Mondialisation: Le point de vue de Pierre Lellouche secrétaire d'état chargé du commerce extérieur.

A ceux qui, à l'extrême gauche, à l'extrême droite ou même à gauche, se font les chantres de la "démondialisation", le rapport Crise et croissance : une stratégie pour la France (à paraître à La Documentation française) que le Conseil d'analyse économique (CAE) vient de me remettre, le 24 juin, apporte une contradiction remarquable.

Au fond, le CAE nous livre un premier enseignement frappé au coin du bon sens : sauf à accepter le déclin, la France n'a pas d'autre choix que de partir à la conquête de la croissance dans le monde réel, celui de l'économie globalisée de ce début de XXIe siècle, en se reconstruisant une santé industrielle et une capacité à l'export.

Convenons-en, ce message n'a rien de révolutionnaire. Il donnerait pourtant à méditer à ceux qui ont encore l'audace de faire croire que le salut de notre pays passe par le repli sur notre marché intérieur et qui continuent imperturbablement de vendre une politique de la demande et de la redistribution.

Les faits sont hélas irréductibles : tandis que l'Europe devrait péniblement atteindre les 2 % de croissance du PIB en 2011, les économies émergentes, mieux connues sous l'appellation BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud), devraient augmenter leurs richesses de 6,5 % en moyenne, jusqu'à 10 % pour la Chine.

En l'espace de trente ans, les BRICS ont fait un bond considérable, passant de 7 % du commerce mondial à 17 % aujourd'hui. Et rien ne dit que la redistribution des cartes de l'économie mondiale, de l'Occident vers l'Asie et l'Amérique latine, s'arrêtera en si bon chemin : certains experts prévoient même que les BRICS auront rattrapé l'ensemble des pays du G7 réunis dans les deux décennies à venir.

Chacun est libre d'ignorer ces chiffres ou de refuser cet état de fait. Beaucoup, hélas, ne s'en privent pas, et "vendent" l'illusion démagogique toute trouvée d'une France prospère enfermée dans ses frontières, qui sortirait de l'euro et qui construirait une forteresse autour de ses produits. Une impasse économique, évidemment. Une impasse sociale aussi, car ce n'est pas en s'interdisant de commercer avec le monde en développement que nous parviendrons à créer les emplois dont notre jeunesse a tant besoin.

Le gouvernement, depuis 2007, a fait le choix de la responsabilité, celui de considérer que la mondialisation n'est pas une option qu'on pourrait décliner, ni une punition mais au contraire une opportunité, à condition d'y entrer de plain-pied et de s'en donner les moyens.

Cela conduit au deuxième enseignement du rapport : pour réussir dans la mondialisation, la France ne peut pas faire l'économie d'une vraie politique industrielle et de compétitivité, pour stimuler notre offre de produits et de services à l'export.

Et de faire référence au modèle allemand, qui a su combiner au tournant des années 2000 gains de productivité et maîtrise des coûts salariaux, pour les résultats spectaculaires que tout le monde connaît : des exportations qui représentent 40 % du PIB, un excédent commercial de plus de 150 milliards d'euros, des parts de marché stabilisées dans le commerce mondial malgré l'arrivée des grands émergents, une croissance de 3,5 % en 2010, un chômage en recul à moins de 7 %, une crédibilité financière qui en fait un point d'ancrage dans la zone euro.

Autant de preuves que le déclin n'est pas une fatalité pour les nations européennes. Autant d'éléments que les partisans de la démondialisation oublient de rappeler et d'expliquer aux Français.

Les orientations de politique économique prises par le gouvernement avant et pendant la crise vont justement dans le sens d'un renforcement de notre potentiel de croissance : le soutien à la recherche et à l'enseignement supérieur (triplement du crédit d'impôt recherche, autonomie des universités, investissements d'avenir du grand emprunt national), l'allégement de la fiscalité productive (suppression de la taxe professionnelle, abolition de l'imposition forfaitaire annuelle, allégements de charges sur les emplois peu qualifiés), les mesures ciblées en faveur des PME (réduction des paiements grâce à la loi de modernisation de l'économie, programme FSI-France Investissement pour renforcer les fonds propres, montée en puissance d'Oseo pour les prêts et les garanties), le développement des filières industrielles d'avenir, sans oublier les efforts engagés pour moderniser l'accompagnement de nos entreprises à l'international (réforme d'Ubifrance, succès du dispositif de volontariat international en entreprise (VIE)...).

Pour autant, si le chemin est bien le bon, le seul juge de paix de notre stratégie de croissance à moyen et à long terme sera le redressement effectif et durable de notre balance commerciale. Et malgré les chiffres encourageants de l'année 2010 (50 milliards d'euros d'exportations, 21 milliards d'euros de grands contrats), les déficits enregistrés au premier trimestre, plombés par la facture pétrolière et gazière, incitent à la persévérance.

Je le répéterai, au risque d'insister : dans un monde où les sources de croissance sont situées hors du territoire national, l'export est notre carte maîtresse, pour créer des richesses et des emplois, pour financer notre modèle social, pour maîtriser notre endettement. En clair, pour la stabilité politique et la souveraineté de notre pays.

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Mis en ligne le 08/07/2011