Un effort collectif de redressement est nécessaire

Il est urgent d'en convaincre l'opinion
Michel Pébereau dans Figaro Magazine 28 avril 2006
(Michel Pébereau a animé la commission chargée de réfléchir sur la dette de la France)

En France, l'air du déclin est depuis quelque temps à la mode. On peut le comprendre tant que le déclin est considéré comme un risque à conjurer. On ne saurait l'accepter dès lors qu'il serait présenté comme une fatalité à subir. C'est vrai que les performances de notre pays en matière de croissance, de niveau de vie et d'emploi ne sont pas à la hauteur de nos attentes depuis la fin des années 70. Notre taux de croissance a été en retrait par rapport à celui des économies les plus dynamiques. Notre niveau de vie, s'il augmente chaque année, a cessé de converger vers celui des pays plus riches depuis plus de vingt ans. Et nous ne profitons aujourd'hui que marginalement de l'accélération de la croissance mondiale qui atteint un rythme sans précédent depuis trente ans. Plus grave encore : notre cohésion sociale est minée par la persistance d'un chômage de masse. La France affiche l'une des plus mauvaises performances de l'OCDE en matière de chômage des jeunes et de chômage de longue durée.

Et puis l'avenir est préoccupant. Nous avons bénéficié jusqu'à présent, presque seuls avec les Etats-Unis parmi les pays industrialisés, d'un accroissement de notre population active. Or, nous sommes en train de perdre, et pour très longtemps, cet avantage pour la croissance du fait du vieillissement de notre population. On ne peut pas attendre d'amélioration spontanée de notre capacité de création de richesses et d'emplois. Si rien ne change, notre croissance potentielle va passer de 2 % à 1,5 % l'an.

Pourtant la France ne manque ni d'atouts, ni de capacités de progrès. Elle reste l'un des pays du monde dont le niveau de vie est le plus élevé, et ses mécanismes de solidarité sont exceptionnellement étendus. La qualité de ses infrastructures d'énergie, de transport, ou de télécommunications est un avantage comparatif de notre territoire clans la compétition internationale. Surtout, la plupart de ses entreprises, et leurs salariés, démontrent une vitalité et une capacité d'adaptation formidables.

Face à une concurrence sans cesse renforcée par l'ouverture croissante des frontières, elles ont su faire évoluer leur stratégie, moderniser leur organisation, intégrer les nouvelles technologies, améliorer leur compétitivité : elles sont armées pour faire face aux défis de la mondialisation et pour saisir les opportunités que celle-ci va offrir.

Mais alors, pourquoi ces performances décevantes de notre économie nationale ? Pourquoi ces doutes sur son avenir ? Notre handicap se situe au niveau de notre sphère publique, que nous n'avons pas su adapter assez vite aux évolutions de l'environnement mondial. Cette sphère publique s'est considérablement alourdie. Notre pays est malade d'une succession de vingt-cinq années de déficits publics. Le quintuplernent, en euros constants, de notre dette publique n'est pas le résultat d'un effort structuré pour lacroissance et la préparation de l'avenir, mais le choix de la facilité ; il a compensé une gestion insuffisamment rigoureuse des dépenses publiques. Or, la démographie va peser sur l'ensemble des comptes publics dans les années à venir. Les marges de manoeuvre de l'action publique, face au choc démographique qui frappe les comptes sociaux et aux défis de la nouvelle répartition mondiale du travail seront limitées, si rien ne change. En outre, notre sphère publique est responsable d'une inflation normative qui pèse sur l'initiative et l'emploi.

Nous n'avons pas su engager, dans la durée, et dans le consensus, les grands chantiers de réforme qui s'imposaient, notamment au niveau des structures et des finances publiques, des régimes sociaux, de l'éducation nationale, de la réglementation du travail, de l'enseignement supérieur et de la recherche.

Le retard accusé par la sphère publique dans une société où elle occupe historiquement une place centrale affecte la compétitivité de notre territoire national, et fragilise l'ensemble du tissu économique et social. La plupart de nos partenaires se sont engagés résolument sur la voie de la réforme. Si nous ne faisions rien, le risque que la France décroche du peloton de tète des pays industrialisés serait bien réel. Pour exploiter les formidables atouts de notre pays, un effort collectif de redressement est nécessaire.

Rien n'est plus urgent que d'en convaincre l'opinion publique. Les échéances électorales de 2007 revêtent un caractère décisif. C'est dans cette perspective que s'inscrit l'ouverture du site www.debat2007.fr. Par cette initiative, l'Institut de l'Entreprise, qui est un centre de réflexions indépendant, animé par des hommes et des femmes d'entreprise, souhaite donner un nouvel élan au débat sur les questions économiques et sociales. Il s'agit de rendre à ces questions, le plus souvent occultées lors des grandes échéances électorales et reléguées à un échange confidentiel entre spécialistes, la place centrale qui leur revient dans le débat public. Parallèlement à cette activité en ligne, l'Institut de l'Entreprise prépare, au sein de ses groupes de travail, une série de propositions de réformes qui seront soumises au début de l'année 2007 aux candidats à la présidence de la République. Notre pays n'est pas condamné au déclin. Dans le monde, et notamment dans les entreprises, les Français apportent chaque jour la preuve de leur dynamisme et de leur créativité. Ces qualités doivent nous permettre d'assurer la réforme de notre sphère publique qui est nécessaire, et urgente. Nous pouvons remettre finances et réglementations publiques au service de la croissance économique et de la cohésion sociale de notre pays.

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Mis en ligne le 28/04/2006 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr)