RENCONTRES PARLEMENTAIRES-CONTRIBUABLES
SUR LE SUJET DU CONTRÔLE
DE LA FISCALITÉ LOCALE

Assemblée nationale, mars 2004
Contenu
Députés participants
Introduction
Panorama de la dépense locale en France
Les moyens de contrôle de la dépense locale

extraits du livre "les nouveaux féodaux" de Rolland Hureaux Gallimard 2004
Le poids des dépenses publiques
L'augmentation des dépenses des collectivités locales
La croissance des prélèvements locaux
Comment éviter linflation des dépenses locales?

DÉBAT

INTRODUCTION:
La décentralisation des années 1980 a permis d'améliorer considérablement les grandes infrastructures du pays, notamment routes, autoroutes, et les collèges et lycées dont l'Etat a transféré la gestion aux départements et aux régions. Mais cela s'est fait au prix d'un accroissement sans précédent de la dépense des collectivités locales. Il est toujours possible de faire mieux en dépensant plus. De cause à effet, certains contribuables modestes consacrent désormais plus d'un mois de pensions ou de salaires pour acquitter leurs taxes locales. Dans ce contexte, le problème de la maîtrise des dépenses locales se pose avec acuité. L'acte II de la décentralisation engagé par l'actuel gouvernement ne pourra donc réussir que si l'augmentation des prélèvements obligatoires au profit des collectivités locales s'accompagne d'une diminution équivalente de ceux qui sont perçus par l'Etat.


PANORAMA DE LA DÉPENSE LOCALE EN FRANCE

Pour bien affecter la dépense locale et surtout pour maîtriser son évolution - en plus ou en moins, il faudrait que le contribuable mesure personnellement l'intérêt des dépenses qui lui sont proposées.

Si chaque augmentation ou chaque diminution des services proposés par les élus avait une conséquence directe sur le portefeuille de l'électeur, les élus seraient beaucoup plus sous contrôle de celui-ci. C'est pourquoi, il faut privilégier dans la fiscalité, la taxe d'habitation et la taxe foncière que paient directement les habitants. Toutefois, je déplore que dans un pays où 50% des foyers ne paient pas l'impôt sur le revenu une telle option relève du voeux pieux.

Aujourd'hui, par le bais des impôts locaux, contribuables et entreprises paient moins de 50% des dépenses de fonctionnement des collectivités locales. Les dotations directes (DGF, DGD, DGE) sont prépondérantes. Les dégrèvements et les exonérations à la charge de l'Etat représentent 35% des recettes fiscales des collectivités locales.

Le poids des impôts locaux représente environ 5% du PIB alors que les budgets locaux en représentent 10% . Mais sur ce total, la taxe d'habitation et les taxes foncières ne représentent que la moitié. Le contribuable ne ressent donc personnellement que le quart de la dépense de sa collectivité.

Le problème n'est pas de stabiliser la dépense locale, mais le plus souvent de la réduire et rarement de l'augmenter. Les élus doivent avoir un projet de ville comme on a un projet d'entreprise. Ils doivent, comme une entreprise, réduire leurs coûts tout en proposant de meilleurs produits ou de meilleurs services.

Une ville rend quelques 70 services différents mais ne possède qu'une très vague comptabilité par fonction, découpée en dix grandes catégories : présentation croisée nature/fonction obligatoire pour les villes de plus de 10 000 habitants.

Un bon rapport entre les missions, les moyens et la fiscalité suppose bien sûr un travail sur l'organisation mais surtout, la connaissance des coûts. Or celle-ci n'existe pas.
Cette connaissance des coûts est absolument nécessaire car la plupart des services peuvent être rendus avec des coûts variant de un à deux, souvent de un à trois (espaces verts, culture, environnement, développement économique, services généraux, transports publics, équipements publics ... ).

L'ensemble de ces questions sont d'autant plus importantes que les dépenses des collectivités locales doivent augmenter au détriment de celles de l'Etat. C'est la volonté des citoyens. C'est une tendance générale en Europe.

Enfin, je tiens à souligner ce qui suit. Après la deuxième guerre mondiale et ce jusque vers le milieu des années 1970, les français ont vu leur pouvoir d'achat croître de manière très importante. En 1945, le pays sortait d'une période de 30 ans de guerre et de dépression économique (on peut en effet dire que la période 1914-1944 fut une nouvelle guerre de 30 ans). Il y avait donc matière à rattrapge et à développement économique, notamment par rapport aux Etats-Unis.

