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Pourquoi les principes de la démocratie représentative
formulés au siècle des lumières restent d'actualité

Quels sont les grands principes de notre démocratie représentative formulés par les grands penseurs des 18è et 19è siècles? Est ce que nous nous en sommes écartés? Si oui, pourquoi devons nous y revenir, alors que nous sommes au XXIè siècle, dans des conditions différentes?

Mais d'abord une réflexion sur l'espèce humaine. Nous sommes aujourd'hui en 2009 6.7 milliards sur la planète et, au rythme d'accroissement actuel, notre nombre continue d'augmenter de 73 millions chaque année, soit l'équivalent d'une Turquie tous les ans (+1.11% d'accroissement naturel). Voir tableau de croissance de la population modiale. En de multiples endroits du monde, la population exerce une pression de plus en plus grande sur les ressources disponibles; l'eau, les forêts, les terres arables, les ressources naturelles minières et agricoles. C'est toujours plus de combustibles fossiles à extraire et à brûler; toujours plus de CO2 dans l'atmosphère, toujours plus de déchets, de polluants toxiques, etc.

Sans les caractères qui font de nous une espèce unique dans l'histoire géologique et de l'évolution de la vie au cours des 4.5 milliards d'années de la planète nous serions, comme nos cousins les chimpanzés avec qui nous partageons 98.5% de nos gènes, une toute petite population quelque part en Afrique, de la taille d'une petite ville de province. Mais les 1.5% de gènes différents ont fait de nous des hommes 100% modernes avec notre cerveau qui nous confère l'intelligence, la capacité de faire des projets et de réfléchir sur nous mêmes, notre mort, et notre place dans l'univers.

Bipèdes intelligents et dotés de la capacité du langage articulé, nous nous sommes libérés de la machine évolutive de Darwin, la "sélection naturelle", et nous suivons désormais notre propre processus de développement "culturel", unique parmi toutes les formes de la vie. Croissez, multipliez vous, dominez la terre et les animaux, nous disait la bible naguère. Avec tout cela, nous avons peuplé la planète entière dans tous ses recoins, ce qu'aucune forme de vie n'a pu faire et nous sommes 6.7 milliards en 2009; nous serons 13 milliards en 2050 si aucun cataclysme ne vient perturber notre croissance? est-ce possible? Quand je suis né en 1935, nous étions 1.8  milliards.

Quel est le rapport avec la démocratie représentative et le siècle des lumières? Le rapport c'est que tout est interconnecté dans notre représentation et notre compréhension de ce qui se passe sur la planète et dans le cosmos. Nous avons suivi un processus d'évolution culturelle des milliers de fois plus rapide que l'évolution génétique qui s'est déroulée au cours des 5-7 millions d'années qui nous séparent des premiers fossiles d'hominidés; et notre première apparition de vrais hommes modernes, cad. ayant laissé des traces d'acculturation, remonte à 35-45 000 ans seulement. Pourquoi? parce que pour la première fois, c'est à ce moment là que nous trouvons dans les archives fossiles, des outils perfectionnés, multiples et répétitifs et à fonction précise, et aussi des manifestations de notre cerveau sous la forme de peintures rupestres preuve d'abstraction et sans doute de l'acquisition du langage articulé.

A partir de ce moment les choses ont commencé à évoluer beaucoup plus vite qu'avant. Nous en sommes restés aux outils de pierre et à la chasse cueillette encore pendant 25 000 ans; sans doute à cause de conditions climatiques défavorables - la glaciation quaternaire ne s'est terminée qu'il y a 12000 ans - mais notre maîtrise des techniques employées s'accroissait. Et progressivement, pour assurer notre subsistance de manière plus sûre, nous avons adopté l'agriculture et l'élevage il y a 8000-10000 ans. Ce fut la première grande révolution technologique de l'humanité. Elle permit la sédentarisation et le développement de villages et de cités, et la croissance de nos effectifs d'une manière inconnue jusqu'alors. C'est à partir de ce moment là qu'il a fallu s'organiser de manière "politique". Les chefs, les dirigeants et les puissants sont devenus nécessaires; et les prêtres, sorciers et autres gourous qui expliquaient les phénomènes incompris, sont apparus. Puis nous avons inventé l'écriture il y a 4000-500O ans, la métallurgie du cuivre puis celle du bronze.

