Lutter contre les délocalisations :
une priorité absolue

le plan "anti-délocalisation"
vendredi 31 août 2006

La délocalisation d’entreprise peut s’entendre selon un sens plus ou moins strict. Au sens strict, elle désigne le déplacement vers l’étranger d’une activité économique existante en France vers l’étranger dont la production est ensuite importée en France. La mission interministérielle sur les mutations économiques, (MIME) retient ainsi cette définition et distingue alors les délocalisations d’entreprises de phénomènes telles que les relocalisations d’entreprises, les localisations de la production et les investissements à l’étranger. La relocalisation d’entreprises consiste à déplacer son site de production à l’étranger afin de se rapprocher d’un marché et de vendre sa production sur place. Quant aux localisations de la production à l’étranger, elles constituent une des formes des investissements à l’étranger.

Voir sur vie-publique.fr "Les délocalisations d'entreprises"

Caractéristiques des délocalisations

Il n’existe pas de statistiques publiques précises sur les délocalisations. Cependant, selon la MIME, les délocalisations au sens strict représenteraient globalement autour de 10% du montant des investissements directs à l’étranger soit 305 millions d’euros environ sur la période 1998-2002. Même si toute suppression d’un emploi dans le secteur industriel ne fait pas l’objet d’une délocalisation, la diminution de l’emploi industriel en France constitue un indicateur de l’ampleur de ce phénomène. Les secteurs de l’industrie concernés par les délocalisations sont nombreux : cuir, textile, habillement, métallurgie, électroménager, automobile, électronique... Egalement touché, le secteur tertiaire : centres téléphoniques, informatique, comptabilité... A vrai dire, toute production de masse et tout service répétitif sont susceptibles d’être délocalisés dans des territoires où le coût de la main d’œuvre est nettement moindre.

La désindustrialisation des uns signe l’industrialisation des autres. Les territoires bénéficiaires des délocalisations d’entreprises sont l’Inde, le Maghreb, la Turquie, les pays d’Europe centrale et orientale (PECO) et l’Asie (notamment la Chine). Si les syndicats incriminent la logique financière sous-jacente aux stratégies de délocalisation, la théorie des avantages économiques, détenus par les pays cités précédemment, en particulier grâce à un faible coût de la main d’œuvre, peut également expliquer ce phénomène de délocalisations et de spécialisation économique des territoires.

L’action des pouvoirs publics : anticiper et accompagner les restructurations économiques

Lors du conseil des ministres du 12 février 2003, le gouvernement actait le fait que l’économie française est confrontée en permanence à des mutations et restructurations économiques. Pour faire face à ces mutations conduisant "à des créations et des destructions d’emplois, avec des conséquences difficiles pour les salariés et les territoires", le gouvernement a créé une mission interministérielle sur les mutations économiques, MIME.

La mission interministérielle a tout d’abord un rôle de veille et d’anticipation des restructurations. En ce sens, est prévue la mise en place des observatoires régionaux des mutations économiques dont le pilotage sera assuré conjointement par l’Etat et la région. La région Pays de la Loire a vu naître la première son observatoire en 2003. La seconde mission de la MIME consiste à accompagner la reconversion économique des territoires et le reclassement des salariés, notamment en facilitant le travail en commun des différents ministères et en s’appuyant sur les expériences réussies pour améliorer l’efficacité des dispositifs mis en œuvre. Autre outil créé récemment par le gouvernement : les contrats de site. Ces contrats visent à redynamiser les bassins d’emploi les plus touchés par les restructurations. Il s’agit d’une stratégie territoriale élaborée par l’ensemble des acteurs et déclinée en actions à engager immédiatement ou sur une durée de trois, quatre ans. Douze contrats de site qui devraient être évalués en 2004 ont été signés jusqu’ici.

L’innovation, une des solutions au phénomène de délocalisations ?

Plusieurs leviers d’actions pour les pouvoirs publics existent car la décision d’implantation d’une entreprise ne dépend pas que du seul coût de la main d’œuvre. Le potentiel marchand d’un territoire, les infrastructures, notamment de transport, la qualification de la main d’œuvre sont également sources d’attractivité. Dans une interview donnée au journal Les échos en juin 2003, Francis Mer, ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, explique qu’il souhaite renforcer l’attractivité de la France en mettant l’accent sur l’innovation, la recherche développement et la formation professionnelle. L’innovation, qu’elle prenne la forme d’un nouveau matériau, d’une nouvelle technique ou d’un nouveau débouché (fibres synthétiques destinées au secteur de l’automobile par exemple) est créatrice d’activités. Quant à la formation, elle est le gage d’une main d’œuvre qualifiée.