Aujourd'hui, l'augmentation du PIB apparaît, de plus en plus, rongée par les prélèvements fiscaux, les dépenses obligatoires de l'Etat et des collectivités locales, les augmentations des tarifs des monopoles que sont EDF-GDF, SNCF, RATP, France Télécom, le prix de l'eau, le traitement des ordures ménagères, par l'augmentation des prix des assurances, les hausses régulières des loyers, de la propriété immobilière et foncière, des systèmes de santé, de l'assistance aux plus démunis et aux exclus, et à la modernisation imposée par l'Europe (directives européennes). Comme la politique est de ne plus permettre l'inflation monétaire, les ménages n'ont plus d'augmentations de salaires et ils constatent que leur niveau de vie n'augmente plus, ou très peu, et même qu'il diminue. Tout le débat est là. Est-ce que c'est cela que les français veulent?. Il y a en effet à se situer entre deux extrêmes, celui de l'ex-URSS où l'Etat s'appropriait la totalité du PIB et qui s'effondra à la fin des années 1980, car la population ne pouvait plus supporter cette situation, et le libéralisme intégral (mais qui n'existe nul part au monde, même pas aux Etats-Unis) qui laisserait les ménages et les entreprises libres de choisir vers où affecter les ressources du PIB.

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LES MOYENS DE CONTRÔLE DE LA DÉPENSE LOCALE

Actuellement les finances locales font l'objet de perspectives de réformes très importantes. En effet, la principale dotation, la DGF Dotation Globale de Fonctionnement que l'Etat verse aux collectivités devrait être réformée dans les trois prochains mois. Le Président de la République a également annoncé la suppression de la Taxe Professionnelle et son remplacement par un autre impôt, ce qui veut dire que dès à présent, plus de la moitié des recettes de fonctionnement des collectivités sont appelées à connaître des modifications très importantes d'ici l'un à deux ans. Ainsi, des modifications de comportement des CL vis-à-vis des dépenses sont à attendre en fonction des conditions par lesquelles les recettes seront modifiées par ces deux réformes. Si c'est surtout sur les recettes que la réflexion législative est aujourd'hui la plus avancée, leur réforme aura inévitablement des conséquences sur la manière dont les dépenses sont gérées par les CL. Force est de constater que la politique des CL existe plus par les dépenses que par les recettes. S'il est assez facile de donner aux choix des dépenses locales un sens politique, il est plus difficile de donner un tel sens aux recettes.

Les collectivités n'ont de pouvoir significatif sur leurs recettes, que pour la fiscalité directe (par la hiérarchie des taux ou l'évolution des taux à la baisse comme à la hausse et beaucoup plus marginalement sur les bases de taxe d'habitation - par les abattements - ou de taxe professionnelle - par des exonérations temporaires).

S'agissant maintenant du contrôle de la dépense locale il fait déjà l'objet de toute une série de dispositifs pouvant paraître formels mais qui sont en réalité, essentiels :

A ces contrôles de la dépense locale qui existent et fonctionnent bien puisqu'ils évitent certains dérapages, s'ajoute le contrôle de légalité mis en place au niveau des préfectures, qui vérifient notamment que les règles d'équilibre budgétaire des collectivités locales, définies par la loi, sont respectées.

Pour résumer, une collectivité locale n'a pas le droit d'emprunter pour rembourser de l'emprunt. C'est cette règle d'équilibre qui fait l'objet d'un contrôle systématique sur l'ensemble des comptes des collectivités. A ce contrôle s'ajoute encore celui des Chambres Régionales des Comptes, qui n'est normalement pas, un contrôle d'opportunité, même si certains magistrats des comptes vont parfois un peu plus loin dans leurs commentaires. Les chambres régionales visent à vérifier que d'un point de vue légal et réglementaire les dépenses ont été organisées et engagées dans le respect de la loi. Enfin, un autre dispositif de contrôle qui fonctionne plus ou moins bien selon les assemblées, est le fait que l'essentiel des décisions à caractère financier des collectivités locales, sont adoptées en assemblée et donc, après communication préalable et discussion avec l'opposition municipale, inter-communale, départementale ou régionale. Il s'agit là d'un garde-fou important quant à l'évolution et aux choix de dépenses qui sont faits. L'essentiel de la dépense locale relève de l'opportunité politique et donc, in fine, de la responsabilité électorale.