Tout cela s'est déroulé en Mésopotamie, l'Irak actuel, et s'est rapidement répandu à travers toute l'Eurasie, vers l'Ouest jusqu'à la limite naturelle de l'océan Atlantique et vers l'Est jusqu'à la limite naturelle de l'océan Pacique, dans une bande de latitude relativement étroite, ce qui favorisait la diffusion des cultivars et des techniques.

Pendant les premiers 25 000 ans, d'autres communautés d'hommes modernes, identiques à nous, ont progressé jusqu'en Australie, et d'autres jusqu'en Amérique du Nord par le détroit de Bering à partir d'où ils ont peuplé les deux continents des Amériques. Mais nous nous sommes séparés et perdus de vue, jusqu'en 1492 pour les Amériques, et jusqu'au 18è siècle pour l'Australie.

En Europe de l'Ouest, des civilisations brillantes se sont alors développées en Egypte, puis en Grèce et ensuite à Rome; ces deux dernières civilisations nous laissé l'architecture, la sculpture, les mosaïques, et plus encore des textes écrits, de littérature, de philosophie, et de sciences, témoins des langages parlés, le Grec et le Latin. Et de là, tout l'espace européen, de l'Atlantique à l'Oural, s'est organisé, de manière similaire avec des différences certes, liées aux particularités de populations séparées par la géographie, mais qui n'étaient pas infranchissables et n'empêchaient pas les échanges. La religion chrétienne est apparue, l'église catholique romaine s'est installée, le moyen âge, la féodalité, le pouvoir royal et les monarchies absolues, tout cela se battant et s'entre tuant allègrement et fréquemment. Et pendant ce temps, la population croissait. Mais les maladies infectieuses, transmises par les animaux domestiques au contact desquels l'agriculture et l'élevage nous avaient amenés, limitaient fortement nos effectifs. Parfois des pandémies, comme la peste, le choléra, la variole ou la syphilis, réduisaient dramatiquement nos effectifs; au point que certains villages et villes étaient quasiment conduits à l'extinction.

D'autres évènements importants égrènent l'histoire de l'occident: l'apparition de l'Islam et sa formidable expansion, en moins d'un siècle, d'Est en Ouest par l'Afrique du Nord jusqu'à l'Espagne et même à jusqu'à Poitiers en 732, puis le schisme de Byzance devenue Constaninople et l'émergence de l'orthodoxie puis les croisades et l'affrontement entre l'occident et l'Islam dans les lieux saints et le croissant fertile. Il y eut ensuite la réforme protestante, une opposition à la primauté que l'église catholique voulait imposer à l'ensemble de l'Europe.

C'est à partir du 15è siècle qu'une nouvelle évolution culturelle se manifeste; les européens, grâce à la technologie de construction de navires de haute mer, se lancent à la découverte des horizons inconnus vers l'Ouest. Les portugais contournent l'Afrique par l'Ouest, la remontent vers l'Est et relient l'Afrique et l'Asie du Sud-Est. Les espagnols découvrent les Continents américains et les populations d'hommes qui s'y étaient installés venant d'Asie et dont nous nous étions séparés il y a 20 00O ans. Tous les européens se sont alors rués vers ce "nouveau monde" mais la confrontation entre des populations qui s'étaient séparés plus de 20 000 ans avant, et qui avaient suivi des trajectoires culturelles différentes notamment en matière de religion, d'agriculture et d'élevage, fut tragique, surtout pour les populations américaines. Celles-ci furent décimées en nombre par les maladies infectieuses auxquelles les européens s'étaient progressivement immunisées, variole notamment, sans doute autant, voire plus, que par les exactions des Pizarro ou des Cortez.

L'explosion de l'Europe vers les Amériques et les autres parties de la planète, permises par les progrès de la navigation maritime, contribua à des progrès techniques dans tous les domaines, notamment avec la boussole, l'horloge et le sextant. Et la nécessité d'approvisionner en matières, en produits et en services, tout ce développement et bouillonnement d'idées, fut un formidable moteur d'essor, notamment pour les populations de l'Europe de l'Ouest.

