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5. Les retombées économiques de la crise de la vache folle

La filière bovine en France et en Europe avant le déclenchement de la crise
La consommation de viande bovine avant la crise en France
Impacts de la crise de l'ESB en Europe: Royaume-Uni; Allemagne; Italie; autres pays
Impacts de la crise de l'ESB en France: consommation; filière bovine

[R] La filière bovine en France et en Europe avant le déclenchement de la crise

Depuis le début des années 1980, la consommation par personne de viande bovine baisse de 1,3% par an en France. Ce retournement s'est effectué au profit des viandes blanches. Corrélativement, les effectifs du cheptel bovin français diminuaient tandis que le cheptel porcin augmentait. La composition du cheptel bovin se modifiait suite à l'instauration des quotas laitiers. La part de la viande issue directement (vaches de réforme) ou indirectement (taurillons) du troupeau laitier diminuait dans la production bovine française.

Au niveau de l'Union européenne, le nombre de vaches laitières passait, entre 1973 et 1993, de 28 à 21 millions de têtes et celui des vaches nourrices de 7 à 10 millions de têtes. Cette reconversion a été d'une grande ampleur en France, qui détenait en 1994 près de 40% du troupeau européen de vaches allaitantes. La figure 6 (ci-dessous) nous montre la répartition de la production bovine dans l'Europe communautaire en 1995.


Figure 6. Production bovine dans l'Union européenne en 1995 (en milliers de tonnes équivalent carcasse).
(Source: Eurostat/GIANA/Ofival)

Sur cette production, l'UE dégage un excédent de production, par rapport à la consommation intérieure, de 1,15 millions de tonnes équivalent carcasse de viande bovine qui doivent être exportées. Ainsi avant même le déclenchement de la crise actuelle, le marché de la viande bovine était l'un de ceux qui nourrissaient le plus d'incertitudes sur le respect des accords du GATT qui limite pour 1996 le volume des exportations à 1,06 millions de tonnes. Le marché de la viande bovine était également caractérisé par l'importance des échanges croisés entre pays européens. Bien qu'exportatrice nette (notamment vers l'Italie), la France importait des volumes importants de viandes bovines des autres pays de l'Union. On a ainsi assisté ces dernières années à un accroissement des exportations de viandes britanniques (figure 7).


Figure 7. Importations françaises de viandes fraîches bovines britanniques entre 1990 et 1995 (en tonnes équivalent carcasse) - gros bovins et veaux
(source : Ofival)
.

L'élevage bovin en France est le plus extensif de l'Europe, car seulement 17% des exploitations bovines dépassent un chargement de 2 Unités de Gros Bétail (UGB) par hectare, alors que c'est le cas pour 43 % des élevages bovins en Europe. Un processus de désintensification s'est amorcé en France, même dans les élevages les plus intensifs de Bretagne où l'on constate une stagnation des rendements laitiers, résultat d'un accroissement de l'utilisation des fourrages et d'une diminution des aliments concentrés. Comme on l'a déjà vu, l'application des quotas laitiers s'est, en outre, traduite par un développement important du troupeau allaitant dans toute l'Europe et notamment en France. Ainsi environ la moitié de la production française de viande bovine provient de ce type d'élevage, qui est nourri principalement à l'herbe. De plus, des efforts ont été développés ces dernières années pour signaler la qualité des viandes bovines. Néanmoins cette politique de labelisation reste limitée : elle ne concernait que 2 % de la consommation de boeuf et 5 % de celle de veau en France avant le déclenchement de la crise de l'ESB.

L'industrie des viandes de boucherie, quant à elle, occupait, au 31 décembre 1995, 42 100 salariés répartis dans 559 entreprises comptant 10 salariés et plus, selon les services statistiques du ministère de l'Agriculture (Scees). La branche a réalisé en 1995 un chiffre d'affaires de 86,8 milliards de francs dont 11,3 milliards à l'exportation. Le résultat net quant à lui est estimé à 215 millions de francs.

[R] Situation de la consommation de viande bovine avant la crise en France

La chute actuelle de la consommation de viande de boeuf montre de façon spectaculaire un déclin amorcé depuis maintenant une quinzaine d'années. La baisse tendancielle de la consommation de boeuf résulte d'un changement des préférences des consommateurs qui s'inscrit dans un contexte de saturation globale de la consommation de viande (figure 8).

Figure 8. Evolution des achats des ménages avant la crise de l'ESB (source s: Ofival, SECODIP).

Depuis le début du XIXe siècle, la consommation de viande augmentait en France de façon régulière : elle est passée de 20 kg par personne en 1800, à 25 kg en 1850, 40 kg en 1890 et 55 kg en 1930 (sans les volailles ni les abats). Sur la même base, la consommation s'élève aujourd'hui à 80 kg par personne et, si l'on rajoute les volailles et les abats, on atteint pratiquement 110 kg (évaluation en poids carcasse). Cependant pendant cette phase de croissance de la consommation, la demande effective de viande de boeuf augmente beaucoup moins vite que celle des autres viandes du fait de l'évolution défavorable de son prix relatif. En effet de 1950 à 1980, le prix du boeuf s'accroît de plus de 20 % par rapport au niveau général des prix, alors que dans le même temps le prix du porc diminue de 11% et celui des volailles de 46%. Au cours de cette même période, le volume de la consommation de boeuf par personne augmente de 1,6% par an en moyenne.

Mais depuis 1980, la consommation de viande de boucherie est en diminution régulière de 1,7% par an. Les tendances d'évolution des prix relatifs des différentes viandes et la consommation totale des ménages n'ayant pas subi d'infléchissement important, on est conduit à penser que cette rupture provient d'un changement d'attitude des consommateurs à l'égard de la viande de boeuf. Cette hypothèse a été testée dans de nombreux pays développés (USA, Canada, Grande-Bretagne... ) où une baisse similaire de la consommation de viande bovine s'observait depuis la fin des années 70 ou le début des années 80 selon les cas. La réalité de cet infléchissement ne fait pas de doute, mais son interprétation économique est encore discutée. La plupart des analyses reconnaissent en tout cas le rôle majeur des recommandations nutritionnelles, et en particulier de celles relatives à l'intérêt d'une diminution de la consommation des graisses d'origine animale. Ces recommandations ont sans doute d'autant plus facilement conduit les consommateurs à reconsidérer l'allocation de leurs dépenses que le niveau du prix de la viande de boeuf est resté élevé et que l'offre de substituts bon marché bénéficiant d'une meilleure image nutritionnelle n'a cessé de se développer. Pourtant l'année 1995 marquait un possible retournement de tendance avec une légère augmentation des achats des ménages sur l'ensemble des viandes, plus accentuée sur le boeuf (+ 2,1%) alors que les achats de veau reculaient à nouveau (figure 8).

La progression était surtout marquée sur la viande hachée fraîche (+ 5,3%) et les viandes à bouillir et à braiser (+3,1%) (16). Ainsi en 1995, la consommation de viande bovine par habitant était de 27,7 kilos équivalent carcasse (contre 30,4 kilos en moyenne au cours des années 1970/1979) sur une consommation totale de viande de 91,5 kilos (contre 80,6 kilos de 1970 à 1979). Ce chiffre est à comparer à la consommation moyenne européenne qui s'établit à 20,5 kg/hab en 1994. Le prix d'achat des ménages était de 59,2 francs au kilo (hors abats et gros achats), en baisse de 1,3% par rapport à 1994. Pour comparaison, le prix du veau se situait à 69,4 francs, celui du mouton à 49,7 francs, celui du porc à 33,6 francs, celui du cheval à 72,9 francs et celui du poulet à 26,7 francs (16).
Pour ce qui concerne les abats, la consommation par les ménages était, en 1995, de 240 000 tonnes, soit environ 4 kilos par habitant. Ces achats étaient stables en 1995 après une baisse de 5% en 1994 (16). Aujourd'hui 22% de la consommation de viande bovine en France se fait dans les restaurants commerciaux ou collectifs (entreprises, cantines, hôpitaux...). En 1995, les achats de boeuf sur l'ensemble des achats de viandes (y compris volailles et lapins) étaient de 34,5% en restauration contre 15,2% pour le porc et 13,9% pour le poulet. Ces achats étaient en diminution en 1995 de 2,7% malgré une baisse de prix de 1,2%. Ce recul atteindrait 4,2% pour le veau (16).