Cependant, l'évolution des dépenses n'est pas libre. Certaines dépenses sont obligatoires puisque, de par la loi, les dépenses sont aujourd'hui codifiées. Elles sont importantes parce qu'on y trouve notamment l'emprunt, qui est une dépense obligatoire des budgets locaux. On y trouve aussi les dépenses de personnel, tout au moins pour le personnel statutaire, la dépense doit être obligatoirement budgétée au niveau des décisions des collectivités. Globalement, ce qui compte le plus dans la dynamique des dépenses, sont les choix politiques qui seront faits car ils vont expliquer l'essentiel de l'augmentation des dépenses d'une année sur l'autre ou sur une période considérée pour une collectivité. Les élus locaux ont d'ailleurs quelques arguments pour réagir si les dépenses dérapent: ce n'est pas de leur fait, mais la conséquence d'un environnement législatif très contraignant. Il y a par exemple, toute une série de dépenses qui s'imposent aux collectivités et plus que la dépense elle-même, il faut considérer son évolution. Tel est par exemple le cas du statut de la Fonction Publique Territoriale qui garantit à l'ensemble des agents une revalorisation générale des traitements.

S'ajoute à cela le fameux indice GVT (glissement vieillesse technicité) qui, par le biais des statuts, assure un certain déroulement de carrière à l'ensemble des agents des collectivités territoriales. En matière de retraites, les collectivités locales et les employeurs, cotisent à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, CNRACL. Compte tenu du caractère relativement jeune de la fonction publique territoriale, le régime est très largement excédentaire. Cependant, le législateur a créé, dans les années 80, la compensation puis, un peu plus tard, la sur-compensation. En conséquence, ce régime est au bord du déficit. Cette situation a entraîné, ces dix dernières années, six hausses consécutives des cotisations dues par les collectivités. Ce genre de décisions un peu unilatérales du législateur, pèse sur l'évolution des dépenses des collectivités locales. Les élus locaux s'en plaignent d'ailleurs largement et sans doute à juste titre. Enfin, les normes de sécurité ou environnementales à respecter, et sur lesquelles les élus locaux ne sont pas consultés, s'imposent aux collectivités locales. Ainsi, dans le cadre de l'eau et de l'assainissement, une grande partie de l'augmentation des prix de l'eau est directement liée à l'application en droit français de directives environnementales décidées au niveau européen et qui, devant être respectées par les élus locaux, entraînent des frais et donc une augmentation du prix de l'eau.

Cette conséquence n'est pas du fait des élus mais résulte des normes qui s'imposent à eux. L'évolution des dépenses locales est donc pour une part non négligeable, liée aux dépenses obligatoires, tant par la loi que par l'héritage qui s'impose aux élus locaux. Par exemple, si un agent de la fonction publique territoriale a été embauché par un précédent élu, la dépense de salaire se perpétue et il faut l'assumer selon des conditions strictes.

En résumé, pour certains élus locaux, il n'est donc pas toujours évident de maîtriser la dépense dans la mesure où certaines d'entres elles lui sont imposées par la loi et d'autres peuvent être liées à l'héritage qu'il a reçu de ses prédécesseurs.

S'agissant du contrôle formel de la dépense qui est déjà assez bien bordé dans notre pays et qui a largement été renforcé suite aux affaires et notamment, à celle du surendettement de la ville d'Angoulême. Ce contrôle est aujourd'hui relativement sécurisant.Par ailleurs, après des années de montée en charge de la décentralisation, il est possible que la dépense publique locale ait atteint un rythme de croisière, un pallier dans le monde urbain. Cependant la demande de services publics semble être portée par l'urbanisation des modes de vie en zone péri-urbaine et en zone rurale et enfin, l'acte II de la décentralisation peut créer de nouvelles pratiques.

Au final, compte tenu des règles d'équilibre budgétaire qui s'imposent aux collectivités, un accroissement plus rapide des dépenses par rapport à l'évolution naturelle des recettes, se traduira inévitablement par une augmentation des taux de la fiscalité directe.

Cette situation explique la volonté de certains élus locaux de restaurer le lien fiscal collectivité/contribuable de manière générale notamment dans le cas du remplacement de la taxe professionnelle. La question de l'autonomie financière est directement liée à cette position de principe : permettre aux élus locaux d'assumer leurs choix financiers vis-à-vis des contribuables électeurs.

