La course aux profits des entreprises
au coeur du débat social?

Il y a deux aspects de la gestion des entreprises: celui de la gestion courante en régime de croisière et celui du projet avant sa réalisation.

Gestion courante en régime de croisière

La rentabilité élevée des fonds propres d'un projet donné (rate of return on equity ou ROE), une année donnée, ne signifie pas qu'un tel niveau puisse être maintenu sur longue période. Le ROE est un indicateur de performance du tableau de bord d'une entreprise, de nature financière et comptable. Sur longue période, c'est le ROE moyen atteint depuis le lancement du projet qui est le plus important. Il apparaît dans le bilan patrimonial. Dans les comptes consolidés des grandes entreprises qui opèrent sur plusieurs sites répartis dans différentes parties du monde, le ROE de l'ensemble est évidemment la moyenne pondérée des ROE des différents sites. Cela se traduit au bilan consolidé par un actif net en progression d'année en année, et comparé à l'actif social ou actif de départ, par un accroissement en % qui, rapporté à l'année, donne la rentabilité de l'entreprise en valeur de monnaie courante. En déduisant l'inflation monétaire moyenne annuelle sur la même période, on obtient alors la rentabilité en monnaie constante. Telle est la mesure de la croissance réelle de l'entreprise, c'est à dire de l'augmentation de la valeur du capital de départ.

La croissance de l'entreprise assure ainsi la préservation du capital initial en monnaie constante, et un surplus qui permet d'investir dans un nouveau projet. Les fonds appartiennent aux actionnaires, et ceux-ci décident souverainement ce qu'ils veulent faire du surplus. Notons que le projet générateur de ce surplus peut continuer de fonctionner car il est amorti et les amortissements ont été utilisés pour entretenir voire renouveler les équipements et installations.

Concernant les hausses de bénéfices records des grandes sociétés du CAC40 en 2004, ils résultent de l'une des causes suivantes ou d'une combinaison de celles-ci:

Les situations des entreprises sont très variables en ce qui concerne l'influence de ces diverses causes et leur impact sur les résultats. Mais le jeu de tous ces facteurs dans les entreprises, implique des centaines, voire pour les plus grandes d'entre elles, des milliers de transactions contractuelles, librement consenties entre la direction de l'entreprise et les différents acteurs. Aux termes de ces contrats, chacun des acteurs reçoit sa rémunération, "négociée et acceptée" de part et d'autre.

Le profit est ce qui reste pour le capitaliste, c'est à dire le ou les actionnaires qui ont apporté et risqué les capitaux nécessaires à la réalisation et au lancement de l'entreprise. Ces acteurs économiques font profession de créer des richesses économiques pour eux-mêmes d'abord. Le profit annuel qui leur revient est, par essence même, aléatoire; il peut être positif, nul ou négatif, et sur la durée de vie du projet, si le négatif s'accumule, cela peut conduire l'entreprise à la faillite c'est à dire à la perte de son capital. Parler d'un partage de ce profit, quand profit il y a, n'a pas de sens, si ce n'est que de démontrer l'ignorance économique de celui qui le propose. Pourquoi, ne pas aussi parler du partage du profit quand il est négatif? Le capitaliste fait tout ce qui est en son pouvoir d'abord pour préserver la valeur de son apport, ensuite pour le faire fructifier. C'est là par conséquent un des moteurs de la croissance économique. Mais c'est aussi ce qui conduit l'économie à détruire les écosystèmes de la planète.

Projet industriel avant sa réalisation

L'entreprise lieu de création de richesses économiques où se concentrent les capitaux disponibles, cherche à augmenter ou renouveler son offre, ou à l'améliorer, pour faire face à la concurrence en augmentant sa productivité et en adoptant les innovations. Pour cela l'entreprise étudie des projets d'investissements nouveaux dans son secteur d'activité ou ailleurs. Pour les grandes entreprises de stature internationale, la multiplication des sites va de pair avec la diversité de l'offre, les capacités unitaires des sites, la capacité financière et l'objectif de réduction des coûts par l'innovation. L'implantation de sites de production dans différentes parties du monde permet d'offrir la production sur des marchés porteurs et de bénéficier de coûts salariaux réduits, correspondant au niveau de développement économique, de protection sociale et de pouvoir d'achat de ces régions. La multiplication des sites est un facteur de sécurité et permet l'obtention d'un ROE moyen moins sensible à la conjoncture particulière d'un pays ou d'une région du monde. L'entreprise a ainsi le moyen d'optimiser les contraintes économiques et sociales qui fixent ses coûts de production.

