La sécurité alimentaire, l'autre chantier de Bill Gates

Le Monde 24 avril 2010 Sylvain Cypel (Washington, envoyé spécial)

Secrétaire au Trésor américain, Timothy Geithner a annoncé, jeudi 22 avril, le lancement d'un " programme global pour la sécurité agricole et alimentaire " qui vise à lutter contre la malnutrition chronique dont souffrent un milliard d'humains. Cette initiative fait suite à l'appel lancé au G8 de L'Aquila (Italie), en 2009, afin de réunir 22 milliards de dollars (16, 6 milliards d'euros) pour lutter contre l'insécurité alimentaire dans le monde.

La Banque mondiale faisant office d'opérateur, ce programme réunit, à ce stade, quatre gouvernements - Etats-Unis, Canada, Espagne, Corée du Sud -, qui l'ont doté d'un montant initial de 880 millions de dollars. Un cinquième partenaire les accompagne : la Fondation Bill et Melinda Gates, qui y apportera plus son expertise que des fonds (30 millions de dollars seulement).

Car, indique le fondateur de Microsoft, lors d'un entretien avec quatre journalistes (dont votre serviteur), sa fondation a accumulé une expérience unique, déboursant 1,5 milliard de dollars ces quatre dernières années dans l'amélioration de la sécurité alimentaire, thème qui constitue désormais à ses yeux l'autre urgence mondiale prioritaire, " juste après la santé ".

La solution, clame-t-il, passe par les petits producteurs, qu'il faut aider à " augmenter leur productivité, trouver des débouchés et se former aux nouvelles techniques agraires ". Autre conviction : la sécurité alimentaire est un sujet " plus compliqué que l'aide sanitaire : là, on a besoin des gouvernements locaux ". Certes, c'est souvent là où règnent les infrastructures publiques les plus vénales et indigentes que l'insécurité alimentaire est la plus aiguë.

Une donnée que sa fondation promeut pour inciter à prendre conscience de l'urgence, vient aussi relativiser la portée de l'opération. De 1995 à 2005, la part allouée à l'agriculture est passée de 13 % à 3 % du total de l'assistance institutionnelle internationale. Cela donne une idée de l'effort qu'il faut entreprendre, selon M. Gates. Un des journalistes lui rappelle que sur le milliard d'êtres en " extrême pauvreté ", vivant avec 1 dollar par jour ou moins, 75 % sont situés dans des zones rurales. Les 880 millions du " programme global " représentent donc l'équivalent d'un jour ou deux de subsistance pour chacun. Bill Gates sourit, assure que ce programme " est un bon début. (...) La crise financière a occulté les pays pauvres. Elle y a découragé les investissements au moment où ils étaient les plus nécessaires. Maintenant, il faut que d'autres pays rejoignent le Programme global".


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Mis en ligne 24/04/2010 par Pierre Ratcliffe.