L'ancien commissaire européen Frits Bolkestein
réagit face à la campagne des média français

L'ancien commissaire européen Frits Bolkestein a dénoncé la «myopie» et la «xénophobie» des opposants français au projet de directive qui porte son nom. «Lier si clairement une directive (...) à mon nom, c'est faire preuve de sentiments xénophobes certains», a déclaré dimanche l'ancien commissaire de nationalité néerlandaise à la chaîne de télévision publique des Pays-Bas. «Il n'y a qu'en France qu'on mette aussi consciencieusement l'accent sur le caractère germanique de mon nom.»

Selon Bolkestein, l'idée que sa directive puisse déboucher sur du «dumping social» est une «pure idiotie». «Les mouvements de gauche résistent (au projet de directive) pour des raisons de politique politicienne : ils utilisent la directive pour attaquer le gouvernement français de droite», a expliqué Bolkestein, qui a quitté son poste il y a quatre mois.

«Dans un premier temps, j'ai refusé de commenter cette directive et renvoyé les gens au nouveau commissaire (...) qui doit mettre ce plan en oeuvre, mais, puisque mon nom a été étroitement lié à cette question et que la pression monte, je vais me rendre à Paris dans deux semaines pour donner des interviews.»

Rédigé il y a un an, le projet de directive «Bolkestein» vise à parachever le marché unique européen en donnant la possibilité aux fournisseurs de services – des comptables aux architectes – de travailler sans restrictions d'un bout à l'autre des 25 pays de l'Union.

Une des mesures clés de cette directive est le principe dit «de pays d'origine» qui signifie que les sociétés offrant des services dans les pays membres peuvent exercer sous les lois et règlements d'un seul pays. Si la directive européenne est adoptée, une société polonaise pourrait par exemple construire une maison en France en appliquant le droit polonais.

Les opposants estiment que la directive illustre l'intrusion du «big business» à l'américaine au sein de l'Union. Ils craignent aussi qu'elle entraîne un «dumping social» se traduisant par des délocalisations dans les pays d'Europe orientale à bas niveau de vie.

Quelque 60 000 syndicalistes, principalement belges, français, néerlandais, allemands et italiens, ont défilé samedi dans la capitale belge, à l'appel de la Confédération européenne des syndicats pour demander le retrait de la directive sur la libéralisation des services et la promotion d'une «Europe sociale».

Les 25 chefs d'Etat et de gouvernement, qui se réuniront demain et mercredi à Bruxelles à l'occasion d'un Conseil européen destiné à relancer l'économie, devraient garder aux oreilles l'écho des manifestations européennes hostiles à la directive Bolkestein et au dumping social.

Tranchant avec la relative modération dont il a fait preuve ces dernières semaines, le secrétaire général de la CES, John Monks, pourtant partisan de l'élaboration d'un marché intérieur des services, a appelé la Commission européenne à «jeter le texte existant à la poubelle et à le recommencer». «Nous ne voulons pas de... ce Frankestein de directive qui, si elle était entérinée, ouvrirait une course vers le bas, rabaissant le niveau des salaires, des conditions de travail, des services publics, plutôt que de construire une Europe aux normes élevées», a ajouté le numéro un de la confédération.