajustement sont affectées, alors qu'on a choisi de jouer que sur l'une d'entre elles.

Essayons de comprendre au delà des aspects spécifiques des retraites et des aspects techniques.

Les systèmes de retraite, sont un sous ensemble de l'économie nationale; l'économie nationale est un sous ensemble de l'économie globale; et celle-ci est un sous ensemble de l'écosystème planétaire, lequel est limité.

La globalisation de l'économie devient une réalité incontournable; l'économie au sens étroit "national" où chaque pays est maître de sa création de richesse par ajout de valeur, en conjuguant travail, capital et savoir faire, se heurte à la globalisation de l'économie et celle-ci se heurte aux limites de l'écosystème de la planète. Et en France, nous sommes désormais dans un sous ensemble intermédiaire, l'Europe. La globalisation de l'économie commence à imposer le partage des ressources naturelles auxquelles s'applique le processus de création de valeur ajoutée, tel qu'envisagé par l'économie "classique". Et les limites de la planète sont atteintes comme le montrent les signes du réchauffement climatique, les effets de la fonte des glaces, de la déforestation, de l'érosion des sols, de l'eau, de la surexploitation des océans, de la pollution et des déchets dangereux pour l'homme et la vie, etc... et la persistance de l'extrême pauvreté dans certaines parties du monde, par manque de ressources naturelles permettant d'exercer l'activité économique "classique".

Nos sociétés développées et riches, se caractérisent par une surconsommation de tout. Cette surconsommation peut se mesurer par un paramètre unique, la consommation d'énergie sous toutes ses formes, mais dont l'énergie fossile est la principale. Le changement climatique qui nous menace résulte de l'énorme progression de la production/consommation d'énergie fossile - pétrole, gaz et charbon et de l'émission de gaz à effet de serre. Je renvoie à cet article de Jean Marc Jancovici en 2001 qui fait remarquablement le point sur le sujet: "Energie et choix de société par Jean Marc Jancovici."

La globalisation avec le partage des ressources c'est à dire une meilleure distribution des richesses produites, le changement climatique et la nécessité de baisser les émissions de gaz à effet de serre, imposent pour les pays les plus riches de baisser leur consommation d'énergie. Même si la baisse nécessaire pour la France est moins draconnienne à cause de l'électricité d'origine nucléaire, nous devrions baisser notre consommation globale d'énergie de 3-5% par an au cours des 25 prochaines années. Cela implique une baisse de consommation de tous les produits et services que l'économie "classique" nous propose à grand renforts de publicité.

Cette nécessaire décroissance de la consommation commence à se manifester de manière diverse dans différents segments et aspects de la vie de la nation. Croissance durablement plus faible, chômage sélectif affectant les jeunes et les séniors, rejet par les entreprises des salariés les moins qualifiés, système de santé en déséquilibre financier, idem pour les systèmes de retraites, difficultés d'assurer le financement des services publics sans déficit budgétaire... Il se développe ainsi, face à l'évolution de notre système qui n'est qu'un sous ensemble du système européen et planétaire, une société de français qui sont "dedans" et une société de français qui sont "dehors". Ceux qui sont "dedans" restent accrochés au système économique ancien, tandis que ceux qui sont "dehors", jouent les variables d'ajustement.

Nous n'éviterons donc pas, de gré ou de force, une remise à plat de tout notre système, à commencer par la prise de conscience collective qu'il faut baisser notre consommation d'énergie cad. tous les produits et services qui contiennent de l'énergie. Et ce n'est pas la baisse d'intensité d'énergie contenue dans une unité de production qui changera cette nécessité, car c'est la quantité totale d'énergie qu'il nous faut baisser.

Concrètement; où sont les économies d'énergie à faire? (Jean Marc Jancovici)


Mis en ligne le 26/05/2008 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://paysdefayence.blogspot.com et http://pratclif.com