Rapport de la Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC) jeudi 27 janvier.

Il s'agit du rapport de la "Commission d'enquête sur la crise financière" (FCIC FINANCIAL CRISIS INQUIRY COMMISSION) demandé par le président des États-Unis; cette commission fut désignée par le Congrès américain en mai 2009. Le rapport a été remis en janvier 2011. Le rapport intégral est ici.


Cet article du Monde du 28/1/2011 par Sylvain Cypel en donne la teneur.

Une distribution générale de paires de claques et un appel implicite à un contrôle plus effectif des marchés : ainsi apparaît le rapport rendu, jeudi 27 janvier, par la Commission d'enquête sur la crise financière (FCIC), désignée par le Congrès américain en mai 2009 à la demande de la Maison Blanche.

Après les auditions de quelque 800 protagonistes et l'épluchage de millions de courriers électroniques, le rapport déroule en cinq grandes sections l'historique de la crise, de "l'aveuglement" initial de ses acteurs à ses "contrecoups". Il n'exempte aucun intervenant de ses responsabilités dans ce que le président de la Réserve fédérale (Fed, banque centrale américaine), Ben Bernanke - qui n'est pas plus épargné que les autres, - a jugé le même jour avoir été "la pire crise de l'histoire (financière), Grande Dépression incluse".

A l'arrivée, la FCIC note que 26 millions d'Américains (un actif sur six) sont aujourd'hui sans emploi ou sous-employés, que 4 millions de familles ont perdu leur toit. Et qu'entre la perte des biens immobiliers, la dévalorisation des retraites et la chute de l'épargne populaire, 11 000 milliards de dollars (8 000 milliards d'euros) de la richesse des foyers américains se sont évaporés.

Cette crise "était évitable ; elle fut le résultat d'actions et d'inactions humaines, et non de Mère Nature ou de modèles informatisés devenus dingues". Cette phrase résume l'un des points d'achoppement essentiel avec les membres républicains de la FCIC (qui ont refusé de rédiger un texte commun) et avec ceux qui, à Wall Street et ailleurs, jugent que la crise a constitué un dérapage incongru, fruit d'événements imprévisibles. Ou encore un moment "cyclique" s'insérant dans la normalité capitaliste. Des arguments exposés par ceux qui entendent en revenir à l'état des choses antérieur.

A l'inverse, la FCIC estime que de nombreux "signes alarmants" ont préexisté "sous nos yeux", mais que les acteurs des marchés les ont massivement mésestimés ou ignorés.

Et d'accabler en premier lieu la Fed, qui avait les moyens d'empêcher la propagation massive de titres de crédit toxiques. "Qu'attendre d'une autoroute où personne n'aurait imposé de limitation de vitesse ?", s'interroge le rapport. La Fed est aussi mise en cause à travers Timothy Geithner, actuel secrétaire au Trésor qui dirigeait sa branche new-yorkaise, et surtout son précédent président, Alan Greenspan, "champion de l'autorégulation" des marchés. Partagée par l'immense majorité du "système" - législateurs, contrôleurs publics, banquiers, entrepreneurs... -, cette idée s'est avérée calamiteuse, juge la commission.

Un exemple : au seul troisième trimestre 2006 avaient été introduits sur les marchés pour 1 700 milliards de titres hypothécaires pourris et de CDO (dérivés de dette). "La Fed a choisi de ne pas agir", a déclaré John Thompson, membre de la commission et PDG de la société informatique Symantec. Dans une lettre du 21 décembre 2010 à la FCIC révélée mercredi, M. Bernanke a admis que la Fed a tardé à percevoir le risque de la bulle immobilière entre 2005 et 2008.

Les autres régulateurs, à commencer par la Securities & Exchange Commission (SEC, contrôleur des marchés), l'ont suivi dans cet aveuglement.

Quant à Wall Street et à ses financiers, solliciteurs de l'inaction publique, leur "responsabilité" est jugée également lourde. Ils ont "pris trop de risques en disposant de trop peu de capital et en dépendant trop de financements de court terme". La commission dénonce notamment la "dérive" de banques d'affaires qui, en une génération, ont évolué en s'investissant immensément plus dans la spéculation pour finir par exonérer leur système de "toute responsabilité financière et éthique".

La banque Goldman Sachs est épinglée pour avoir massivement cherché à se débarrasser de titres qu'elle continuait de proposer à ses clients. De mai 2007 à novembre 2008, 86 % des 155 milliards de dollars commercialisés par sa division crédit immobilier étaient constitués de dérivés de dette.

De leur côté, les agences de notation ont été "un rouage essentiel dans la débâcle". En 2003, le "modèle" utilisé par Moody's tablait sur une hausse annuelle des prix immobiliers de 4 %, sans perspective d'interruption.

Bref, la crise fut la résultante d'"une combinaison d'emprunts excessifs, d'investissements risqués et d'opacité" d'un système qui bénéficiait de la bienveillance des pouvoirs publics. Dès lors, quoique silencieux sur la réforme financière (Loi Dodd-Frank) adoptée en 2010, le rapport induit qu'elle serait trop modeste. Byron Georgiou, un important avocat d'affaires membre de la FCIC, a déclaré que "le système n'est pas vraiment différent aujourd'hui, la concentration des actifs bancaires est même supérieure à ce qu'elle était" avant la crise.

Le rapport se clôt par deux points de vue divergents des républicains de la FCIC. Auteur du premier, Peter Wallison, un financier de renom ex-conseiller de Ronald Reagan, conclut que les administrations Clinton et Bush, pour avoir fait indûment miroiter l'accès de tous à la propriété immobilière, sont les responsables primaires de cette crise, et non la finance. Pour le second, Keith Hennessey, ex-conseiller économique du président George Bush, les démocrates "cherchent à désigner des responsables individuels et des échecs politiques, quand nous (républicains) accordons plus d'influence aux forces économiques".



Mis en ligne le 01/02/2011 pratclif.com