Note de lecture sur "La France inhibée"

par Alain Gérard Slama Chronique publiée dans le Figaro Magazine du 23/12/2006

Cette chronique d'Alain Gérard Slama dans le Figaro Magazine du 23 décembre 2006, est à mon sens un excellent raccourci de la situation de la France en cette fin d'année 2006. Les problèmes perdurent et la période électorale qui s'annonce ne va pas clarifier les choses. Les propos démagogiques des uns et des autres pour ne fâcher personne, faire miroiter de satisfaire tout le monde, et crier haro sur les prétendues causes extérieures de notre désarroi, contribueront à la confusion et à entretenir l'exception française. Les récentes critiques de Ségolène Royal et de Nicolas Sarkozy de la Banque Centrale Européenne en sont un bon exemple. Et voir cette analyse de Daniel Martin.


Les problèmes de la perte de crédit des pouvoirs, de la chute de la croissance, du creusement des inégalités, du déséquilibre des échanges, de l'immigration et de la pollution liés à la mondialisation hantent l'opinion publique française. Peu de pays accordent, dans les rapports officiels et les débats intellectuels, autant de place que le nôtre à la grande transformation en cours.

Le malheur est que, pour faire face au défi, peu de pays se heurtent, dans des pans entiers de la société, à des blocages aussi obstinés. Sur le plan idéologique, la nouvelle donne économique et sociale, loin d'inciter à rassembler les forces, tend actuellement à durcir le clivage droite-gauche et à apporter des arguments à ceux qui, plutôt que de faire face à la compétition mondiale, préfèrent changer les règles du jeu.

Les modérés se contentent, avec Mme Royal, de bricoler un nouveau modèle de démocratie participative, au risque d'un désordre dont peu lui importe qu'il soit accru, pourvu qu'il soit consenti. Les révolutionnaires agitent, pour changer les modes de production et de consommation, le spectre des délocalisations, des fonds de pension, de la pénurie énergétique et du réchauffement du climat. Ainsi le vieux démon de la rupture tend-il, une fois de plus, à substituer ses mirages à l'urgence de la réforme. Sur le terrain social, la multiplicité même des problèmes à résoudre - emploi, sécurité, intégration, revalorisation du travail, retraites, déficit de l'Etat providence, relance du dialogue social, éducation, recherche, décentralisation, etc. - déploie de façon consternante l'éventail des égoïsmes catégoriels.

Les représentants de chaque secteur de l'activité nationale s'accordent à reconnaître qu'il faut que tous soient solidaires et que chacun retrousse ses manches. Mais les structures mentales, forgées au sein des vieilles organisations, persistent à tourner les attentes vers l'Etat. Les syndicats d'enseignants, de chercheurs, de magistrats, de policiers n'ont de cesse de demander, chacun pour soi, davantage de règles favorables, davantage de moyens. La responsabilisation n'est pas récusée, mais elle a pour condition la redistribution - faire payer les riches - et la hausse des budgets. L'impôt sur la fortune est tabou ; les 35 heures sont intouchables. Mme Royal est revenue, prudemment, à la thèse du partage du travail.

L'intendance doit s'adapter aux besoins, non les besoins à l'intendance. En l'état, le blocage relève moins de l'idéologie, réduite à l'état de réflexe, que de l'inhibition. Il met moins en cause la qualité des hommes que la capacité de passer de la lucidité de l'analyse à l'efficacité de l'action. Cette France inhibée serait définitivement bloquée par des traitements de choc. Si le candidat de l'UMP l'emporte en 2007, il lui faudra accélérer la création, à côté d'elle, d'une France vivante de fondations, services publics, postes, hôpitaux, universités, etc. de statut privé, dont le développement incitera la vieille société à changer ses habitudes.

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Mis en ligne le 27/12/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)