La gauche de droit divin

Par FRANÇOIS D'ORCIVAL Figaro Magazine 16 février 2006

Les jeunes Français votent avec leurs pieds, mais pas comme on le croit. Alors que toute la gauche les appelait à défiler mardi dernier contre le contrat première embauche (CPE), les plus audacieux et les plus volontaires ont déjà franchi le pas : leur premier emploi, ils sont allés le chercher à Londres, Dublin, New York ou Los Angeles, à Melbourne ou à Shanghai. Pourquoi si loin ? Parce qu’ils sont sûrs d’en trouver un, précaire ou pas, malgré la distance, les différences de langue et de culture. Le contrat première embauche ramène l’aventure chez soi, et réapprend à travailler.

« Ça va casser le Code du travail ! » se lamente Dominique Strauss-Kahn au « Grand Jury RTL- Le Figaro-LCI », comme si l’avocat d’affaires qu’il est ne savait pas que le Code du travail, c’est d’abord le code du chômage et de l’exclusion. Plus on entoure le travail d’un carcan de protections et de garanties, plus on paralyse l’embauche.

Quand il prétend que le CPE est « un pas en arrière vers le patron de droit divin », Dominique Strauss-Kahn nous ferait croire que, ministre de l’Economie, il n’a jamais rencontré que des chefs d’entreprises obsédés par l’idée de licencier leurs salariés ! Où est le droit divin du patron ? Faut-il rappeler que seul le client commande ? Sans clients, pas d’activité, pas de salaires, pas de dividendes. C’est le client qui choisit le produit, à son prix, là où il veut. La mondialisation, c’est lui qui l’a faite, en imposant la concurrence des entreprises et des économies. Si l’entreprise fait de mauvaises affaires, accumule des pertes, qui désigne-t-on comme responsable ? Le patron, dont on attend qu’il assume ses risques et l’argent qu’il a engagé. Et l’on voudrait lui interdire de recruter librement ! Il n’y a pas plus d’Etat providence qu’il n’y a d’entreprise providence, selon le mot de Laurence Parisot. La seule providence, c’est le travail.

Qu’a-t-elle donc fait, cette gauche de droit divin qui donne des leçons à la terre entière, pour les jeunes gens qu’elle fait défiler dans la rue ? Elle leur a offert des emplois sous-payés, limités à cinq ans, sans porte de sortie, financés par l’impôt ou par les subventions aux associations, ce qui revient au même. Pas un emploi marchand créateur de richesses. Elle leur a légué ces huit à onze années de recherche d’emploi en moyenne, comme le rappelle Dominique de Villepin, avant d’avoir un « job » stable.

Le CPE est un stimulant au travail : il ne crée pas par lui-même des emplois, seule la croissance peut le faire, mais il fait reculer la peur d’embaucher qui règne dans ce pays. « L’emploi salarié est de 15,3 millions de personnes, le même qu’il y a six mois », dit Strauss-Kahn pour condamner la politique actuelle. Au contraire, il en fait la promotion : comme on sait que les départs en retraite s’accélèrent, cela signifie que les embauches s’accélèrent aussi ; et qu’il était urgent de « tout essayer » pour encourager les recrutements. Voilà pourquoi cette bataille doit être menée « sans esprit de recul ».