La fin des prescripteurs publics

par Brice Hortefeux
Secrétaire général délégué dé l'UMP et ministre délégué aux Collectivités territoriales.

Les prescripteurs publics auraient-ils perdu la main ? Quelques vieilles recettes, quelques mots magiques, un air inspiré... et le tour était joué. Et puis, d'un coup, tout s'est déglingué: on dissout l'Assemblée pour revigorer la majorité, et c'est l'opposition qui l'emporte. On suppute les chances de Jacques Chirac et de Lionel Jospin au second tour de la présidentielle, et c'est un duel le Pen-Chirac. On tergiverse sur le niveau qu'atteindra le oui a la Constitution européenne, et c'est le non qui gagne haut la main. Tout récemment encore, les donneurs de leçons prédisaient la chute de Nicolas Sarkozy sur fond de crise des banlieues, une crise que lui-même aurait creusé, et le voici, aujourd'hui renforcé et légitimé auprès de l'opinion.

De toute évidence, les courroies de transmission entre les faiseurs d'opinion et les Français sont cassées, les thermomètres dérèglés. Faillite de l'idée républicaine ou avancée du fait démocratique, les grands oracles de la République n'ont plus de prise sur les Français. Le décalage est grandissant entre une France à laquelle on veut faire croire et celle à laquelle beaucoup ne croient plus.

1. Longtemps, est vrai, Français ont vu leur vie encadrée - le curé, l'instituteur, le service militaire... qui leur dictaient une conduite et leur offraient un kit de valeurs établies. L'école, pour commencer, ne remplit plus les missions des hussards noirs de la République qui enseignaient à des générations que nos ancêtres étaient gaulois, que 1515, c'était Marignan, et 63, le Puy-de-Dôme. Elle peine aujourd'hui à faire acquérir les nouveaux savoirs fondamentaux à une société chaque jour plus diverse.

La disparition du service national a, quant à elle, privé de nombreux Français d'une occasion de rencontrer d'autres concitoyens d'origines différentes. La création du dispositif «Défense deuxième chance» et l'annonce récente par le premier ministre, Dominique de Villepin, d'un service civique, s'efforcent, à juste titre, de pallier ce vide. S'agissant des intellectuels, force est de constater que, à quelques exceptions heureuses près, leurs controverses n'intéressent plus grand monde.

Enfin, les médias sont victimes de leur diversification et de leurs succès. Nous ne vivons plus à une époque où une chaîne unique s'adressait à un public restreint et lui assénait quelques solides références républicaines. Aujourd'hui, le zapping aidant, chacun peut faire son marché audiovisuel, s'ancrer dans ses goûts et ses convictions, ou choisir la diversité des opinions ou des émissions. Les médias donnent accès à tout mais ne commandent personne. Ils sont un pouvoir en soi mais n'en ont plus guère sur quiconque.

2. Impuissants et désorientés, les responsables politiques assistent à cette évolution qui voit les valeurs les plus sacrées s'effriter, mais aussi leur emprise sur la société s'effondrer. Ils se sont, peu à peu, englués dans une forme de pensée unique, tournant sept fois leur langue de bois dans leur bouche avant de parler et laissant une bonne part de l'électorat se réfugier dans les votes extrêmes ou préférer la pêche à la ligne les dimanches d'élection. L'alternance puis les cohabitations ont amené la gauche à devenir gestionnaire et à renoncer à "changer la vie", tandis que la droite et le centre se refusaient à s'assumer et à défendre leurs valeurs.

Dès lors, la classe politique a pris le risque d'apparaître comme un cercle d'admiration mutuelle où chacun cultive des querelles byzantines pour mieux afficher sa singularité. Cela aurait pu durer si la France allait bien. Aujourd'hui, les problèmes de l'emploi, de la compétition économique et la crise d'identité sociale rendent cet unanimisme de façade plus intolérable aux Français qui voient bien que les potions magiques n'ont plus d'effet. D'autant plus intolérable que le politiquement correct, avec son escorte de tabous, empêche l'homme politique bien élevé de soulever les vraies questions

3. L'exemple des récentes violences urbaines illustre bien le décalage entre les débats interdits et les attentes réelles des Français. Comment s'étonner que les Français approuvent une politique de fermeté prônée par Nicolas Sarkozy qui, lors des violences, a permis d'interpeller 3 200 personnes et de créer une remarquable complémentarité entre la police et la justice ? Au nom de quoi faudrait-il interdire une justice pour les mineurs lorsque ceux-ci incendient des voitures, battent à mort d'honnêtes citoyens et violent des jeunes filles? Trop souvent, l'angélisme du politiquement correct sert de paravent aux pires turpitudes.

Des milliards ont été investis dans les quartiers, mais la grande mécanique de la politique de la ville n'a pas su apporter les réponses basiques attendues. Si des jeunes trainent dans les cages d'escalier, c'est aussi parce que les familles sont nombreuses, les logements de petite taille, et qu'ils n'ont pas d'autre choix. Encore faudrait-il mettre à leur disposition des locaux, même très simples, accessibles le soir et le week-end, où ils pourraient se retrouver, faire de la musique...

A ceux qui réclament une pensée lyophilisée et un langage aseptisé, il faut apprendre que l'opinion publique n'est plus une pâte à modeler mais seulement la somme d'opinions individuelles qui forgent leurs convictions dans la vie quotidienne. C'est sans doute là une opinion publique adulte.

4. Qu'attendent aujourd'hui nos concitoyens ? Qu'on leur parle franchement, qu'on agisse concrètement et qu'on les représente sincèrement. L'immense mérite de Nicolas Sarkozy est de faire les trois: parler aux Français comme eux, dire ce qu'il fait, et faire ce qu'il dit.

Comme président de l'UMP, Nicolas Sarkozy redonne la parole aux Français. De débats en votes internes, il y insuffle le vent de la démocratie. C'est précisément parce que l'UMP concrétise cette relation directe avec les Français, qu'elle est devenue la première formation militante de notre pays! De 120000 adhérents il y a un an, l'UMP est passée à 200000. Ces hommes et ces femmes qui ont rejoint l'UMP sont de toutes origines sociales et sensibilités politiques et, fait révélateur, 78 % d'entre eux n'avaient jamais été membres d'un parti. De récents sondages montrent, eux, à quel point Nicolas Sarkozy rassemble les sympathisants de la droite et du centre.

En choisissant d'incarner la France telle qu'elle est, Nicolas Sarkozy tire les leçons de la fin des prescripteurs publics. Conscient du fait que colmater les brèches ne suffira pas, il tente de redonner du sens à la politique pour que chacun d'entre nous se retrouve dans la voix et l'action de nos dirigeants.