ECONOMIE - Frayeur sur les marchés boursiers

Courrier international - 15 juin 2006
Marc-Olivier Bherer et Philippe Randrianarimanana

De Moscou à Bombay, en passant par Tokyo et New York, les places boursières sont secouées par de lourdes chutes après les performances du début de l'année. Un avis de tempête est lancé. La presse internationale attend la réaction des banques centrales.

"Y a-t-il quelque chose de gravement atteint dans l'économie mondiale ? A travers la planète, des investisseurs semblent le penser. Le 13 juin, les indices boursiers au Japon et en Australie ont connu leur plus forte perte de points depuis le 11 septembre. L'indice russe a lui perdu 9 %. Des baisses notoires ont été enregistrées en Inde et en Turquie", énumère l'hebdomadaire américain Business Week. Les actions américaines ont aussi piqué du nez. De quoi alerter les marchés internationaux et faire craindre la fin du cycle de croissance dont profitait l'économie mondiale.

"Il n'y a pas eu de titres en une des journaux annonçant le déraillement de l'économie mondiale", modère Business Week, pour qui l'incertitude actuelle s'explique par le fait que "les investisseurs ont soudainement décidé que les marchés étaient menacés par l'inflation et le trop grand zèle montré par la Réserve fédérale américaine et d'autres banques centrales à combattre l'inflation".

Cette impression est confirmée par le quotidien indien Business Standard. La Bourse de Bombay n'en finit pas de reculer et "la confiance en a pris un coup. Tout le monde s'attend à ce que les taux d'intérêt augmentent, notamment à cause des signaux envoyés des Etats-Unis. L'effet prévisible de cette hausse est de freiner le crédit, avec comme corollaire un ralentissement de la consommation et de la croissance", explique Business Standard.

Le président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, a multiplié les déclarations sans nuance au cours des dernières semaines sur le besoin de freiner l'inflation, surprenant les investisseurs habitués aux commentaires sibyllins de son prédécesseur Alan Greenspan.

"La question est maintenant de savoir si cela signifie la fin des beaux jours, ou si l'Inde continuera de briller sur la scène économique mondiale", s'interroge Business Standard. Le produit intérieur brut (PIB) indien a suivi une courbe à la hausse de plus de 8 % au cours des trois dernières années, permettant à l'Inde d'être la star du dernier Forum économique mondiale de Davos. Business Standard veut garder son sang-froid. "La surchauffe guettait les marchés immobiliers, des actions et des matières premières, un peu de frilosité sera la bienvenue. Cela ramènera un peu de bon sens."

La Russie, un autre marché émergent qui s'était montré très performant depuis le début de l'année, a aussi enregistré un sérieux repli. "Pratiquement tout ce que les détenteurs d'actions russes ont gagné cette année s'est évaporé dans le tourbillon des tempêtes financières globales", note Vedomosti, le quotidien russe des affaires, commentant la chute de l'indice RTS de la Bourse de Moscou, qui est retombé à son niveau du début du mois de janvier.

Le journal a demandé l'avis de nombreux acteurs sur le marché russe et rapporte que la plupart évoquent un climat de "peur" et de "panique" dans leurs analyses. Alors que lundi, la Bourse de Moscou était fermée pour cause de fête nationale, l'indice RTS a chuté de 9 %, mardi 13 juin, la plus forte baisse depuis un an et demi, quand en novembre 2003 il perdait 10 % à la suite de l'arrestation de l'ex-patron de Ioukos aujourd'hui en prison, Mikhaïl Khodorkovski, rappelle Kommersant.

La presse nippone se fait aussi l'écho d'un changement de climat. "'Ne paniquez pas,' nous disent les dirigeants japonais. Lorsqu'ils commencent à vouloir rassurer les investisseurs, alors vous savez qu'il est temps de vendre", ironise Japan Today. Le Premier ministre, Junichiro Koizumi, a cherché à minimiser les récentes chutes subies par l'indice Nikkei de la Bourse de Tokyo. Koizumi craignait qu'une hausse du taux directeur de la banque centrale japonaise vienne freiner la récente croissance enregistrée au Japon. La Banque du Japon a finalement décidé, le 15 juin, de maintenir sa politique de taux directeur à zéro.

Une correction des marchés est malgré tout inévitable et l'augmentation du loyer de l'argent est le moyen pour y arriver, selon le Financial Times. Une inconnue persiste cependant : "Quelle sera l'augmentation des prix sous l'impulsion du resserrement des politiques monétaires ?"