Remise en cause du système de production/consommation

La crise 2007-2009 remettra-t-elle en cause le système de production et de consommation qui s'est développé dans les pays riches et mondialement - au sein des couches de population les plus favorisées des pays émergeants - au cours des 3 dernières décennies? Ce système se compose de nombreux éléments interdépendants: progrès techniques, production et consommation, investissements, emploi, occupation de l'espace - villes et campagnes - transports et services publics.

Nous sommes devenus totalement dépendants d'un système dynamisé par le progrès technique, des produits de plus en plus sophistiqués et à courte durée de vie et de moins en moins indispensables; nous sommes dépendants des rapports étroits entre producteurs et consommateurs que nous sommes tour à tour et à parts égales. Ce système est poussé par le marketing, l'incitation à consommer et la frustration de ne pas posséder les derniers produits offerts. Le système est entretenu par l'offre multiple de crédits faciles à obtenir pour l'acquisition du logement, de la voiture, des équipements ménagers, et de tout ce que nous produisons et consommons à outranc, y compris les loisirs et les vacances dans des pays exotiques et lointains. Ce système excite nos désirs à l'infini et nous ne voyons pas comment nous pourrions vivre sans cela.

Les médias qui sont le support de la publicité et du marketing des producteurs, nous appellent à consommer toujours plus et nous incitent en permanence à considérer ce système comme normal. Et dans la situation de crise sévère de ces années 2007-2009, on nous fait espérer un dénouement rapide de la crise présentée comme cyclique comme les précédentes, cad. qu'après un temps de stagnation ou de décroissance économique, la croissance reprendra comme avant, forte et indéfiniment.

Nous sommes dans un dilemme ou un piège, car nous serions condamnés à la croissance économique sinon chaos social. La commission européenne prévoit -4% d'évolution du PIB en Europe en 2009 et 12% de chômage.

Pour comprendre le dilemme dans lequel nous sommes piégés, il faut revenir à la finalité de l'activité humaine et du travail. L'homme est une espèce animale dotée d'un cerveau très développé qui lui confère l'intelligence. Il exerce son intelligence en permanence, de la naissance à la mort, à comprendre le monde dans lequel il est inclus, à faire sans cesse des projets et à vouloir les réaliser. Mais les besoins essentiels à son existence ne lui tombent pas du ciel! il faut qu'il produise les moyens de les satisfaire: nourriture, logement, vêtement, mobilité, sont les besoins fondamentaux. Aujourd'hui, rares sont les hommes qui peuvent assurer la satisfaction de ces besoins de manière autonome; ce sont les populations restées primitives comme les nomades du désert qui nous en montrent encore l'exemple aujourd'hui. Ils ne possèdent et ne transportent avec eux d'un campement à un autre, que l'indispensable. Le superflu est exclu car ils ne peuvent pas le transporter. Ils vivent donc de l'essentiel, sans superflu, et dans la plénitude disent-ils quand on les interroge sur leur mode de vie!

Comment vivait-on autrefois - il n'y a pas si longtemps - à la ville comme à la campagne? Les besoins de consommation étaient plus faibles; la production de biens et de services était limitée à l'essentiel selon les critères de l'époque. Les inégalités de revenus étaient sensiblement les mêmes qu'aujourd'hui, il y avait des pauvres, des moins pauvres, des classes moyennes, des riches et des très riches. Dans les campagnes, les paysans produisaient ce qu'il fallait pour faire vivre la population avec la nourriture de base; viande, lait, beurre, fromage, céréales, fruits et légumes au gré des saisons... et les pêcheurs attrapaient les poissons que l'on trouvait sur les étals des marchés. Toute la production du pays était partagée, comme aujourd'hui, par la distribution des revenus du travail de chacun contribuant à la production de tous ces biens et services. Il est vrai que tout cela était de courte durée car entrecoupé de deux guerres mondiales dévastatrices.

Les formidables progrès techniques de l'après 2è guerre mondiale ont apporté le pétrole et la voiture pour tous, l'électricité dans tous les foyers, bref l'énergie abondante et facile d'emploi dont tout découle, cad. la multitude de produits et services d'aujourd'hui. Après trois décennies de développement permis par cette énergie surabondante, les habitants des pays les plus riches de la planète - Amérique du Nord, Europe, Japon - où ce système a été mis en place et les classes moyennes des pays émergeants qui accèdent progressivement à ce système depuis l'effondrement de l'URSS - plusieurs centaines de millions en Chine et en Inde - représentent près de 20% de l’humanité.