La deuxième grande révolution de l'homme moderne, après l'agriculture et l'élevage, allait commencer. C'est la révolution industrielle, d'où date ce que l'on peut qualifier "notre modernité". Elle fut provoquée par l'invention de la machine à vapeur. James Watt en Angleterre en est l'inventeur attitré, mais d'autres restés dans la pénombre, avaient sans doute commencé avant lui. Toujours est-il que la machine à vapeur, grâce au régulateur de vitesse et d'admission de la vapeur, se répandit en quelques années en Angleterre, avant tous les autres, lui conférant un avantage dont elle usa pendant plus d'un siècle. La machine à vapeur permit la mécanisation de la fabrication des textiles. Et comme le bois commençait à manquer, on fit du charbon de bois, mais comme les forêts disparaissaient à vitesse grand V, on passa au charbon qu'on connaissait en affleurements en de nombreux endroits d'Angleterre et qu'on utilisait localement pour le chauffage. La machine à vapeur allait alors permettre l'exploitation des mines de charbon. Puis vint la technologie du fer liquide nécessitant des températures de 1500°C avec les hauts-fourneaux, puis de l'acier avec les convertisseurs. Jusqu'alors le fer n'était travaillé qu'à l'état pâteux, à la forge du forgeron. Avec le fer liquide, la sidérugie naissait et prenait son essor. Machine à vapeur, charbon, sidérurgie, allaient permettre le chemin de fer et la révolution des transports.

Pendant ce temps, les inventeurs de tout cela, hommes de science et penseurs de tous bords, réflechissaient pour comprendre comment tout cela fonctionnait. Le système "politique" était alors la monarchie plus ou moins absolue. Les tenants du pouvoir, roi, nobles et clergé, s'accaparaient la production du bon peuple, pour vivre leur vie de privilègiés, pour faire la guerre. Sous Louis XIV, Fénelon qui avait été son précepteur, avait l'audace de critiquer le roi soleil en lui écrivant directement. Il lui disait que le peuple de France était misérable et près de la révolte. Il fustigeait déjà les richesses de la capitale, les gaspillages et les privilèges des nobles et du clergé. Cent ans après, la France faisait sa révolution, décapitait son roi Louis XVI, guillotinait des milliers de nobles et de membres du clergé et faisait trembler l'Europe entière, par les répercussions que cette révolution pouvait avoir pour les pouvoirs établis. La révolution française, comme la révolution américaine quelques années plus tôt mais dans le même esprit des "lumières", fut l'évènement fondateur de notre démocratie moderne avec la déclaration des droits de l'homme.

Pendant les 100-150 ans précédant la révolution de 1789, en France des hommes comme Voltaire, René Descartes le père de la philosophie moderne, Condorcet avec "esquisse d'un tableau historique des progrès de l'esprit humain", Montesquieu dans "l'esprit des lois", Rousseau dans le contrat social, en Angleterre Adam Smith, John Locke et Francis Bacon contemporain de Descartes pour ne citer que ceux-là, formulaient un système d'organisation de notre société plus juste, plus équitable que celui qui existait alors. Et c'est le Marquis de Lafayette qui rédigea la déclaration des droits de l'homme de 1789, qui allait constituer le fondement de notre démocratie et celle des pays occidentaux, dont les Etats-Unis d'Amérique. Leur constitution de 1787 s'inspirait fortement des philosophes des lumières et notamment de la séparation des pouvoirs exprimée par Montesquieu dans "l'esprit des Lois".

Je cite ci-après un évènement qui montre combien la démocratie était attendue avec espoir par nos compatriotes au 18è siècle: "Le 1er juillet 1766, à Abbeville, sous une pluie battante, brisé, mutilé, un jeune homme de dix-neuf ans monte sur l'échafaud, encore ahuri de ce qu'on pût faire mourir un gentilhomme pour si peu de chose. Et sa tête rejoignit le panier."

Quelle fut la faute de Jean-François Lefebvre, ce jeune homme de bonne famille ? Le Parlement de Paris lui reprocha de ne pas avoir ôté son chapeau et de ne pas s'être mis à genoux devant le passage du Saint-Sacrement le jour de la Fête Dieu. Le siècle des lumières était encore balbutiant!"

Nous pouvons maintenant passer à l'examen de la pertinence du modèle des lumières à la situation d'aujourd'hui.

Suite.


Mis en ligne le 09/05/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) Portail: http://pratclif.com