[R] Impacts de la crise de l'ESB en Europe et en France

En Europe (16)

Avant mars 1996, les effets de la BSE ont été forts au Royaume-Uni et en Allemagne. Les pays du Sud de l'Europe comme la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal ainsi que la Belgique et les Pays-Bas avaient été épargnés.

au Royaume-Uni
Déjà, en décembre 1995, la publication d'informations concernant des cas de maladie de Creutzfeldt-Jakob chez 2 jeunes britanniques et chez plusieurs agriculteurs a semé l'inquiétude dans le public. La consommation de viande bovine des ménages, en volume, a évolué à la baisse par rapport à la période équivalente de l'année précédente de 5% en novembre et 16% en décembre 1995, 17% en janvier 1996, 12% en février, 13% en mars, 20% en avril, 26% en mai, 27% en juin, 26% en juillet (16).
En avril 1996, la baisse de consommation a été limitée à 20% du fait de promotions chez les distributeurs. Les baisses sont plus marquées dans la restauration et pour les produits transformés à base de boeuf (viande hachée notamment). L'embargo européen et mondial sur les exportations de viande bovine britannique et de ses produits dérivés (tableau XIV) couplé à la chute de la consommation intérieure a provoqué une crise sans précédent dans la filière bovine et dans l'élevage. Le coût global de l'interdiction des exportations de boeuf et de ses produits dérivés britanniques est estimé à 520 millions de livres soit près de 4 milliards de francs.

Tableau XIV. Statut des importations de boeuf et de produits bovins en provenance du Royaume-Uni à travers le monde. (D'après Chujo@niah.affrc.go.jp du 3 juillet 1996).


Pays            Embargo                     Détail des mesures    
		décidé le  


Japon          27 mars    - Interdiction d'importer des produits de boeuf         
                          britannique, de farines animales, organes et viande,    
                          sperme et produits dérivés.                             
                          - Rq: depuis 1990 le Japon interdit l'importation de    
                          bovin vivant britannique sur son territoire.            

Singapour      26 mars    - Interdiction d'importer de la viande bovine           
                          britannique                                             

Corée du sud   22 mars    - Interdiction temporaire d'importer de la viande de    
                          boeuf et des produits dérivés bovins.                   
                          - Le 2 avril interdiction d'importer des produits       
                          pharmaceutiques et de cosmétologie contenant des        
                          tissus bovins.                                          

Thaïlande      28 mars    - Interdiction d'importer de la viande bovine, des      
                          produits dérivés bovins et des produits laitiers en     
                          provenance du Royaume-Uni.                              

Philippines    26 mars    - Restriction des importations de viande bovine         
                          britannique                                             

U.S.A                     - Depuis 1989, l'administration américaine interdit     
                          l'importation en provenance des Etats touchés par       
                          l'ESB de toutes farines animales (viande, sang, os),    
                          sérum bovin, abats, graisses, gélatine et autres        
                          produits dérivés bovins, ainsi que des boeufs vivants.  
                          - En mai 1996, le gouvernement américain décide         
                          d'interdire l'importation de viande bovine britannique  
                          sur son territoire.                                     

Canada         28 mars    - Interdiction d'importer du sperme et embryon bovins   
                          d'origine britannique.                                  
                          - En 1990 le Canada interdit l'importation de bovins    
                          vivants britanniques et des farines animales            
                          anglaises.                                              
                          - Interdiction d'importer de la viande de boeuf  et des 
                          produits dérivés bovins d'origine anglaise.             

