Allocution prononcée par le général de Gaulle devant l'Assemblée consultative, le 18 juin 1944.

Je ne me permettrai pas d'évoquer, dans cette grande séance, quoi que ce soit de personnel.

Si l'appel du 18 juin 1940 a revêtu sa signification, c'est simplement parce que la nation française a jugé bon de l'écouter et d'y répondre, c'est parce que, malgré ses malheurs, l'honneur, la victoire, la liberté, demeuraient au fond de son instinctive volonté. Tant il est vrai que rien ne vaut excepté de lui obéir.

Mais, puisqu'il fut démontré depuis par tant de combats obscurs ou éclatants, puisqu'il est démontré aujourd'hui même par le témoignage magnifique de votre assemblée, comme par l'immense concours du peuple, que c'est bien dans les voies indiquées il y a quatre ans que le pays entend accomplir sa libération et sa rénovation, il appartient à tous ceux qui le servent — et d'abord à son gouvernement — d'être fidèles à ces intentions.

Oh! ce n'est pas que la tâche soit facile! L'effort de la France, pour se redresser sous le poids des armes de l'ennemi, est un effort sans exemple. S'il est vrai que la coalition, tardivement mais enfin accomplie, des grandes forces de la liberté apporte désormais à la France la possibilité du salut, comme réciproquement son sacrifice d'hier et son concours d'aujourd'hui leur permettent maintenant de triompher à côté d'elle, il n'est pas moins évident que la phase suprême de la lutte comporte pour elle, encore une fois, les sacrifices les plus grands sans lui assurer toujours la compréhension des autres.

Mais le rassemblement national pour la guerre et pour la grandeur que symbolise cet anniversaire a été accompli en toute connaissance de cause. Les Français, à mesure qu'ils l'ont réalisé, pas à pas, jusqu'à son terme, avaient bien mesuré quelles difllcultés immenses cette entreprise comportait pour leur pays.

Vieux peuple façonné par les leçons d'une dure Histoire, ils n'ignorent pas combien il est pénible de remonter la pente de l'abîme. Nation qu'une longue expérience humaine a éclairée sur la psychologie des autres, ils savaient bien que l'appui extérieur serait quelquefois tâtonnant, que leurs meilleurs amis, si nombreux qu'ils fussent dans le monde, ne leur fourniraient pas toujours un concours immédiat et complet. La France peut le regretter, elle ne s'en trouble ni ne s'en étonne. Si les obstacles qui lui barraient la route, le 18 juin 1940, ne l'ont pas empêchée de se remettre en marche, comment ceux qu'il lui reste à franchir pourraient-ils maintenant l'arrêter?

C'est qu'en effet, voici qu'elle voit paraître, avec l'aube d'une victoire dont elle ne douta jamais, le renouveau qui lui permettra d'ajouter quelque chose encore à tout ce qu'elle fit pour le monde.


Mis en ligne le 31/03/2009 par Pierre Ratcliffe. Contact: (pratclif@free.fr) Portail: http://pratclif.com