À propos du mythe du "péril jaune"

par Jean Philippe de la Barde

En ce début de XXIe siècle, nos oreilles sont rebattues de mises en garde, de propos alarmistes relatifs au danger que l’Asie ferait courir à l’Occident dans les domaines économiques, sociaux voire culturels. Cela fait plus d’un siècle que le Péril jaune est brandi régulièrement. Examinons-en l’origine, les caractéristiques et tentons de comprendre ce qu’il révèle des représentations occidentales.

Le mythe du Péril jaune est né à la fin du XIXe siècle dans la continuité du mythe des Barbares, avec lequel il partage l’expression occidentale d’une peur de la décadence. Il se manifeste notoirement de 1890 à 1914, mais poursuit sa carrière tout au long du XXe siècle, avec un climax à la fin des années trente puis une violente résurgence à partir de la fin des années soixante-dix.

Les différentes explications du Péril jaune évoquées ici sont les suivantes :le Péril jaune est une invention des Blancs impérialistes et colonialistes (Decornoy) ; il est une métaphore du mal qui ronge l’Occident (Moura) ; il est une figuration de l’inconscient (Moura). Aucune ne semble infondée, quoique celle de Jacques Decornoy restreigne singulièrement la question. L’hypothèse de Jean-Marc Moura, qui en fait une métaphore du mal qui ronge l’Occident, par quoi il entend un « sentiment de perte du sens de l’histoire », embrasse davantage d’aspects du Péril jaune. Car celui-ci consiste, selon nous, non seulement dans une figuration de l’inconscient, mais il manifeste aussi l’angoisse occidentale face au nihilisme de la technique.

Cela prend sa source dans le glissement qui s’effectue au sein de l’éthopée du ‘Jaune’, de l’idéologème ‘Barbare’ à l’idéologème ‘Insecte’ dès le XIXe siècle, et qui se poursuit au XXe siècle avec la mise en accusation du machinisme stakhanoviste des pays d’Asie. Certes, ce n’en sont encore que les rouages les plus visibles qui affleurent dans le Péril jaune, mais le fait est là. Et la peur de l’Apocalypse (sous-entendant une révélation, un dévoilement) qui structure en partie ce mythe n’y est pas étrangère.

Jean Marc Moura est professeur de littérature comparée à l'université de Lille. Voir ici son profil. Il a écrit sur le post-colonialisme. Voir ici.

La thèse de Jacques Decornoy "péril jaune/péril blanc" est expliquée ici. Jacques Decornoy est ancien élève de l'École nationale d'administration, chef de la rubrique "Asie du Sud-Est" au journal "Le Monde". Le concept du "péril jaune" était enseigné dans les écoles primaires en France au début du 20è siècle.

Ce billet auquel JP de la Barde réagit n'aborde pas la question sous l'angle du "péril jaune" - Chine, Japon et leurs satellites - qui serait un vieux fantasme d'occidentaux, mais sous l'angle du développement économique de la Chine, de ses 1.3 milliards d'habitants et de sa relation avec une nouveauté dans le monde depuis le milieu des années 1980, le développement durable et l'empreinte écologique (voir ici). Les livres d'Alain Peyrefitte, "l'Empire immobile ou le Choc des Mondes" (ISBN9788873020259), "Quand la Chine s'éveillera" (ISBN27242004003), et "La Chine s'est éveillée" (ISBN9782213597966) me paraissent particulièrement d'actualité.

La méthode de calcul de l'empreinte écologique est ici. Et les empreintes écologiques par pays sont ici.

On voit celle de la Chine ici. Selon cette méthode la Chine est déjà largement au-dessus de sa capacité écologique soutenable et l'écart est croissant; c'est ce que l'on peut observer avec simple bon sens quand on visite la Chine.

L'empreinte écologique de la France est ici. Nous sommes aussi largement au dessus de la capacité écologique renouvelable mais avec une tendance à la stabilisation qui peut annoncer une décroissance salutaire.

L'empreinte écologique des États-Unis est ici. Les États-Unis sont les champions de l'utilisation excessive d'espace et de pression sur leurs ressources renouvelables. C'est devenu banal de dire que si les 6.7 milliards d'habitants de la planète en 2009 vivaient comme les américains, il faudrait 5 planètes. L'évolution du monde si on continuait comme maintenant est représentée ici. Aujourd'hui la méthode de d'estimation de "l'empreinte écologique" conduit à estimer que nous avons besoin de 1.4 planètes pour assurer le mode de vie de l'humanité et que pays les plus riches en sont largement responsables. Si on continuait comme maintenant, l'évolution du monde nécessiterait 2 planètes en 2050. Une diminution importante de la consommation, notamment des pays les plus riches, nous ramènerait à 1 planète. Cela est représenté ici.


Mis en ligne le 26/04/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) Portail: http://pratclif.com