Australie      29 mars    - Interdiction d'importer des produits bovins           
                          britanniques exception faite de la gélatine, du         
                          chocolat et des produits laitiers.                      
                          - Depuis 1989, l'importation d'animaux vivants, de      
                          sperme et d'embryon bovins ainsi que des aliments pour  
                          bétail d'origine britannique est interdite.             

Nouvelle       26 mars    - Interdiction d'importer des animaux vivants et des    
-Zélande                  produits alimentaires bovins britanniques.              

France         21 mars    - Interdiction d'importer de la viande et des produits  
                          dérivés (abats, sérum, etc.) de boeuf britannique,      
                          ainsi que des animaux vivants.                          

Danemark       27 mars    - Interdiction d'importer de la viande et des produits  
                          dérivés bovins britanniques (animaux vivants, viande,   
                          embryon, sperme, ovule, produits pharmaceutiques et     
                          cosmétiques contenant des tissus bovins).               

Autriche       22 mars    - Interdiction d'importer de la viande bovine, des      
                          produits dérivés bovins et des animaux vivants en       
                          provenance du Royaume-Uni.                              

Irlande        27 mars    - Interdiction d'importer de la viande et des produits  
                          dérivés bovins britanniques (animaux vivants, viande,   
                          embryon, sperme, ovule, produits pharmaceutiques et     
                          cosmétiques contenant des tissus bovins).               

Suède          28 mars    - Interdiction d'importer des produits bovins           
                          britanniques.                                           

Allemagne      30 mars    - Interdiction d'importer de la viande bovine  et       
                          d'animaux vivants suisses et britanniques.              
                          - Interdiction d'utiliser des produits dérivés bovins   
                          et des produits pharmaceutiques contenant des tissus    
                          bovins.                                                 

Pays-Bas       21 mars    - Interdiction d'importer des produits bovins           
                          britanniques (alimentaires et non alimentaires).        
                          - Restriction des importations de viande bovine         
                          suisse.                                                 

Italie,        22 mars    - Interdiction d'importer de la viande et des produits  
Espagne et                dérivés bovins britanniques                             
Portugal                                                                          

Norvège        26 mars    - Interdiction temporaire d'importer de la viande et    
                          des produits dérivés bovins britanniques.


En Allemagne : (16) Après une baisse de 11 % entre 1994 et 1995, la réaction a été à nouveau forte en avril 1996 avec une baisse de 32% par rapport à avril 1995, suivie actuellement d'un retour à la normale. Mais les mois d'été sont traditionnellement de forte consommation en Allemagne. On constate qu'un nombre croissant d'Allemands délaisse la viande en général et pas seulement la viande bovine. L'expérience montre que, dans ce pays, il est toujours difficile de faire revenir les acheteurs sur une opinion méfiante ou négative. On constate également comme dans les autres pays européens un transfert partiel de consommation vers la volaille.

En Italie : (16)
En 1994, les Italiens consommaient 25,9 kilos de viande bovine par habitant (en baisse légère puisqu'elle était de 27,2 kilos en 1987). En avril 1996, les achats des ménages ont baissé de 36,4% (par rapport à avril 1995), en mai de 23,8%, en juin de 16,7%, ce qui laisse augurer d'une stabilisation entre -15 et -10%. La baisse des achats, plus marquée dans le Sud de l'Italie, a été enrayée par la baisse du prix au détail en particulier en grande distribution.
Les pouvoirs publics, en raison des élections législatives, ont tardé à réagir. Une campagne "Carni ltaliane", orientée sur l'origine italienne des viandes (animaux nés ou engraissés au moins 90 jours en Italie) vient d'être lancée. Les démarches interprofessionnelles sont encore peu actives, il n'y a pas encore de programme d'identification des viandes.

