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Le débat sur le bouclier fiscal

Le débat sur le bouclier fiscal fait l'actualité du moment. Face à la montée des critiques à l'égard de ce dispositif, emblèmatique du mandat de Sarkozy élu en 2007, il est bon de connaître les points de vue des uns et des autres. C'est pour cela que j'ai réuni les liens présentés à gauche. Du côté pour, l'article de l'Ifrap, un think-tank très libéral de même que Gilles Carrez, le rapporteur budget de l'Assemblée nationale. Les arguments pour remporter l'élection de Sarkozy en 2007 me semblent avoir été élaborés dans la période 2004-2007; on était alors dans le débat réduire les dépenses publiques, libérer la croissance économique, faire comme les américains et les anglais en matière de croissance, faire comme les Suédois et les Danois en matière de conciliation de l'économie et du social. Mais la crise de fin 2007 et 2008 est venue briser toutes les certitudes économiques. Nous venons de connaître la pire crise économique depuis 1929; et nous vivons aujourd'hui l'extension de cette crise au domaine social. Le commerce international s'est contracté de 15% en volume et de 25% en valeur. Les temps ont donc changé, et les arguments en faveur de ce bouclier fiscal mis en place par le gouvernement de Villepin avec un plafond de 60% (devenu 50% avec Sarkozy) ne sont plus aussi impérieux.

L'évaluation du dispositif n'est pas certaine; et l'explosion des inégalités étudiée par Camille Landais en 2008, puis montrée par INSEE première en avril 2010, (voir les liens à gauche) amène nombre de commentateurs et de politiques à mettre en cause le dispositif. En 2009, il y avait 16350 contribuables bénéficiaires; 47% les plus riches soumis à l'ISF ont capté 99.2% du dispositif, tandis que 53% dits "contribuables modestes" par Luc Chatel ont capté seulement 0.8% du dispositif. Parmi les plus riches, 6% des contribuables ont capté 63% des remboursements avec un chèque moyen par contribuable de plus de 376000€. Voir les chiffres analysées par moi. Ce constat est à mettre en relation avec les très hauts salaires du secteur privé, étude de l'INSEE publiée début avril 2010.

Je rapprocherai aussi la question du bouclier fiscal d'autres sujets de société.

On nous a montré cette semaine les résultats d'une étude sur les mensurations des jeunes français et de la population des pays riches en général. En un siècle, les hommes ont grandi de 11 cm et les femmes de 8 cm; et la population adulte française (15 ans et plus) est pour 26% en surpoids et 8,3% en obésité. Cette évolution n'a rien de génétique, il s'agit de l'effet de la quantité et de la qualité de nourriture produite. Nos agriculteurs ont progressé en productivité de manière formidable depuis 50 ans; cette productivité s'est traduite par une baisse des prix agricoles plutôt que par une hausse des revenus des paysans; et ce sont les grands distributeurs et les consommateurs qui en profitent. Pendant ce temps, 1 milliard d'habitants de la planète meurent encore de faim et 1 autre milliard sont mal nourris et ceux-là ne grandiront pas et ne seront pas obèses. L'agriculture et le droit à se nourrir ne peuvent pas être régis par les règles de l'économie de marchés, car l'économie de marchés se passe entre des acteurs solvables. Or le milliard d'habitants qui a faim a moins de 1$/jour pour vivre, et le milliard d'habitants mal nourri moins de 2$/jour. Résultat, les 4.5 milliards d'habitants solvables, se partagent toute la nourriture produite et les 2 milliards non solvables, principalement en Afrique, crèvent de faim. Et cela ne va pas s'améliorer car c'est chez eux que la croissance de la population sera la plus forte dans les prochaines décennies. Voir en lien, Philippe Coulomb "Une voie étroite pour la sécurité alimentaire d'ici à 2050".

La France compte 8 millions de personnes pauvres (13.4%) dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté qui est de 908€/mois. Et si l'on cherche quelle est la moyenne pour cette population, on s'aperçoit qu'elle est de 744€/mois (source Insee). Le revenu de solidarité active RSA est de 460€/mois. Sur le dossier sur ce sujet. On ne peut pas vivre dans notre société avec un tel revenu.

Les 8 millions de pauvres de ce pays, et tous ceux qui trinquent dans cette crise comme dans les précédentes, sont touchés dans leurs droits économiques fondamentaux, de même que dans leurs droits tels qu'énoncés dans la déclaration universelle des droits de l'homme (articles 25 et 26). C'est le résultat d'un système économique et social qui privilégie la production et la consommation matérielle et individuelle. Depuis des années la doxa économique est que la croissance de la production matérielle bénéficie à tous. L'expérience vécue montre que ce n'est pas vrai. Ni dans nos pays riches, et encore moins à l'échelle de la planète. Je regarde donc le bouclier fiscal avec cette optique.

Le bouclier fiscal doit être vu en même temps que la distribution des revenus. Le débat tombe bien puisque l'Insee publie en ce début avril 2010 une étude sur la répartition des revenus du secteur privé entre 1998 et 2006. Voir. On y apprend que le dernier centile, les 1% des salariés les mieux payés, gagne 215 600€/an en 2007, que leurs salaires ont augmenté de 1.35% par an contre 0.6% par an pour le salaire médian (le salaire qui partage la population en deux cad. 50% qui gagne plus et 50% qui gagne moins) et donc que l'écart entre les plus riches et la moyenne des français s'est accru. Voir. On apprend aujourd'hui que les caissières de Carrefour qui demandaient un rattrapage de leurs salaires ont eu gain de cause. Carrefour les avait augmentées mais retenaient les temps de pause, de sorte qu'en réalité leur augmentation = zéro. Voir le sort des caissières = travailleurs pauvres de Carrefour, dont certains dirigeants sont dans le dernier centile mentionné plus haut 215700€/an en moyenne.

Tant que dans ce pays, nous aurons des salaires qui ne permettent pas à toute une frange de la population de vivre selon les normes de notre société moderne - cad. se nourrir, se vêtir, se loger, se soigner, et s'éduquer.... des droits pourtant fondamentaux et reconnus par l'article 25 de la déclaration universelle des droits de l'homme, nous n'en sortirons pas! La croissance économique dont on nous rabat les oreilles, tout le système de production/consommation, c'est pour servir 80% de la population, tandis que le 20% restants - les populations des banlieues, les petits paysans, les chômeurs mis au rebut par le système, les petits retraités et leurs veuves.... sont laissés pour compte, en attendant que la croissance économique permette de leur donner davantage de miettes du système, tout en augmentant encore la part des plus riches. Malheureusement qui dans ce pays tient le discours qu'il faudrait? Pas l'UMP ni Sarkozy qui restent figés sur l'idéologie de la fin du 20è siècle, ni les socialistes qui eux sont figés sur l'idéologie du 19è - faire la croissance que l'UMP ne parvient pas à faire.... C'est désespérant!

Augmenter les salaires de la frange de la population les moins payés, c'est réduire le pouvoir d'achat des catégories les mieux payées... C'est mieux répartir la richesse produite. Soit les entreprises paient plus ces gens, soit la collectivité les compense pour faire la différence. Dans les deux cas, c'est aux plus riches de payer! C'est du bon sens. C'est aussi mieux éduquer et former ces populations pour qu'elles s'intègrent plus utilement dans le système de production/consommation. C'est enfin mieux accompagner et s'adapter aux mutations économiques qui sont à l'origine des 10% de chômeurs qui sont sortis du système provisoirement voire définitivement. Le gouvernement s'y emploie avec les pôles de compétitivité.


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Mis en ligne le 03/04/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com  paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com   mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com