Rapporteur Attali, zéro pointé

Jean-Marie Harribey

Le Premier ministre veut noter les membres de son gouvernement à l’aune du rendement des mesures mises en œuvre dans le cadre du programme de Nicolas Sarkozy. Et comme ce dernier a promis de réaliser tout ce que proposerait la commission pour « libérer la croissance » présidée par Jacques Attali, prenons-le au mot et notons les propositions de cette commission qui vient de rendre public son rapport, d’autant qu’elle invite à faire évaluer les enseignements par les usagers. Ça tombe bien pour une notation sur 20, car, sur un total de 316 mesures, elle a fait vingt propositions de « décisions fondamentales » encadrées par huit « ambitions » dans un rapport « ni partisan, ni bipartisan, mais non partisan ».

Commençons par la vingtième car elle conditionne les dix-neuf autres. Baisser d’un point de PIB par an et pendant cinq ans les dépenses publiques. Non partisan ? C’est le programme néolibéral depuis 25 ans. Note pour la copie d’Attali : zéro sur un.

Propositions 1, 3, 5 et 6 : développer l’enseignement (français, lecture, écriture, calcul, anglais, travail de groupe, informatique maîtrisés en 6e ; remarquez l’absence des arts), la recherche et les secteurs d’avenir (numérique, santé, écologie, tourisme, solaire, pile à combustible, biotechnologie, nanotechnologies, neurosciences), le très haut débit (notamment dans l’administration), les infrastructures (ports, aéroports et places financières ; remarquez la confusion entre le réel et le fictif), et le logement social. Objectifs incompatibles avec la proposition 20, sauf à supposer que leur financement viendra du privé. Note : zéro à chacune de ces propositions.

Propositions 2 et 18 : constituer dix grands pôles d’enseignement et de recherche d’excellence et créer des agences pour les principaux services au public et faire évaluer tout service public (école, université, hôpital, administration) par des organes indépendants. La voie est donc ouverte pour réaliser ce que prévoit la loi Pécresse sur l’université : faire entrer le privé dans l’enseignement et la recherche. Et la notion de service public est dénaturée en « service au public », à l’instar des directives européennes, tandis qu’on évaluera ce qu’il en restera avec des critères de rentabilité. Notes : zéro et zéro.

Proposition 4 : mettre en chantier dix « Ecopolis » intégrant technologies vertes et technologies de communication. Toute l’urgence écologique consignée dans une incidente. Note : zéro.

Propositions 7, 8, 13, 14 : accorder des facilités aux entreprises sur la fiscalité, les démarches administratives, liberté des prix et d’installation dans la distribution, l’hôtellerie et le cinéma, ouverture des professions réglementées. Il s’agit de favoriser les PME, donc par rapport aux grandes entreprises. Incohérent avec la concurrence non faussée prônée par ailleurs. Notes : zéro partout.

Propositions 9, 10, 11, 15, 16, 17 : elles concernent toutes le marché du travail. Renvoyer l’essentiel des décisions sociales à la négociation (exit le droit du travail), obliger les entreprises et les administrations à présenter un bilan de la diversité de l’emploi (comme l’actuel bilan social, ça ne coûte pas cher), réduire le coût du travail par le transfert des cotisations sociales vers la CSG et la TVA (donc sans tenir compte de l’augmentation des besoins et de l’iniquité des impôts proportionnels), favoriser la mobilité des travailleurs (que deviennent les sans papiers ?), rémunérer les chercheurs d’emploi en formation (incompatible avec la réduction des dépenses publiques), et sécuriser la rupture amiable du contrat de travail (pourquoi sécuriser : entre amis, n’est-ce pas sûr ?). Notes : zéro partout.

Proposition 12 : allonger la durée d’activité sans limite d’âge, qui résonne comme en écho à la possibilité donnée aux entreprises de déroger à la durée légale du travail. Pour avoir sonné le glas de la RTT, note : zéro.

Proposition 19 : supprimer les départements. A-t-on demandé leur avis aux citoyens ? Par exemple, par référendum, avant qu’il ne tombe en désuétude… Note : zéro.

Total des points obtenus par le rapporteur Attali : zéro. Mais l’orientation ultra libérale ne se niche pas seulement à l’intérieur de chacune de ces propositions qualifiées de « fondamentales ». Elle inspire la totalité des ambitions affichées par la commission Attali dont la philosophie est résolument productiviste, sans que soit esquissée la moindre interrogation sur le bien-fondé d’une croissance économique espérée à hauteur de 5% par an, comme dans l’après-guerre ou comme dans les pays émergents aujourd’hui. « Même si chaque Français produit 5% de plus par heure travaillée que chaque Américain, il produit 35% de moins que lui au cours de sa vie active », écrit Attali. Confondre, en terme d’objectif, l’efficacité, mesurée par la productivité horaire, et le productivisme, défini par la recherche d’une productivité individuelle toujours plus grande, vaut au rapporteur Attali un zéro pointé.

Sur fond de crise financière, on est partagé entre un éclat de rire et l’abattement en voyant loué le « rôle important des fonds de pension et des marchés financiers » dans la réussite de l’économie américaine. Zéro doublement pointé.

Voir aussi le blog 11 ci-dessous.


Mis en ligne le 22/06/2008 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) sites web http://paysdefayence.blogspot.com et http://pratclif.com