Dans d'autres pays : (16)
- En Espagne, la baisse évaluée à 15% est difficile à quantifier, le retour à la normale est lent.
- Au Portugal, les professionnels parlent de - 40% les premières semaines.
- En Grèce, l'arrêt quasi-total de consommation viande bovine au début avril était à imputer aux fêtes pascales, où l'on mange de l'agneau et du chevreau, autant qu'à l'ESB. Les ventes sont ensuite revenues à la normale.
- Les ménages néerlandais ont réduit leur consommation de 15 à 20% en avril (réaction rapide dans la distribution par rapport aux importations en provenance d'Irlande du Nord).
-Au Danemark, la baisse de consommation a été limitée en volume et dans le temps, peut-être parce que la part des produits transformés est prépondérante dans ce pays.

Selon l'Ofival la consommation de viande bovine en Europe, sans retrouver son niveau des années précédentes, ne poursuit plus sa tendance à la baisse. L'effondrement de la consommation de viande de gros bovins, qui a tout de suite suivi les déclarations du ministre anglais de l'Agriculture le 20 mars, s'est prolongé au cours du deuxième trimestre 1996. Mais on constate actuellement un redressement général de la consommation européenne de viande bovine. En effet alors que la consommation de boeuf dans l'Union européenne a baissé d'environ 25% au deuxième trimestre, elle n'a chuté "que" de 15% au troisième trimestre.

D'après les chiffres Secodip du premier semestre 1996 la moitié de la perte de consommation de viande de boeuf a été compensée par celle d'autres viandes, plus particulièrement celles de porc et de volaille, tandis que les autres 50% perdus étaient remplacés par divers produits alimentaires (légumes, féculents, poissons, etc.).
Il est à signaler que la crise bovine n'a pas profité à la viande ovine car son niveau de consommation est resté faible. En ce qui concerne la viande de veau, on peut quasiment parler de stabilité de la consommation : les achats des ménages n'ont diminué que de 2% pour le premier semestre.

[R] En France (16)

En France, l'évolution des achats des ménages au cours de la crise a été suivie par l'Ofival et la Sécodip. Au cours de la première vague de crise que l'on peut situer du 20 mars à début juin, les achats de viande de boeuf des ménages étaient en baisse de 16% en avril et de 17% en mai (par rapport aux mêmes périodes de 1995). Début juin, ils se sont stabilisés à -15%. Les achats de viande de veau, qui avaient enregistré une baisse de 11 % en avril, étaient progressivement revenus à leur niveau antérieur début juin. Par contre les achats d'abats de boeuf se situaient sur toute cette période à environ -35% par rapport à 1a même période de l'année précédente.

Au cours de la deuxième vague de crise, deuxième quinzaine de juin, provoquée par l'annonce de la transmissibilité de l'ESB au macaque (54) et de la suspicion d'une circulation en France de farines anglaises potentiellement contaminées, les analyses de la Sécodip n'ont pas fait état d'une nouvelle baisse de la consommation. Les achats de boeuf se situaient à -25% par rapport à 1995 au 7 juillet 1996, tandis que les achats d'abats ont poursuivi leur baisse avec une chute de - 45% par rapport à 1995 (source Ofival).

Dans le secteur de la restauration, selon une enquête diffusée le 15 avril 1996 par la société d'études Coach Omnium, près de la moitié des restaurateurs français ont observé depuis le début de la crise une diminution moyenne de 32% des commandes de plats à base de viande. A l'inverse 27% des restaurateurs évoquaient une forte augmentation de la demande en poisson, de la demande en volaille (+15%) et en agneau (+12%).
Une enquête réalisée début mai par le ministère des Finances auprès de 720 entreprises de restauration montrait que 11 % des établissements avaient supprimé la viande bovine (10% les abats). Cette moyenne était plus forte dans les crèches avec 22% contre 11% dans les cantines scolaires et 10% dans les maisons de retraite. Ces décisions n'avaient cependant duré, précise le ministère, que pendant les quelques semaines les plus aiguës de la crise. Aucune nouvelle enquête ne permet de connaître la situation à ce jour (10 novembre 1996).