Or, de ce point de vue la situation est très ambiguë: les impôts locaux sont les plus critiqués (contentieux fiscaux). C'est cependant sur cette fiscalité injuste et obsolète que les élus locaux se sont appuyés pour investir les champs de la décentralisation. Ce faisant, les critiques visant les impôts locaux se font plus acerbes et plus justifiées encore.

Devant ce cycle infernal, le législateur a adopté alternativement deux attitudes :

Aujourd'hui la situation sur l'ensemble du territoire national est donc paradoxale:

Dans ces deux cas, les dégrèvements de l'Etat sont définis de telle sorte que la cotisation du contribuable ne dépasse pas un certain niveau par rapport à sa capacité contributive (valeur ajoutée ou revenu fiscal de référence).

Pour être complet, il faudrait aussi faire le point sur les compensations fiscales attribuées aux collectivités, pour compenser des réductions ou des suppressions de bases fiscales qui se sont accumulées depuis 1980. Ces compensations sont, bien sûr, prises en charge par le contribuable national (pour mémoire : compensation de la suppression de la part régionale de taxe d'habitation, des exonérations de taxe d'habitation, de l'abattement de 16% des bases de taxe professionnelle, de la suppression de la part salaires de la taxe professionnelle, ... ). Ces suppressions de bases permettent, elles aussi, de rendre temporairement tolérable, une fiscalité locale devenue obsolète.

Cependant, la perspective d'une reforme en profondeur de la taxe professionnelle semble aujourd'hui acquise et la remise à plat de la fiscalité des ménages devrait alors suivre.

Idéalement, ces deux réformes doivent viser deux objectifs théoriques:

En dernier recours, c'est le lien fiscal entre l'élu local et le contribuable local qui doit permettre de limiter ou d'expliquer et de légitimer le rythme d'augmentation de la dépense locale parce que l'on est ici au coeur de ce qui fait des finances locales, des choix politiques.

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LE POIDS DES DÉPENSES PUBLIQUES (extrait du livre "les nouveaux féodaux" de Rolland Hureaux Gallimard 2004

La France est aujourd'hui, avec lAllemagne, le grand pays le plus touché par la congestion des dépenses publiques. Avec 44,7 % du PIB (en 2001) prélevés chaque année par lEtat, les collectivités locales et les caisses de sécurité sociale, elle atteint un niveau record parmi les grands pays européens. Ces prélèvements, qui étaient de 25 % avant la guerre, ont connu une hausse continue de 35 % à 45 % entre 1974 et 1984. Personne depuis lors, n'est arrivé à les faire baisser de manière significative. En 2003, les dépenses publiques auront même atteint 53,8 % du PIB.

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L'AUGMENTATION DES DÉPENSES DES COLLECTIVITÉS LOCALES

A la différence de celles de l'Etat, les dépenses des collectivités locales ont elles aussi beaucoup augmenté. Contrairement à celles de la Sécurité sociale, rien ne les y vouait puisqu'elles ne sont pas soumises aux mêmes contraintes démographiques. On aurait donc pu trouver là une source privilégiée d'économies budgétaires. Hélas, il n'en fut rien. Bien au contraire, ce sont elles qui croissent le plus vite depuis une vingtaine d'années, stimulées par la décentralisation.

Après une hausse très rapide jusqu'en 1995, elles parurent se stabiliser. Mais elles semblent reparties de plus belle depuis 2001, principalement à cause de la mise en ceuvre des 35 heures - à la différence du secteur privé aucun gain de productivité n'est venu compenser - et de l'institution de l'allocation personnalisée de dépendance imputée aux départements en 1999.

Le plus gros des dépenses des collectivités locales est encore assuré par les communes. En 2001, la répartition était la suivante: communes, 113 milliards d'euros ; groupements de communes, 22 milliards , départements, 35 milliards; régions, 12 milliards. Mais c'est le budget des régions qui a le plus augmenté au cours des dernières années: il a été multiplié par six entre 1982 et 2002 (celui des départements l'a été par un peu plus de quatre).

On met volontiers en cause les dépenses somptuaires de certaines collectivités qui ont voulu marquer leur émancipation par la construction de sièges impressionnants: l'hôtel de région des Bouches-du-Rhône a coûté 800 millions de francs, l'hôtel départemental des Hauts-de-Seine 600 millions, celui du Nord 350 millions. Mais soyons juste: la majorité des investissements des collectivités ont servi à équiper le territoire.

L'alourdissement des dépenses locales résulte surtout de la hausse des coûts de fonctionnement. On comptait 529576 agents locaux en 1977, vingt-cinq ans plus tard ils étaient 1737400 (68% dans les communes, 13% dans les départements, 8% dans les groupements de communes, 1% dans les régions). La fonction publique locale continue de grossir de 30000 emplois par an. La hausse des frais de fonctionnement a été particulièrement rapide entre 1983 et 1989: plus de 8,6% par an. Parallèlement, les dépenses d'action sociale (qui reposent surtout sur les départements) ont progressé de 120% de 1984 à 2001 (alors que le coût de la vie n'a augmenté que de 50%). Et on ne dira rien ici des dépenses de communication, d'autant plus élevées que chacun, dans cette confusion, se hausse et se gonfle pour exister aux yeux du grand public.

En vingt ans, les dépenses de l'Etat ont augmenté de 18%, celles de la Sécurité sociale de 25%, celles des collectivités locales de 30%. Pour la période 1978-2001, pendant laquelle ont vu le jour les grandes lois de décentralisation, les entités locales ont été responsables d'environ un tiers de l'augmentation totale de la dépense publique.

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LA CROISSANCE DES PRÉLÈVEMENTS LOCAUX

Les prélèvements locaux ont été multipliés par quatre, passant de 15 milliards d'euros en 1982 à 60 milliards en 2002. Les impôts locaux, qui ont augmenté de 41% depuis 1990 - et on s'attend à ce que la hausse se poursuive - représentaient 3,1% du PIB en 1978 et 5,1% en 2001 (après un pic à 5J% entre 1996 et 1998, que lEtat est venu amortir en supprimant la vignette et la part régionale de la taxe d'habitation, compensées par une dotation). Cependant l'indicateur des prélèvements est moins significatif que celui des dépenses dans la mesure où, plus de la moitié des dépenses locales ne sont pas financées par l'impôt, mais par des dotations et subventions de lEtat ou des ressources propres.

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COMMENT ÉVITER LINFLATION DES DÉPENSES LOCALES?

C'est l'extension continue de la sphère publique à laquelle on assiste depuis un siècle et demi qui a rendu nécessaire, d'abord la déconcentration, puis la décentralisation. Mais la promotion de centres de décision autonomes décentralisés tend à développer elle aussi, en retour, la dépense publique, comme en témoigne l'alourdissement presque continu de la fiscalité locale depuis trente ans, sans diminution correspondante de la fiscalité dEtat.

Cet effet inflationniste est accentué en France par le mode particulier de financement des dépenses publiques locales. Pour éviter que la décentralisation n'incite à la dépense, on peut imaginer deux systèmes:

Le système français, mixte, cumule les inconvénients des deux: une partie des dépenses locales est financée par l'Etat ou d'autres collectivités, sous la forme de dotations ou de subventions. Mais les collectivités locales ont aussi, plus que partout ailleurs, le loisir d'augmenter leurs propres impôts. Ceux-ci, collectés par les agents de l'Etat, sont noyés dans la masse opaque des impôts de toutes les collectivités locales - assis sur les mêmes bases - et encore, beaucoup de contribuables peu éclairés ne les distinguent-ils pas des impôts dEtat, imputant au gouvernement la hausse continue des prélèvements locaux.

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DÉBAT

Monsieur Patrice Martin-Lalande, Député du Loir-et-Cher, demande si Monsieur Le Bot a une solution à proposer, afin de remplacer les actuelles ressources dont les collectivités ont besoin, par « autre chose », qui suive l'évolution des besoins de financement des collectivités, évitant de pénaliser le développement économique, tout en étant justement réparti sur le territoire et en évitant un trop grand interventionnisme de l'Etat.

M. Erwan Le Bot répond qu'il n'a pas trouvé de solution. En effet, remplacer la taxe professionnelle constitue un vrai chantier. Il faut savoir que, compte tenu des règles d'équilibre budgétaire qui s'imposent à elles, si les collectivités locales augmentent les impôts, c'est bien parce qu'elles ne peuvent pas mobiliser une autre ressource. Et cela en raison de la loi qui leur impose de couvrir leurs dépenses de fonctionnement et l'annuité de la dette - y compris le remboursement du capital - par des ressources de fonctionnement. Ainsi, la ressource de fonctionnement sur laquelle les élus locaux peuvent jouer est, bien évidemment, la fiscalité. Par conséquent, les ajustements de recettes en période d'accélération des dépenses se fait généralement par l'augmentation de la fiscalité afin d'équilibrer les budgets. A défaut de voir les budgets refusés en préfecture, cette règle de l'équilibre budgétaire est absolument essentielle et ce à deux points de vue.

D'une part, on oblige les élus à prendre des décisions politiques d'augmentation des taux, pour assumer leur décision d'augmentation des dépenses. D'autre part, si aujourd'hui, le système parvenait à fonctionner, notamment sur les cinq ou six dernières années pendant lesquelles, les impôts locaux ont été relativement stables (ils n'ont pas connu la dynamique des années 80 mais les services publics locaux non plus, l'essentiel des équipements - théâtres, opéras, crèches - étant déjà réalisés), les choses se stabiliseraient.
Compte tenu des règles d'augmentation d'un certain nombre de dépenses obligatoires des collectivités - règles sur lesquelles elles ne peuvent pas revenir, notamment règles d'augmentation de la charge de personnel - on peut alors se demander comment elles font pour s'en sortir sans augmenter les impôts ~ La réponse étant que les bases augmentent.
Il ne s'agit cependant pas des bases des ménages qui ne permettent pas aux collectivités locales de vivre, mais de l'augmentation des bases de taxe professionnelle. Aujourd'hui, la manière dont la taxe professionnelle est calculée aboutit à la faire évoluer naturellement beaucoup plus vite que le PIB (+ 8 % par an sur les dix dernières années). Aujourd'hui encore, la moitié de la fiscalité locale est constituée par la taxe professionnelle qui progresse au minimum de 8 % par an, même si ce fut un peu moins ces dernières années. C'est la seule ressource des collectivités locales qui dépasse le rythme naturel de progression des dépenses de personnel, qui est de 3 %. On va pourtant supprimer cet impôt qui était un véritable impôt miracle pour les collectivités. Par conséquent, remplacer la taxe professionnelle représente un enjeu au coeur des finances locales. Il ne faut pas perdre de vue que si l'ensemble des collectivités connaît une situation financière correcte, c'est grâce à la taxe professionnelle et à la manière dont elle est construite. Du point de vue des collectivités locales, l'enjeu est de savoir quel impôt pourra assurer une progression minimale annuelle de 3,5 - 4 %.

A titre d'exemple, au niveau national, en 1993, le PIB a connu une évolution négative caractérisant une crise majeure inconnue dans le pays depuis 50 ans. Malgré cette situation économique, les bases de taxe professionnelle ont augmenté de 3,6 %. Si l'on remplace la taxe professionnelle par un impôt qui progressera classiquement sur ces bases de 2 - 2y5 %, on crée mécaniquement un effet de ciseau entre les dépenses et les recettes. C'est l'effet boîte de Pandore. Si le produit de la taxe professionnelle ne progresse pas de 3 - 3,5 % par an minimum, il faudra alors supprimer le statut de la fonction publique territoriale car cette règle impérative deviendra trop lourde pour les collectivités. Jusqu'à présent, hors choix politique, la principale recette allait naturellement plus vite que la principale dépense.

On ne sait cependant pas comment remplacer cette recette. Il semblerait qu'une réforme a minima, viserait à conserver la même base, c'est-à-dire une base machine qui progresse assez vite dans le temps (liée aux investissements des entreprises). Il y aura peut-être des conditioris de cotisation maximum et de cotisation minimum, différentes selon les secteurs. Selon Jacques Chirac il faudrait remplacer la taxe professionnelle, trop lourde pour les industriels, par un impôt moins pénalisant. En effet, aujourd'hui en France, l'essentiel de la taxe professionnelle est acquitté par les entreprises industrielles. Ceci est assez illégitime sachant qu'elles sont soumises à la concurrence internationale, aux délocalisations et qu'elles représentent à peu près 25 % de la création de richesses dans le pays tout en acquittant près de 60 % de la taxe professionnelle.