Le gouvernement actuel a choisi par ailleurs de diminuer les charges sur les salaires, d’alléger les formalités pesant sur les entreprises ou d’ouvrir à la concurrence le secteur de l’énergie (attendant une baisse du prix de l’électricité pour les entreprises). Récemment, en décembre 2003, lors d’un séminaire gouvernemental sur l’attractivité de la France, il a été décidé d’attirer via différentes aides des compétences étrangères ciblées (post-doctorants français expatriés, cadres étrangers, étudiants étrangers de haut niveau issus des disciplines scientifiques, techniques et managériales) ou certaines activités (ONG en France, production cinématographique et artistique).

Il reste que ces différentes actions n’empêchent pas la suppression d’emplois en France. Selon les chiffres de la Direction de l’animation de la recherche des études et des statistiques (du ministère du travail), au 3ème trimestre 2003, la France enregistre une disparition nette d’emplois de 20 000 emplois, la création d’emplois dans le secteur tertiaire (+10 000) ne compensant plus la perte d’emplois du secteur industriel (-33 000 emplois) et le taux de chômage sur cette période s’élève à 9,7%.

Présenté au Conseil des ministres le 22 septembre 2004 par le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, le projet de loi de finances pour 2005 prévoit un arsenal de dispositifs pour lutter contre les délocalisations. Le Gouvernement a engagé dans le cadre de la préparation du budget une démarche volontariste face aux délocalisations d’entreprises françaises. "C’est une priorité absolue. Il n’y a pas de fatalité à la suppression d’emploi et aux délocalisations" a indiqué le ministre de l’économie lors de la présentation du projet de loi de finances pour 2005.

Dans le but de freiner le déplacement à l’étranger d’entreprises françaises, le projet de loi de finances pour 2005 a retenu "différentes mesures spécifiques pour lutter contre les délocalisations, des encouragements à la constitution de pôles de compétitivité afin de renforcer au niveau local les synergies".

Prévenir la délocalisation

Dans le but de contribuer au maintien de l’activité dans des zones de territoire exposées aux délocalisations et aux restructurations industrielles, il est prévu dans le projet de loi de finances d’accorder jusqu’en 2009 un crédit de taxe professionnelle de 1 000 € par an et par salarié aux entreprises installées dans ces zones, qu’elles aient une activité industrielle ou une activité de recherche scientifique ou technique, de direction, d’études, d’ingénierie ou d’informatique. Une trentaine de bassins d’emploi qui connaissent les taux de chômage les plus élevés ou sont menacés de délocalisations seront répertoriés ( voir les dispositions fiscales du PLF 2005)

Favoriser les relocalisations : Avec le CRIDE ?

Le projet de loi de finances prévoit un crédit d’impôt sur les bénéfices institué pour les entreprises qui choisissent de relocaliser leurs activités en France. Les dépenses de personnel correspondant aux emplois ramenés en France seront prises en charge par l’État, la première année au taux de 50 %, de façon dégressive pendant cinq ans.

Création d’un potentiel d’innovation

Comme le précise la présentation des mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2005, la lutte contre la délocalisation passe aussi par la synergie entre les entreprises et la recherche. À la suite du CIADT du 14 septembre 2004, il est proposé la mise en place de pôles de compétitivité qui sont des combinaisons, sur un territoire donné, d’entreprises, de centres de recherche et de formation et engagés autour de projets communs au caractère innovant. Ces pôles labellisés, bénéficieront d’exonérations d’impôt sur les bénéfices, ainsi que sur les cotisations de taxe professionnelle et de taxe foncière sur les propriétés bâties. Pour les employés effectuant des activités de recherche et d’innovation, les entreprises seront exonérées de 50 % des cotisations sociales, selon leur taille.

Enfin, le Gouvernement propose de réviser et moderniser le texte fiscal permettant de lutter contre les délocalisations de bénéfices à but fiscal, dans le respect des engagements internationaux de la France.

Lors de son intervention du 19 septembre 2004 sur TF1, le Chef du Gouvernement demande aux entreprises "de condamner comme nous condamnons tous ceux qui pratiquent les mesures ou les attitudes de chantage anti-social. Je veux vraiment que dans notre pays... soient condamnés tous ceux qui délocalisent brutalement


Mis en ligne le 06/09/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)