Avant la crise, la lente érosion de la consommation de viande bovine était liée à une baisse de consommation sur l'ensemble des ménages. 97% d'entre eux achetaient alors de la viande bovine. La chute brutale enregistrée en avril correspond à une perte de clientèle et non pas à une diminution uniforme de la consommation des ménages. En effet environ 20% des ménages ont totalement cessé d'acheter de la viande bovine, alors que les ménages fidèles à la viande ont peu réduit leur consommation. Fin mai, environ 15% des ménages ayant totalement cessé de consommer de la viande bovine n'avaient toujours pas repris leurs achats.
Pour les abats, la chute de consommation s'explique également par une perte de clientèle estimée à 35% (Ofival). Les consommateurs se sont très vite détournés des abats, sans faire de distinction entre ceux qui étaient consommables et les autres. Plusieurs facteurs ont joué dans cette désaffection du consommateur d'après l'Ofival : la difficulté pour le consommateur lambda de faire la distinction entre les différentes catégories d'abats interdites ou non à la consommation humaine, la difficulté de vérifier l'origine de ces produits, et surtout les informations diffusées par les médias souvent "globalisantes" sur le danger des abats vis-à-vis de l'ESB pour la santé.

On a assisté en France comme dans les autres pays de l'Union à un transfert de consommation sur les autres viandes. Dès le début de la crise et jusqu'au 15 juin, ces transferts de consommation ont été enregistrés sur plusieurs types de viandes à savoir :
- + 25% en avril pour le poulet label, hausse qui s'est estompée, quand l'offre n'a pu satisfaire la demande;
- + 23% en avril et + 31 % en mai pour la viande de cheval. Cependant ces hausses ne portent que sur de petits volumes;
- +33% pour la pintade, +27% pour le canard, +7% pour la dinde en mai;
- +13% en avril et 6% en mai pour le porc frais;
- +15% en mai pour la viande ovine.

La filière bovine: (16)

La crise de la consommation intérieure et le quasi-arrêt des exportations, tant vers l'Union européenne que les pays tiers, a très durement touché toute la filière bovine française.

L'élevage

Les vaches et les jeunes bovins, qui représentaient respectivement 40% et 31% de la production française de viande bovine en 1995, ont vu leurs prix évoluer de façon très différente depuis le début de la crise. La cotation des vaches s'est relativement bien maintenue jusqu'à la mi-juin grâce à une offre contenue (rétention des animaux à la ferme et disparition de l'offre britannique). Pour les jeunes bovins, dès le déclenchement de la crise, leur cours a plongé immédiatement. Cette situation s'explique par la fermeture quasi-générale des frontières intra-communautaires et internationales. Or les exportations constituaient le principal débouché pour ce type de production. Depuis la mi-juillet, les cotations se maintiennent voire progressent légèrement. Ceci peut s'expliquer par la reprise des exportations vers les pays tiers (Turquie, Russie) et la réouverture progressive des marchés grec et italien.
Quant au broutard, qui constitue une spécialité française en Europe, il a subi un mois d'avril catastrophique. Cependant les premières semaines de mai ont été marquées par une reprise des achats et des expéditions. Une certaine normalisation de la situation pour ce type de bovin s'est opérée durant cette période. L'intervention de la commission de Bruxelles pour soutenir le cours du broutard a conduit à prélever en août 70 000 tonnes de carcasses de broutard soit 300 000 animaux au titre de l'intervention publique (37, 44).
Face au développement de la crise l'Union européenne a décidé de soutenir les éleveurs en octroyant une surprime. La France a ainsi obtenu une allocation de 1,44 milliards de francs, auquel le gouvernement français a pu rajouter une somme équivalente, soit une somme totale de 2,9 milliards de francs (36) que se partagent les éleveurs français. En outre une allocation spéciale de 600 millions de francs au titre de mesures complémentaires nationales est répartieentre les départements au profit des éleveurs les plus en difficulté (à partir du 15 septembre 1996).

