Milton Friedman (1912-2006), l'homme qui a réhabilité l'économie de marché

Milton Friedman s'est éteint à l'âge de quatre-vingt-quatorze ans. Avec Keynes, c'est l'économiste qui a le plus influencé les politiques du XXè siècle. David Victoroff Spectacle du Monde décembre 2006

Notes de lecture.

Milton Friedman s'est éteint le 16 novembre dernier. Ce fils d'immigrés d'Europe centrale, né aux Etats-Unis en 1912, a connu dans sa jeunesse le krach de 1929 et la grande dépression, tout comme son aîné John Maynard Keynes, économiste anglais à qui il a souvent été opposé.

Voir les grands courants de l'économie (anglais). et (français).

Pour le Britannique, la crise et son chômage de masse démontraient l'échec du marché et l'obligation pour l'Etat d'intervenir afin de stimuler la demande. Ses thèses ont conduit au New Deal, mis en oeuvre par le président Roosevelt à partir de 1934, un programme de grands travaux et de mesures sociales, comme le salaire minimum et le contrôle des prix. Cette politique fut poursuivie en Grande-Bretagne avec l'arrivée des travaillistes au pouvoir et l'instauration du Welfare State, l'Etat-providence.

Milton Friedman pensait, lui, que la crise était due, non à l'échec du marché, mais au contraire, à une trop grande intervention de l'Etat. La responsabilité du marasme des années 1930 incombait pour lui à la Réserve fédérale. Après le krach boursier, elle avait freiné la création de la monnaie en 'relevant les taux d'intérêt alors qu'il eût fallu, à l'inverse, faciliter l'accès au crédit. Les grands travaux et les dépenses sociales retirent des ressources disponibles aux agents économiques, entreprises et particuliers, mieux à même que le gouvernement de savoir comment employer les ressources disponibles. Une fois dissipée l'illusion de prospérité créée par les largesses de l'Etat, ces dépenses, sans création de richesse en contrepartie, conduisent à l'inflation et au chômage. La seule manière appropriée d'intervenir dans la gestion de l'économie, c'est de régler la quantité de monnaie en circulation.

C'est le « monétarisme » professé à l'université de Chicago.

Cette théorie a reçu une application éclatante au Chili après le coup d'État d'Augusto Pinochet. La reprise économique avec la croissance retrouvée, l'arrêt de l'inflation à 2 chiffres et de l'exode des capitaux à l'étranger, s'est produit dès la fin des années 1970 et tout le long des années 1980.

Jusqu'au milieu des années 1970, le point de vue keynésien a prévalu. Une moitié du monde, sous l'emprise communiste, niait l'efficacité du marché et la capacité de l'individu à décider de ce qui est bon pour lui. L'autre moitié, gouvernée par les sociaux-démocrates, croyait certes à la liberté d'entreprendre, mais s'appuyait sur l'interventionnisme économique et social de l'Etat pour corriger le marché.
A partir du premier choc pétrolier, en 1973, contrairement à l'enseignement de Keynes, le chômage s'est mis à monter en même temps que l'inflation : c'était la stagflation.

Milton Friedman obtient le prix Nobel d'économie en 1976. Avec ses
disciples, les « Chicago Boys », il conseille les républicains. Lorsque
l'administration de Ronald Reagan arrive aux affaires, en 1981, elle
commence à faire sauter tous les verrous qui s'opposaient à la libre
concurrence et au libre jeu des lois du marché. Le gouverneur de la Réserve fédérale, Paul Volker, nommé par Jimmy Carter et reconduit par Ronald Reagan, applique les théories de Friedman en fixant des objectifs de progression de la masse monétaire. La stagflation laisse peu à peu la place à la croissance et au plein-emploi.

L'application de la méthode eut des résultats spectaculaires au Chili après le coup d'État d'Augusto Pinochet. La reprise économique avec la croissance retrouvée, l'arrêt de l'inflation à 2 chiffres et de l'exode des capitaux à l'étranger, s'est produit dès la fin des années 1970 et tout le long des années 1980. Voir cet aspect jugé positif de la période Pinochet au Chili.

En Grande-Bretagne, Margaret Thatcher, inspirée par Friedman et par un autre économiste, Friedrich von Hayek, le père du libéralisme, libère son pays de la tutelle syndicale et élargit le secteur privé tout en assouplissant l'Etat-providence et la réglementation du travail. Les deux pays anglo-saxons, voués par les Cassandre à un déclin irrémédiable, retrouvaient prospérité et puissance.

Approfondir/En savoir plus sur le libéralisme.

Les leçons de Milton Friedman ne sont plus guère contestées. Il compte de nombreux disciples jusque dans les anciens pays communistes convertis au capitalisme. Keynes, disparu quarante ans avant lui, a encore des adeptes, fervents partisans de la dépense publique comme moyen de combattre la récession. Mais l'émergence de nouveaux pays industriels a considérablement réduit les marges d'intervention des Etats nationaux. Les théories économiques libérales rendent aujourd'hui mieux compte du monde tel qu'il est.

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Mis en ligne le 16/12/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)