20% d'habitants les plus riches de la planète constituent la "société de production et de consommation" basée sur le pétrole, la voiture individuelle, l’accumulation d’objets matériels remplacés au fil d’une évolution technique rapide et qui s'accélère, dans un processus de "tout jetable". 20% d'habitants les plus riches consomment 80% des ressources de la planète qu'ils transforment en déchets de plus en plus nombreux dont on ne sait pas quoi faire. La production de déchets dépasse désormais les possibilités de recyclage par la nature et les déchets s'accumulent. Des déchets dangereux sont exportés vers les pays pauvres. 100 000 produits chimiques sont en vente, 1 000 nouvelles substances sont mises sur le marché chaque année sans que l'impact sur l'environnement soit évalué. Les producteurs et consommateurs des pays riches prélèvent des ressources en dehors de leurs territoires comme du temps de la colonisation: minerais, bois, sols, poissons, combustibles fossiles, compétences et matière grise.

Ce système de production/consommation permis par le développement technique récent a fourni quantité de biens et de services qui ont assurément amélioré la qualité de vie d'une partie des habitants de la planète. Mais ses excès apparaissent de plus en plus sérieux et menaçants. D'une part le manque de biens fondamentaux de l'existence continue d'affecter une part importante de l'humanité qui reste dans une situation de pauvreté extrême. D'autre part, dans les pays riches les cycles de croissance, ralentissement voire décroissance de l'économie qui sont un processus d'ajustement et de régulation, sont de plus en plus difficiles à accepter car les gens sont devenus totalement dépendants du système de production/consommation. Toute variation d'activité imposée par l'ajustement nécessaire de l'offre à la demande ou par l'évolution technique provoque des conflits et drames sociaux.

Au niveau micro-économique, les coûts de production et les prix de vente n’intègrent pas les externalités environnementales - gaz à effet de serre et réchauffement climatique, déchets solides, liquides et gazeux - ni sociétales - licenciements économiques, délocalisations, marginalisation de producteurs -, ni géopolitiques - conflits, terrorisme. Par la mise en compétition de producteurs n’ayant pas les mêmes coûts des facteurs de production dans la formation de la valeur ajoutée, la mondialisation des processus de production et des marchés entraîne la paupérisation des producteurs non "compétitifs" dans cette "compétition" inégale et l’explosion des transports routiers et aériens de marchandises qui pourraient être produites localement, et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre.

Les tenants de l'économie capitaliste mondiale disent que le commerce international permet d'accroître le bien-être d'un plus grand nombre d'individus car en offrant les produits et services les moins chers on obtient la quantité de biens la plus élevée. Si par protectionnisme sous quelque forme que ce soit, on imposait la production locale avec des coûts et des prix plus élevés, ce serait au détriment de la quantité que chacun pourrait acheter avec ses revenus. Autrement dit, la production locale serait moindre, la consommation aussi donc l'emploi.

C'est vrai que chaque pays, selon sa superficie, sa population et ses ressources naturelles, ne peut pas produire la totalité des biens et services de l'économie moderne que sa population veut consommer. Cela a toujours été le cas: exemples la Hollande, les pays Baltes, la Suède, la Finlande, le Luxembourg, la Flandre et la Belgique, la Suisse, ont toujours échangé produits et services. Aujourd'hui l'Europe tend à devenir un espace économique où l'échange de biens et services permet d'accroître le bien être de tous ses habitants. Le récent élargissement de l'Europe à 9 pays de l'Est, autrefois sous influence de l'ex URSS, en est la manifestation. Les disparités de niveaux de vie, donc de coûts de production, sont des difficultés à surmonter dans l'intégration de ces pays dans l'Europe. Le développement d'une économie mondiale est encore plus difficile.

Peut-on revenir à un consommation modérée de biens et services; éliminer le superflu et ne garder que la consommation de l'indispensable? Serait-ce l'assurance d'une meilleure qualité de vie? Une telle évolution relèverait-t-elle de la volonté de chacun, de l'action politique, voire d'une nouvelle utopie? Car limiter ou diminuer sa consommation de certains produits et services c'est diminuer la production, donc l'emploi de ceux qui produisent.

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Mis en ligne le 11/04/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) Portail: http://pratclif.com