Abattoirs et négoces (16)

Depuis le 15 avril 1996, les entreprises en aval de la filière (abattage, transformation, négoce) peuvent bénéficier de reports d'échéances, de délais de paiement et de remises de pénalités pour leurs impôts, taxes et cotisations jusqu'au 31 décembre 1996. Parallèlement, un prêt global de 4 à 5 milliards de francs sur 7 ans, bonifié à 2,5%, sera ouvert afin de permettre à ces entreprises d'écrêter leurs charges financières. Il a été également créé un fond de restructuration et de reconversion, doté de 60 millions de francs, destiné au secteur de la triperie et aux petites entreprises de l'aval.
Par ailleurs, l'Ofival a dégagé 130 millions de francs pour accorder, au cas par cas, des avances cautionnées consenties à taux nul pour une durée de 3 ans et transformables en subvention si, au terme de ces 3 années, les entreprises augmentent leur capital social d'une somme équivalente. Enfin, un fonds de garantie bancaire, doté de 150 millions de francs par Unigrains (l'établissement financier des céréaliers), cautionnera à la hauteur de 50% des prêts bancaires proposés aux entreprises d'abattage-transformation réalisant plus de 40 millions de francs de chiffre d'affaires. Ce fonds pourrait générer 850 millions de francs de prêts (23).

Equarrissage

La situation de la filière française de l'équarrissage est très précaire. Les récentes dispositions du gouvernement concernant la fabrication des farines animales (suppression des cadavres, des saisies d'abattoirs et du système nerveux central des ruminants) ont engendré un surcoût pour cette profession estimé à 130 millions de francs. Il représente le coût de la destruction des stocks de farines et de graisses constitués avant la séparation des lignes de production des farines commercialisables et des farines impropres, destinées à être incinérées. De plus la non-valorisation des cadavres (250 000 tonnes par an) et des saisies (50 000 tonnes par an) devrait coûter 350 à 400 millions de francs par an aux équarrisseurs. Les pouvoirs publics ont d'abord annoncé qu'ils prenaient à leur charge 50% du coût de la collecte et de la transformation des cadavres enlevés en ferme. Ceci a été fermement contesté par les entreprises de la filière et les équarrisseurs qui ont pratiqué, dans la semaine du 12 août, une grève des enlèvements ou imposé unilatéralement des tarifs d'enlèvement (55). Le 14 août, le ministère de l'Agriculture annonçait qu'il étendait son aide aux cadavres d'abattoirs et son financement sur les 50% restant sur la période du 15 août au 15 septembre, mettant ainsi fin au mécontentement de la profession. Fin septembre le gouvernement décide d'instaurer une taxe de 20 centimes sur chaque kilo de viande, toutes espèces confondues, pour financer le ramassage et la destruction des cadavres d'animaux et les saisies d'abattoirs (94).
Les problèmes de l'équarrissage ne s'arrêtent pas là, car il va falloir financer la mise en conformité des installations vis-à-vis des nouvelles normes communautaires (133°C, 3 bars, 20 minutes) avant le 1er avril 1997; cela ne va pas sans poser de gros problèmes.

Depuis le déclenchement de la crise l'économie bovine s'est profondément modifiée. Le commerce extérieur s'est ralenti. Les importations ont chuté de près d'un tiers au cours du premier semestre (2,8 milliards de francs contre 4,1 milliards en 1995) et les exportations de 27% (2,35 milliards de francs contre 3,19 milliards en 1995) (16). Curieusement, les exportations de viandes bovines congelées ont fait un bond considérable de 84% en valeur et de 103% en volume. Aussi inattendue est l'évolution observée en matière d'animaux vivants. Certes les ventes ont diminué de 17% en valeur en raison de la chute des cours, mais les volumes ont relativement bien résisté à -2% contrairement à ce qu'on a pu croire.

[R] Vers Chapitre précédent; Chapitre suivant; Glossaire; Références bibliographiques; Illustrations

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