Villepin a commis la même erreur que Juppé en 1995

Courrier International 15 mars 2006

"Mars 2006 n'est pas Mai 68", juge l'éditorialiste du quotidien belge Le Soir. "Il ne suffit pas d'occuper la Sorbonne pour refaire la révolution. Les lieux sont les mêmes, mais l'époque n'a plus rien à voir. Même Daniel Cohn-Bendit, le vétéran des barricades, ne trouve qu'un point commun : la crispation du gouvernement. Pour autant, la fièvre qui s'est emparée de la jeunesse française n'est pas un épiphénomène. Elle traduit un mal-être profond. A travers le CPE, c'est la précarité que les étudiants et les lycéens rejettent. Revoilà la peur à l'œuvre. Comme, en mai dernier, lors du 'non' cinglant à une Constitution européenne jugée trop 'libérale'."

"Contre le chômage, il ne suffit pas de décréter 'y a qu'à' ou 'il suffit de'. Mais c'est précisément parce que le combat est difficile qu'il doit être expliqué, mené dans un dialogue et une cohésion qui seuls peuvent guider les réformes. Ce n'est pas en prétendant rénover le fameux modèle social français que Dominique de Villepin a eu tort. Conserver comme une pièce de musée un modèle manifestement inefficace (23 % de chômage chez les jeunes) équivaut à repeindre le plafond en s'accrochant au pinceau. C'est dans la méthode qu'il a tout faux. Le dernier hussard de Jacques Chirac y est allé comme à la cavalerie. Partenaires sociaux à peine consultés, Parlement négligé, jeunes tout juste informés. Et voilà le pays crispé. Comme en 1995, lors de la réforme avortée de la Sécu. Que n'a-t-il retenu la leçon de son prédécesseur, Alain Juppé, qui avait jeté un million de personnes dans la rue en se disant 'droit dans ses bottes' ? Quel gâchis ! Même à gauche, on reconnaît aujourd'hui le courage de cette réforme, que, par sa seule arrogance, le fils préféré de Jacques Chirac avait à l'époque fait capoter... Son dauphin n'aura pas à s'étonner s'il devait subir le même sort."