Les tentes de SDF décampent petit à petit de la capitale

Delphine de Mallevoue, Fanny Capel; Figaro 09 août 2006

MENÉE tambour battant, la mission que se sont fixée le gouvernement et la Mairie de Paris pour en finir avec les tentes de SDF disséminées sur les trottoirs parisiens avance à grands pas. Si beaucoup de ces abris de fortune persistent, un nombre significatif disparaît avec l’ouverture de places d’hébergement supplémentaires décidée par le ministère de la Cohésion sociale le mois dernier.

A ce jour, non seulement les 130 places promises par Catherine Vautrin, ministre délégué à la Cohésion sociale, ont été dégagées, mais cinquante autres ont été libérées. Après avoir expressément rouvert, lundi, le centre d’hébergement d’urgence de La Boulangerie, boulevard Ney dans le XVIII e arrondissement, où 76 places sont disponibles, 50 autres ont été mises à disposition dans un pavillon de l’hôpital Maison-Blanche à Neuilly-sur-Marne (Seine-Saint-Denis), tandis qu’une cinquantaine supplémentaire vient d’être trouvée par la Sonacotra. Après un recensement, cet organisme a pu libérer ces places dans une dizaine de foyers et résidences sociales.

Si les acteurs de terrain constatent le départ d’un bon nombre de tentes, comme celles implantées près du métro Sèvres-Lecourbe, personne ne peut affirmer où leurs occupants sont passés. « On ne sait pas s’ils ont rejoint les centres d’hébergement », note Graciella Robert, responsable de la mission SDF à Médecins du Monde. Pour elle, « la politique de dissuasion du gouvernement et les pressions policières » auraient « fait leur oeuvre » dans un certain nombre de sites « touristiquement embarrassants », comme Paris-Plages, sans nécessairement conduire les sans-abris vers les hébergements prévus.

Côté pressions, « des interventions parallèles, indépendantes de la Préfecture de police et de la Mairie ont en effet eu lieu, concède Mylène Stambouli, adjointe chargée de la lutte contre l’exclusion à la Mairie de Paris. Mais maintenant c’est bien fini ». Dans d’autres endroits, comme le canal Saint-Martin, la centaine de tentes sont toujours en place, « sans qu’aucune pression n’ait été faite pour nous déloger », assure Maurice, dit « le Chat ». Hébergements supplémentaires ou pas, ce n’est pas ça qui lui fera sauter le pas. Pour rien au monde. Ici depuis un mois avec sa femme, cet homme de 41 ans préférerait encore dormir dans les TGV de la gare de Lyon, comme il l’a fait pendant des mois, voire dans les parkings de La Défense. « Les centres, j’ai déjà donné, assure-t-il. Les couples sont séparés, il n’y a pas de consigne à bagages et on est obligé de partir à 7 heures le matin. Non merci ! » Un avis que partage Eric, son voisin de tente de 48 ans, ancien militaire, que tout le monde appelle « Nounours ». Pour lui, « le mot hébergement est un gros mot », seul est digne le combat pour le droit au logement. Selon « Nounours », « l’initiative de Médecins du monde est la plus grosse connerie du monde car elle favorise la précarité au lieu de l’éradiquer ».

Un constat sur lequel bon nombre de spécialistes s’accordent, comme Agnès de Fleurieu, la médiatrice nommée par Catherine Vautrin, qui doit publier son rapport mercredi prochain.


Mis à jour le 30/12/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)

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