Cette situation est logique dans la mesure où la part des salaires a été supprimée, ce qui a profité aux entreprises ayant peu de machines et donc peu de bases restantes. Cette iniquité légitime le remplacement de la taxe professionnelle par un impôt pour lequel il reste à trouver une base qui croît vite.

Alain Mathieu remarque qu'une bonne partie de la taxe professionnelle actuelle, est en fait une taxe sur la valeur ajoutée. Toutes les entreprises qui ont beaucoup investi ont une limitation en pourcentage de la valeur ajoutée qui est de 3,5 ou 4 %. D'ailleurs, la Direction Générale des Impôts ne répond pas à la question relative à la part de la taxe professionnelle, qui est vraiment une taxe sur la valeur ajoutée. Cette question mériterait d'être posée, la réponse permettant sans doute d'orienter la discussion sur la réforme de la taxe professionnelle. Le problème s'est également posé dans d'autres pays tels l'Allemagne et l'Italie en 1995 et 1997. Ces deux pays avaient une taxe professionnelle et l'ont transformée en taxe à la valeur ajoutée (en Allemagne, 2 % de la valeur ajoutée ont remplacé la taxe professionnelle). Il s'agit là d'une orientation possible de réforme. Ainsi, serait maintenu le lien entre la fiscalité, les élus et les contribuables. De plus, la ressource serait sûre, stable, solide, neutre et économique. Tous les avantages recherchés sont dans cette solution.

Patrice Martin-Lalande demande s'il y aurait un rapport avec les habitants.

Alain Mathieu répond qu'il y a des rapports avec la valeur ajoutée des entreprises de la région ou de la commune.

Erwan Le Bot précise que la valeur ajoutée est similaire aux dégrèvements actuels. L'exonération de bases, correspond à la suppression des bases. L!Etat retire des déclarations des entreprises une part de la base et compense le manque à gagner pour les collectivités. C'est le jeu des compensations. Sur certains territoires, les taux de taxe professionnelle sont extrêmement élevés et les zones d'activités sont pleines parce que les entreprises sont plafonnées à la valeur ajoutée et que toute augmentation de taux est neutre pour elles. Il y a là une problématique du dégrèvement par rapport au lien fiscal. Certains vont payer l'augmentation de taux et d'autres non. On constate le même phénomène pour la taxe d'habitation. Il y a un dégrèvement en fonction d'un revenu de référence. La capacité contributive des ménages est prise en compte par lEtat et lorsque la cotisation de taxe d'habitation dépasse ce seuil, la collectivité perçoit le produit qu'elle a voté. Mais ce n'est plus le contribuable local qui paye. C'est le contribuable national qui acquitte une partie, plus ou moins importante, de la cotisation et pour la collectivité, le système est neutre puisqu'elle perçoit ce qui correspond à la base multipliée par le taux. En revanche, lEtat vérifie que l'équation base x taux aboutit à une cotisation qui ne dépasse pas un certain seuil de revenu. Il y a alors distorsion du lien, même si pour la collectivité ce système est transparent.

Patrice Martin-Lalande constate que cette distorsion du lien est aussi le revers d'une bonne médaille, qui est celle de vouloir maintenir une certaine égalité dans les ressources. Pour lui, on ne peut pas se satisfaire de l'idée qu'il n'y ait pas de péréquation d'un certain nombre de moyens, alors que les besoins existent de la même manière pour les habitants des communes riches et des communes pauvres. La péréquation est donc inévitable, même si l'on peut discuter sur le niveau et les modalités. Il ne peut pas imaginer de laisser cohabiter des zones très riches et des zones plutôt démunies avec le même objectif pour les collectivités, qui est de fournir un certain nombre de prestations aux habitants ainsi qu'aux entreprises situées sur le territoire de la collectivité.

Erwan Le Bot partage cette option, du point de vue des ménages, tout en soulignant l'ambiguïté relative à la définition de la richesse. Les écarts de richesse entre communes s'expliquent moins par les écarts sur les taxes ménages que par la taxe professionnelle. Aussi, la reforme de la taxe professionnelle, telle qu'elle est lancée, devra peut-être essayer de faire un peu plus de péréquation qu'actuellement. Tous les citoyens, où qu'ils se trouvent sur le territoire, ont en effet le droit d'accéder aux mêmes services et à peu près aux mêmes coûts.

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Mis en ligne le 02/01/2005 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)