Séguin réclame un «big bang» comptable

Anne Rovan Figaro 31 mai 2006,

La Cour des comptes estime que les comptes de l'Etat pour 2005 ne sont pas fidèles à la réalité. Des dizaines de milliards de créances et de dettes ne sont pas provisionnés.

HIER, À L'OCCASION de la présentation des rapports sur l'exécution budgétaire de 2005 et sur les comptes de l'Etat, Philippe Séguin a mis fin au suspense. Alors qu'il laisse entendre depuis un an que la Cour pourrait ne pas certifier les comptes de l'Etat en 2007, le premier président de la Cour des comptes a fait machine arrière hier. «A partir de mai 2007, quand nous devrons certifier les comptes, ce ne sera pas une logique du tout ou rien, a-t-il indiqué. Nous pourrons ainsi certifier les comptes en formulant des réserves.»

Si l'on s'en tient aux très nombreuses «zones de risques» recensées dans les comptes de l'Etat, la liste des réserves qui accompagneront la certification pourrait être très longue. Au point peut-être de faire perdre beaucoup de sa substance à cette éventuelle certification.

La Cour formule quarante-huit observations

Sans nier les progrès réalisés au sein de l'administration pour identifier les risques comptables, recenser et évaluer le parc immobilier de l'Etat ou encore former les fonctionnaires à la comptabilité générale, la Cour indique que «plusieurs agrégats comptables mériteront une attention particulière» et formule 48 observations. Traduction : le bilan de l'Etat pour l'année 2005 ne reflète pas la réalité. Ainsi, la Cour juge «inexacte» l'évaluation des dotations et des participations de l'Etat dans des entités du secteur marchand et non marchand. Par ailleurs, elle estime que le bilan de l'Etat ne fait pas figurer l'intégralité de ses créances et de ses dettes ; qu'il donne donc une photographie très partielle des relations financières de l'Etat avec les autres administrations publiques. Les sommes en jeu sont loin d'être ridicules. Par exemple, l'Etat doit près de 6 milliards d'euros aux organismes de Sécurité sociale. Mais, curieusement, ses comptes font l'impasse sur cette dette. A l'inverse, le bilan de l'Etat passe à la trappe une créance de 5,9 milliards détenue sur l'Agence centrale des organismes d'intervention dans le secteur agricole (Acofa) et une autre de 1,2 milliard sur l'Unedic.

La Cour est plus alarmante encore sur les provisions c'est-à-dire l'ensemble des risques financiers auxquels s'expose l'Etat à terme : les engagements sur les retraites bien sûr, mais aussi les contentieux, déficits d'établissement ou d'organismes vis-à-vis desquels l'Etat est solidaire, dépréciations de créances, etc. Dans ses comptes 2005, Bercy a provisionné 74 millions d'euros. Selon la Cour, hors retraites, les provisions devraient être de plusieurs milliards d'euros, voire de plusieurs dizaines de milliards. Pour Philippe Séguin, «ce sont des données essentielles pour une véritable politique budgétaire». C'est pourquoi le premier président a appelé hier le gouvernement à faire le «big bang comptable» de l'Etat plutôt que de faire les modifications au fil de l'eau. Reste à savoir si le bilan d'ouverture de 2006 qui sera connu d'ici quelques semaines proposera cette nouvelle photographie du bilan de l'Etat.

Des «anomalies» dans le calcul du déficit

Dans une lettre adressée début mars à Philippe Séguin, le ministre délégué au Budget dresse un bilan positif de l'exécution budgétaire 2005 et estime que «des efforts très importants ont été réalisés par le gouvernement pour moderniser et assainir le cadre de l'exécution budgétaire». Hier, le premier président de la Cour a admis «des efforts importants pour limiter le déficit» à 43,5 milliards d'euros contre 45,2 milliards initialement prévu. Il a toutefois pointé «certaines anomalies» dans le calcul du déficit. «En fin de compte, le déficit n'est pas de 43,5 milliards comme annoncé par le gouvernement, il est de 49 milliards d'euros», a résumé Philippe Séguin en posant la question de la sincérité de l'exécution budgétaire.

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Mis à jour le 30/07/2011