Chaque site correspondant à la réalisation d'un projet d'investissement a fait l'objet d'une étude de faisabilité, ou plutôt de viabilité économique, avant d'être réalisé. Une grande entreprise internationale a un portefeuille de projets, chacun étant conçu pour contribuer positivement au ROE moyen de l'ensemble aggrégat, dans une optique "ne pas avoir tous ses oeufs dans le même panier" et assurer autant que possible la stabilité du ROE de l'ensemble, d'une année sur l'autre et sur longue période.

L'étude de faisabilité d'un projet comporte la définition du procédé de production (process), le choix des équipements et des installations de process, le choix des installations et équipements annexes, la définition du personnel nécessaire en nombre et en qualifications. Tout ceci aboutit à l'évaluation des coûts d'investissements d'une part et de fonctionnement annuel (personnel et intrants) d'autre part. Il faut aussi faire une étude de marché pour établir les volumes vendables et le prix de vente de la production. Selon l'activité de l'entreprise, les prix sont soit:

La rentabilité d'un projet s'évalue de manière relativement simple une fois définis tous les éléments techniques et commerciaux. Le premier indicateur utilisé est le taux de rentabilité interne (TRI) ou internal rate of return (IRR). C'est le taux de retour sur l'investissement initial, toutes sources de financement confondues, de la marge brute qui correspond à la différence entre les recettes des ventes et tous les coûts directs, sur la durée de vie considérée du projet. La durée de vie varie selon les secteurs d'activité de quelques années à 20 ans voire plus. Mais plus longue est la durée de vie considérée, plus l'incertitude de l'avenir est grande, ce qui rend les calculs de simulation économique plus aléatoires.

En effet, les coûts relatifs des différents facteurs de la production sont susceptibles de varier dans le temps, sous l'influence du développement économique et de l'augmentation du pouvoir d'achat qui en résulte. Il en est ainsi notamment des coûts du personnel en salaires et charges sociales, mais aussi des coûts relatifs d'autres facteurs comme l'énergie, et les principaux intrants. Il n'est donc pas possible de considérer comme fixes les coûts des facteurs sur très longue période. Néanmoins on considérera ces coûts comme fixes sur la durée de vie du projet, quitte à faire varier ces coûts pour évaluer la sensibilité du projet à leurs variations. On pourra ainsi augmenter les coûts du personnel globalement, ou d'année en année, ou les coûts de l'énergie.

Cela étant, la rentabilité des fonds propres, se calcule en considérant d'abord un partage du capital investi entre des emprunts à court moyen ou long termes dont le taux d'intérêt est fixé constituant un coût, et des fonds propres dont il résultera le "ROE avant impôts d'Etat" par un calcul de proportions. En général, on considère un ratio fonds propres sur emprunts de 1/3. Le "ROE avant impôts d'Etat" inclut l'impôt sur bénéfices que l'Entreprise paie à l'Etat pour ses services. Le ROE est donc la proportion restant à l'Entreprise après déduction du taux d'imposition sur les bénéfices.

Une simulation très complète mais plus complexe, sous la forme d'un tableau financier, peut être faite en tenant compte du calendrier d'engagement des emprunts et de leurs caractéristiques détaillées, des amortissements, des impôts sur le bénéfice taxable, ainsi que du taux d'inflation monétaire affectant prix de vente et coûts, soit de manière uniforme soit de manière différentielle. Mais il s'agit selon nous d'un jeu de chiffres sans avantage majeur par rapport à la méthode plus simple évoquée avant. Il est possible cependant que cette méthode plus complexe soit exigée par le ou les bailleurs de fonds, auquel cas, on ne peut y échapper. Mais le plus important dans l'évaluation d'un projet est la définition technique (process, installations et équipements, personnel et fournitures d'intrants, et l'aspect commercialisation); le reste est une modélisation sur la base des données techniques et commerciales; dans un jeu de chiffres, plus le modèle est simple mieux cela vaut car il est plus facile de jouer avec les différents paramètres. La crédibilité du modèle est sans cesse mise à l'épreuve et vérifiée lors des simulations successives.

Une fois le projet lancé et en régime de croisière, le management classique prend les choses en main; la comptabilité d'entreprise suit alors les résultats financiers, détermine le ROE du site et l'apporte au holding pour consolidation dans les comptes de l'ensemble de l'entreprise.


Mis en ligne le 20/08/2008 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://paysdefayence.blogspot.com et http://pratclif.com