En France, les jeunes sont les
"boucliers jetables des nantis de gauche"

Courrier international - 28 mars 2006

Sous ce titre, le quotidien suisse Le Temps consacre son éditorial à la journée d'action syndicale contre le contrat première embauche (CPE) en France. "Il y a quelque chose de fascinant à voir les syndicalistes et fonctionnaires français afficher devant les caméras complaisantes leur 'solidarité' avec les jeunes manifestants pour dénoncer le contrat première embauche. C'est comme si un couple de retraités occupant un appartement de 180 m2 au loyer bloqué depuis dix ans descendait dans la rue avec les familles nombreuses qui ne trouvent pas à se loger."

Et d'asséner : "La gauche conservatrice française se sert des étudiants comme d'un bouclier pour défendre ses propres intérêts. C'est honteux." Ceux qui "ont la chance de se trouver à l'intérieur du système social" bénéficient d'une protection de leur niveau de vie. "Le revers de cette protection, c'est la rigidité excluant du système ceux-là mêmes qui devraient assurer son avenir, notamment les jeunes en recherche d'emploi."

Dans un pays où pratiquement un diplômé sur quatre n'arrive pas à se faire embaucher, les manifestations contre le CPE "expriment un authentique malaise", estime le quotidien. Le CPE, "vomi de toutes parts", révèle "une haine viscérale, caricaturale de l'entreprise, symbole de toutes les exploitations". Le Temps n'a pas de mots assez durs pour dénoncer "le procès d'intention" fait aux patrons qui soutiennent le CPE, "une tentative, peut-être maladroite mais sincère", pour faciliter la recherche de travail. "Que la grande majorité des chefs d'entreprise n'aient aucun intérêt à transformer la leur en carrousel, qu'ils préfèrent investir dans les gens compétents et motivés, qu'ils aient simplement besoin d'un petit peu d'air pour équilibrer leurs comptes à la fin de l'année, voilà qui n'effleure pas l'esprit des opposants."

Et de conclure, sur le même ton critique et acerbe : "Le voilà, le vrai divorce, entre une rue qui condamne sans savoir et des milieux économiques qui expliquent sans convaincre. Les politiciens devraient faire bloc derrière le Premier ministre. Mais, à un an des élections, ils ont leurs propres soucis d'embauche."