Dette: La bonne et la mauvaise

par Sabine Delanglade l'Express août 2005

Des chefs d'entreprise, Edouard Michelin, Xavier Fontanet (Essilor). Des technocrates, Pascal Lamy (OMC), Michel Camdessus (ex-FMI). Des politiques, Alain Lambert (UMP), Didier Migaud (PS). Sans compter Nicole Notat ou Maria Novak, l'apôtre en France du microcrédit, et même des journalistes, tels Françoise Laborde (France 2) ou Jacques Julliard (Le Nouvel Observateur). Au total, ils seront 21 à se pencher cet été sur la dette publique, à la demande de Thierry Breton, qui veut à tout prix «retrouver des marges de manœuvre». Et n'a pas hésité à mettre les pieds dans le plat en rappelant les chiffres qui font mal, en utilisant les images qui frappent: «Chaque enfant, s'est énervé le ministre, naît aujourd'hui endetté de plus de 17 000 €.» Nous sommes entrés, a-t-il expliqué, dans un tel cercle vicieux que, d'ici à 2006, le seul remboursement des intérêts absorbera l'équivalent du produit de l'impôt sur le revenu!

L'année prochaine, la dette devrait atteindre 1 100 milliards d'euros, après avoir franchi en 2004 le cap des 1 000 milliards (65,6% du PIB), elle qui ne s'élevait en 1980 qu'à 90 milliards (soit 20,7% du PIB). Pour noircir encore le tableau, une étude de Natexis Banques populaires tire la sonnette d'alarme: «A partir de 2010, il n'y aura plus assez d'actifs pour financer les retraites et l'Etat devra combler ce trou, ce qui se traduira par une dette publique d'environ 80% du PIB en 2012.»

Tout ça pour quoi? Pour rien! Telle est à peu près la conclusion que l'on peut tirer de l'analyse faite par l'économiste d'Ixis Patrick Artus, lorsqu'il distingue la «bonne» dette publique de la «mauvaise». La première a pour contrepartie, écrit-il, «un capital public efficace, productif (recherche, infrastructures technologiques, certaines dépenses d'éducation, baisses d'impôts qui soutiennent l'offre…)». La seconde est celle, selon Artus, qui résulte du «cumul et [du] transfert de dépenses non productives», ou de «baisses d'impôts qui visent à soutenir durablement la demande». Celle-là est largement celle de la France (dépenses par étudiant ridicules, baisses d'impôts ciblées sur les particuliers, donc la demande, etc.), et doit être résorbée d'urgence par un effort réel de réduction des dépenses non productives, effort qu'Artus ne constate ni en France ni en Italie, l'Allemagne étant le seul des trois pays malades de l'Europe à avoir commencé à agir en faisant évoluer sa fiscalité.