Désindustrialisation, délocalisations
FONTAGNE Lionel , LORENZI Jean-Hervé ,
FRANCE. Conseil d'analyse économique
Rapport du Conseil d'analyse économique , n° 55
Face à la mondialisation des relations économiques, le thème de la désindustrialisation et de la délocalisation s'impose, en France comme ailleurs. Le rapport fait un état des lieux du recul relatif de l'emploi dans les pays industrialisés à partir de 1960, remarquant que les volumes d'activité et d'emploi impliqués dans les délocalisations restent modérés en France, n'étant pas toujours dûs à des coûts salariaux importants, mais plutôt tributaires de la proximité des marchés et de l'optimisation de la chaîne de travail. Il estime qu'une minorité de restructurations se traduit par des délocalisations et que des investissements à l'étranger ne sont pas assimilables à des délocalisations. Il propose de concevoir et mettre en oeuvre une stratégie industrielle, notamment en permettant aux PME de profiter davantage des commandes publiques et de l'épargne de proximité, concrétisant des projets de pôles de compétitivité, déterminant des secteurs d'activité prioritaires au niveau européen, etc. Face à des défis qui touchent l'ensemble des secteurs productifs (pas seulement l'industrie), le rapport estime que l'enjeu est de faire prévaloir des scénarii de "sortie par le haut" - ce qui n'exclut pas des destructions d'emplois face à la concurrence des grands pays émergents - en créant des emplois grâce à l'innovation et à la recherche-développement (R&D) et en améliorant les qualifications. Des commentaires et des compléments d'étude complètent ce rapport.
Extraits du rapport du CAE de 2005 "désindustrialisation délocalisations"
- La France aura-t-elle encore des usines dans dix ans ? Le mouvement
tendanciel de recul relatif de l’emploi dans l’industrie, au profit de l’emploi
dans les services, est aujourd’hui aggravé par la mondialisation et son cortège
de fermeture d’usines concurrencées par des importations à bas prix,
usines souvent concentrées dans des bassins d’emplois déjà sinistrés. Manifestation
ultime de ces bouleversements, les déménagements d’unités de
production vers des eldorados à bas coûts de main d’oeuvre et/ou demande
très dynamique se prêtent fort bien à la médiatisation, même si toutes les
statistiques montrent que ce phénomène est jusqu’ici resté contenu.
- Les fermetures retentissantes de sites industriels (Metaleurop, Daewoo…),
la destruction nette de 100 000 emplois industriels par année en 2002 et 2003,
le sentiment grandissant de perte de substance économique, illustré par des exemples précis tels la création d’une co-entreprise d’électronique en Chine (Thomson et le fabricant chinois TCL), la fin de Péchiney avalé par le Canadien
Alcan, ou encore le sauvetage in extremis d’Alstom par le gouvernement
français, interdisent aux auteurs de ce rapport de s’abriter derrière
la réponse traditionnelle oscillant entre « l’impact de la mondialisation reste
marginal » et « le recul relatif de l’industrie est une évolution naturelle des
économies avancées ».
- Le rapport de la DATAR,
La France, puissance industrielle, de février 2004 souligne qu’il
vaut mieux parler de mutations industrielles que de désindustrialisation et
préconise une politique d’aménagement du territoire visant à promouvoir la
création et le renforcement de pôles de compétitivité regroupant les entreprises,
les réseaux technologiques conjuguant la recherche publique et privée
ainsi que les établissements d’enseignement et de recherche. Le rapport
parlementaire de Max Roustan sur la désindustrialisation du territoire
de mai 2004 conclut que la France ne subit pas de désindustrialisation mais
que compte tenu des spécificités géographiques certains bassins de monoindustrie
et d’industries traditionnelles traversent de graves crises.
- Désindustrialisation et délocalisations : ces deux termes sont donc utilisés
de façon relativement indifférenciée dans le discours politique pour évoquer
la réorganisation des économies d’ancienne industrialisation dans un
contexte profondément bouleversé, à la fois par une mondialisation sans
précédent avec la montée en puissance de la Chine et de l’Inde, réserves
inépuisables de main d’oeuvre qualifiée ou potentiellement qualifiée et à bas
coût, et par la révolution des nouvelles technologies de l’information et de la
communication. Leur connotation négative sur le plan sémantique, au contraire
de « tertiarisation » ou de « projection internationale des firmes », est
bien révélatrice de l’inquiétude suscitée par ces phénomènes. Mais que signifient
réellement ces termes ? S’ils ne sont pas assimilables, ils ne sont
pas absolument indépendants
.
- La désindustrialisation se définit comme le recul de la part de l’industrie
dans l’emploi total. On comprend d’emblée toute la difficulté à manier
un tel concept dans le débat public : la part de l’industrie dans l’emploi
peut baisser, sans que l’emploi recule, si l’emploi total progresse.
La part de l’industrie dans l’emploi peut baisser, mais non la part de l’industrie
dans la richesse créée, si les gains de productivité y sont plus rapides
que dans les services. Enfin l’employé d’une société de nettoyage occupé
dans un atelier industriel se demandera à bon droit s’il travaille dans l’industrie
ou dans les services (tertiairisation).
- La délocalisation se définit comme la fermeture d’une unité de production
en France, suivie de sa réouverture à l’étranger, en vue de réimporter
sur le territoire national les biens produits à moindre coût, et/ou de continuer
à fournir les marchés d’exportation à partir de cette nouvelle implantation. Il
s’agit très concrètement d’un « déménagement » de l’unité de production,
via un investissement direct à l’étranger. Benaroya, dans son complément à
ce rapport, propose une typologie entre délocalisations d’accompagnement
(le fournisseur suit son donneur d’ordre : Valeo arrête sa production en Espagne
parce que Volkswagen délocalise une partie de sa production espagnole
en Slovaquie), délocalisations offensives (concentration de l’entreprise
sur son coeur de compétence : Dyson délocalise sa production d’aspirateurs
auprès d’un sous-traitant malaysien et délocalisations défensives
(Lafuma délocalise en Chine pour résister à une concurrence débridée).
Mis en ligne 17/02/2010 par Pierre Ratcliffe. Contact: Portail: http://pratclif.com paysdeFayence: http://paysdefayence.blogspot.com mon blog: http://pierreratcliffe.blogspot.com