Le point de vue de Jean Claude Werrebrouck membre fondateur de l'association "manifeste pour un débat sur le libre échange"

La démondialisation ne signifie pas nécessairement la fermeture et la déconnexion à l'égard du reste du monde. Elle signifie simplement une économie mondiale plus respectueuse des hommes et de leur environnement.

Dans le cadre des anciens Etats-nations, la compétition et la "destruction créatrice" chère à l'économiste Joseph Alois Schumpeter, les perdants n'étaient pas abandonnés par un Etat-providence financé par les gains de productivité. Dans le nouveau cadre de la mondialisation, le travail de destruction créatrice perd de sa légitimité, puisque, d'une part, le filet de sécurité antérieur put être attaqué par les marchés, et que, d'autre part, le déficit de régulation mondiale donne libre cours au mercantilisme le plus brutal. Les perdants risquent de le rester et personne ne peut croire que les habitants du Péloponnèse, équipés de leurs euros contestés, rivaliseront avec ceux de Shanghaï. Le combat est tout simplement inégal. Au surplus, il n'est pas non plus souhaitable, ni même moralement acceptable.

La réalité est que nous assistons à l'émergence de nouveaux Etats qui entendent bien profiter d'une dérégulation généralisée pour se développer. La mondialisation authentique supposerait l'affaissement de tous les Etats et la naissance d'organisations de régulation planétaire, donc complètement a- nationales. Force est de constater qu'il s'agit d'une utopie, et les grandes instances de régulation (Fonds monétaire international, Bureau international du travail, OCDE, etc.) sont internationales et le resteront longtemps, puisque les seules transformations envisagées ne concernent que le poids de chaque Etat dans les conseils d'administration. Constatons aussi que la seule instance a-nationale de quelque importance est la Banque centrale européenne… laquelle voit son action de plus en plus contestée.

Démondialiser consiste à prendre conscience que ce qui s'avère être une fausse mondialisation est une impasse pour l'humanité tout entière. Les déséquilibres majeurs qu'elle entraîne doivent être corrigés, non pas par une fermeture inacceptable et le climat d'agressivité mimétique qu'elle peut entraîner. Il s'agit, à l'inverse, d'introduire l'idée que les échanges entre nations doivent être équilibrés.

Et ce n'est pas parce que la destruction créatrice est plus efficace ici qu'elle doit développer du chômage et des exclusions là. Les plus efficaces ne doivent pas siphonner la demande globale de ceux qui le sont moins, et qui sont victimes. Et les victimes ne doivent plus être vilipendées : la productivité est aussi un trait culturel, et toutes les cultures sont respectables. Il est ainsi inacceptable de demander aux Grecs de devenir l'équivalent des Allemands.

Régulation mondiale

Aussi, l'équilibre des échanges dans une économie mondiale suppose de pouvoir imposer au pays excédentaire des mesures propres à la réduction de son excédent : hausse des salaires, réévaluation de sa monnaie, taxes à l'exportation, etc. Ce qui n'empêche évidemment pas les moins efficaces de s'améliorer. Dispositif d'équilibre développant aussi d'autres conséquences.

Par exemple, celle d'une baisse du volume du commerce international en raison de la diminution des échanges entre filiales d'une même entreprise, ne bénéficiant désormais plus de gains à l'échange fabriqués sur d'inacceptables différences. De quoi reconstruire le corps de ces institutions démembrées que sont devenues les entreprises en mondialisation. De quoi aussi diminuer la pression sur un environnement fatigué par des transports inutiles et moralement contestables.

Keynes, dans les années 1930 et la montée du protectionnisme, militait pour une régulation mondiale qui ne soit pas la mondialisation d'aujourd'hui. Il est temps de revenir sur les projets qu'il défendait à Bretton Woods. Dernier point : l'équilibre des échanges n'est en aucune façon l'argument de la préférence nationale, souvent évoquée pour d'autres motifs.

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Mis en ligne le 08/07/2011