Chine: l'imbroglio des quotas textiles

Figaro 30 août 2005

Chaque jour qui passe, la crise textile sino-européenne devient un peu plus complexe, sans espoir de résolution immédiate. Hier, Peter Mandelson s'est solennellement engagé à libérer les quelque 75 millions de marchandises bloquées aux frontières de l'Union, mais sans préciser les moyens qu'il entendait pour cela mettre en oeuvre. «Tous les biens seront débloqués», a affirmé le commissaire européen au Commerce, tout en affichant sa «préoccupation première de préserver l'accord initial du 10 juin 2005», qui a instauré les systèmes de quotas. Or, un tel compromis nécessite un «équilibre entre les intérêts des Chinois et ceux des Etats membres», qui n'est pas encore trouvé. La délégation mandatée par la Commission est rentrée hier bredouille de Pékin, tandis que les 25 capitales ne sont pas d'accord entre elles sur la nature des remèdes à apporter à la crise.

C'est précisément aux États membres, par le biais des autorités douanières nationales, que revient la responsabilité de débloquer les marchandises. La semaine dernière, la situation avait été qualifiée d'urgente par les 25, qui appelaient alors à une «solution». En annonçant lui même un déblocage, Mandelson ne fait que prendre au mot les États membres, mais en allant plus vite que la musique. Au passage il prend fait et cause pour les importateurs, qu'il avait accusés le 9 août dernier de «contrevenir aux restrictions imposées en juin».

Si les quelque 75 millions de marchandises parviennent au bout du compte à s'écouler sur le marché européen, l'accord de juin devra être révisé et les quotas réaménagés à la hausse. Une idée serait d'utiliser dès maintenant les quotas 2006, plus généreux que ceux prévus pour 2005, mais les Chinois rejettent une solution qui aurait pour conséquence de leur lier les mains. Ils préfèrent une simple hausse pour 2005, indépendante de l'an prochain. Hier, Mandelson a appelé Pékin à accepter la part de «l'obligation morale et politique» que le pays avait contracté dans la crise actuelle.

De son côté, la fédération des fabricants de textile Euratex estime que toute hausse de quotas en 2005 représenterait un «cadeau accordé sur le dos de l'industrie». Le cas échéant, Euratex réclamerait des «contre parties». Resterait également à convaincre les pays les plus protectionnistes, comme la France ou l'Italie.

Une autre solution consisterait alors à allouer les quotas 2005 actuellement non remplis (comme les produits en coton tissé) à d'autres catégories de produits (pulls, chemisiers), qui ont déjà crevé les plafonds. Mais «cette solution ne serait pas très efficace, car neuf produits sur dix seront très bientôt dans ce dernier cas de figure», rétorque Euratex. Paris, pour sa part, se refusait hier à commenter les propositions de Peter Mandelson, qui doivent être transmises aujourd'hui aux 25. Un comité textile européen doit se réunir ensuite en milieu de semaine.

«Dans cette affaire, le diable se niche dans les détails», commente une source communautaire. La situation est d'autant plus délicate que la Chine discute également avec les Etats-Unis. La délégation américaine, conduite par David Spooner, va tenter, à partir d'aujourd'hui, de trouver un accord afin d'endiguer le flot d'importations de textiles chinois.